N. 18 - 2020

Les organes de traités des Nations Unies dans une période de transition, un bilan d’étape

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Le travail ici présenté est une actualisation par le professeur de Frouville de son article initial relatif au suivi des premiers mois de la pandémie de COVID-19.

Le système des organes de traités des Nations Unies est diagnostiqué comme étant « en crise » depuis au moins trente ans et le thème de sa réforme est tout aussi ancien.

En 2009, la Haute Commissaire aux Droits de l’Homme d’alors, Madame Navi Pillay, lançait le « processus de Dublin », du nom de la ville où se tenait la première d’une vingtaine de consultations informelles, pour aboutir à un rapport[3], dont l’une des mesures phares était l’idée d’un « calendrier exhaustif de présentation des rapports ». Mais à la suite de la publication de ce rapport, l’Assemblée générale a repris la main sur le processus, à l’initiative de quelques États, et adopté la résolution 68/268 sur le « Renforcement et l’amélioration de l’ensemble des organes conventionnels des droits de l’Homme »[4]. A moyen constant, la résolution visait avant tout à essayer de résoudre le problème de l’arriéré des rapports soumis aux organes de traités : il s’agissait surtout de donner plus de temps de session, en échange d’économies sur les traductions et les services de conférences[5]. La résolution prévoyait par ailleurs un rendez-vous « six ans au plus tard […] afin d’évaluer l’efficacité des mesures prises pour garantir leur viabilité et, le cas échéant, de décider de prendre de nouvelles mesures visant à en renforcer et à en améliorer le fonctionnement ». Peu après 2014, les acteurs ont donc commencé à se mobiliser autour de ce qui a peu à peu pris la forme d’un « processus 2020 », en visant la date la plus tardive fixée par la résolution. Dans ce cadre, les organes de traité ont eux-mêmes pris conscience de la nécessité de verser leur contribution collective, en tant que « système ».
Un premier cycle de réflexion a eu lieu avec le mandat confié à Philip Alston qui estimait déjà en 1997 que le système tel qu’il existait alors n’était pas viable[1]. Depuis, ce constat n’a cessé d’être rappelé et les propositions ambitieuses se sont succédées[2]. Mais les parties prenantes se sont jusqu’ici contentées de réparations de fortune, pour empêcher le navire de prendre complètement l’eau. Aujourd’hui, être membre d’un organe de traité donne l’impression d’être un passager du Titanic : le bateau coule, mais l’orchestre continue de jouer !   e système des organes de traités des Nations Unies est diagnostiqué comme étant « en crise » depuis au moins trente ans et le thème de sa réforme est tout aussi ancien.

Mais avant de présenter cette contribution et de faire un point d’étape sur ce processus (II), il convient – circonstances exceptionnelles obligent – d’examiner la manière dont les organes de traités ont réagi à la pandémie du COVID-19 (I). On dira aussi quelques mots d’un processus parallèle de réflexion qui porte plus spécifiquement sur le système de traitement des communications individuelles (III).

I. Les organes de traités face à la crise COVID-19

1°) Les réactions sur le fond

Le système des Nations Unies a réagi rapidement et surtout massivement à la crise. Alors que le site du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) est en général assez peu réactif, on a vu se mettre en place des pages et sous-pages sur la thématique COVID-19 et les droits de l’Homme[6] – en particulier une sous-page consacrée à la réaction des organes de traités[7] et une autre sur les procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme[8]. Si l’on se concentre sur les organes de traités, la première réaction répertoriée est une déclaration conjointe des 10 présidents d’organes de traités en date du 24 mars 2020. La page classe ensuite les interventions en Notes d’orientation (trois, de la part du Comité des disparitions forcées (CED), du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et du Comité des travailleurs migrants (CMW)), Avis (deux du Sous-comité pour la prévention de la torture (SPT)), Déclarations (huit, de la part du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), du Comité des droits des personnes handicapées (CRPD), du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR), du Comité des droits de l’enfant (CRC), du CEDAW, du Comité des droits de l’homme (CDH) et une déclaration conjointe du SPT et du Comité contre la torture (CAT)), communiqués de presse (cinq, de la part des présidents, du CESCR, du CEDAW, du CMW et du SPT) et « stories » (une du CRPD).

Pratiquement, les 10 organes de traités ont donc publié et réagi à la crise sanitaire sous une forme ou sous une autre et avec des angles différents. Le CDH s’est concentré sur la question des dérogations en situation de crise, le CESCR sur les conséquences de la pandémie sur les droits économiques, sociaux et culturels. En dehors de ces deux réactions « généralistes », on voit que ce sont les catégories de personnes qui sont visées – personnes marginalisées, discriminées en temps « ordinaire », qui sont encore plus à risque lors de circonstances exceptionnelles comme celles d’états d’urgence sanitaire : les femmes, les minorités raciales ou ethniques, les migrants, les personnes privées de leurs libertés et les personnes en situation de handicap. Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a produit assez rapidement un document de compilation que l’on trouve sur la page dédiée[9], régulièrement mis à jour et qui reprend, en septembre, dix-neuf documents toutes catégories confondues. Le branche des traités du Haut-Commissariat a également établi un document « boîte à outil » (toolkit) sur les « perspectives et la jurisprudence des traités dans le contexte du COVID-19 »[10]. Le document n’a pas été établi par les organes de traités eux-mêmes et ne constitue donc pas une sorte d’observation générale commune aux organes de traités, mais davantage une contribution du secrétariat visant à dégager de la jurisprudence des organes de traités des références juridiques qui puissent être mobilisées dans le cadre d’une analyse par pays et d’un plaidoyer en faveur d’une réaction à la pandémie qui soit conforme au droit international des droits de l’homme[11].

Première conclusion à tirer : ne boudons pas notre plaisir. Ce que cette période a montré c’est d’abord et avant tout que nous avons un cadre normatif puissant en place et des organes indépendants réactifs pour les servir.  Rapidement et en l’absence même de possibilité de réunion physique, ces organes sont capables de prendre position et d’intervenir auprès des États pour leur rappeler le cadre normatif dans lequel doivent nécessairement s’inscrire les mesures prises.

Pour justifier a minima l’existence du système international de protection des droits de l’Homme on peut toujours arguer que « ce serait pire s’il n’existait pas ». Cette situation donne, je trouve, une force renouvelée à cet argument. D’une manière générale, sur le plan national et international, la vigoureuse réaction des acteurs et des institutions dont le mandat est de protéger les droits de l’Homme a sans doute évité des dérives, ou des dérives encore plus graves que celles auxquelles on a assisté.

On peut toutefois s’interroger sur ce que certains ont considéré comme une « prolifération » des réactions[12]. Par l’addition des réactions des organes régionaux, puis des organes nationaux, puis de toutes les organisations internationales, on a pu en effet assister à une avalanche de lignes directrices, déclarations, avis, etc., ce qui fait qu’à la fin, il devient difficile de s’y retrouver et surtout matériellement impossible de digérer toute cette littérature. Le trop-plein nuit à la compréhension et à la visibilité. L’organisation International Justice Resource Center (IJRC) s’est livrée à une tentative de « cartographie », une sorte de guide des guides sur son site[13], avec une tentative de synthèse thématique trans-institutionnelle très utile.

Ce que révèle cette « prolifération », c’est sans doute l’extrême fragmentation institutionnelle du système international de protection des droits de l’Homme : aux systèmes régionaux s’ajoute un système universel composite, avec plus de 250 experts répartis entre le système non conventionnel du Conseil des droits de l’Homme (80 titulaires de mandat au titre des procédures spéciales) et le système conventionnel (172 experts membres des comités), le Comité consultatif (18 experts), auquel il faut ajouter le Haut-Commissariat lui-même gros producteur de rapports d’expertise, sans compter évidemment la masse de résolutions et de décisions produites par le Conseil des droits de l’Homme. Sans céder à une tentation dangereuse de la pureté ni à une passion malsaine de l’ordre, on ne peut s’empêcher de penser qu’une certaine simplification serait peut-être bienvenue[14]. En attendant, les synthèses comme celles que produisent le Haut-Commissiariat (supra) sont très utiles. De plus, la conscience du risque d’être inaudible à force de dispersion conduit les organes de traités à réfléchir à de nouvelles formes de coordination, non seulement sur le plan procédural, mais aussi sur le plan substantiel. Une partie du mandat du Groupe de travail inter-comité sur le COVID-19 dont on va parler ci-dessous porte ainsi sur une réflexion de fond pour permettre aux comités de coordonner autant que possible leurs positions sur des questions relevant de plusieurs traités à la fois.

2°) Les réactions sur le plan procédural

La crise sanitaire a durement affecté les activités des organes de traités, comme de tous les autres organes de protection des droits de l’Homme, mais peut-être plus durement encore. Les procédures spéciales du Conseil ont vu leurs visites annulées, mais les autres activités, reposant sur des rapporteurs spéciaux ou un nombre limité d’experts sous la forme de « groupes de travail », ont pu se poursuivre pour l’essentiel[15]. Des organes comme la Cour européenne des droits de l’Homme ont dû prendre des mesures exceptionnelles impliquant le
télé-travail de leurs personnels, le report d’audiences, mais finalement l’activité a été maintenue a minima et finalement progressivement rétablie, malgré le nouveau confinement imposé par la deuxième vague.

Les organes de traités, de leurs côtés, réunissent des experts provenant de tous les continents situés sur des fuseaux horaires parfois très éloignés et, faut-il le rappeler, non rémunérés mais exerçant leur activité de manière bénévole moyennant un défraiement de leurs frais de mission lorsqu’ils siègent à Genève.  Le travail des comités est accompli pour l’essentiel à Genève en session, et de manière limitée sur une base inter-sessionnelle, notamment pour tout ce qui concerne le traitement des communications individuelles (surtout pour le CDH, le Comité contre la torture (CAT) et le CEDAW) ou les appels urgents du Comité sur les disparitions forcées (CED). Compte tenu de ces spécificités, des défis sont rapidement apparus (a) et les comités ont dû s’adapter en mettant en place des sessions en ligne (b) et en créant une coordination inter-comité inédite (c).

a) Les défis

Les organes de traités – et le secrétariat du Haut-commissariat aux droits de l’Homme – ont vite perçu le risque de « protection gap » et de retard persistant dans un contexte déjà caractérisé par des arriérés importants (pour l’examen des rapports et des communications)[16]. Compte tenu de l’impossibilité de se réunir à Genève, la tenue d’au moins une partie des activités en ligne est apparue comme la seule solution possible, du moins en théorie, mais en pratique les obstacles étaient importants. Sur le plan technique, en mars 2020, aucune institution n’était tout à fait préparée à faire face aux conséquences de la crise et notamment aux exigences du travail en ligne. Heureusement, un certain nombre d’entreprises avaient déjà développé des solutions techniques relativement performantes, dont certaines ont alors connu un succès considérable.

Mais un temps d’adaptation était nécessaire : sans même parler du Conseil de sécurité[17], dont la lenteur à l’allumage a été remarquée[18], il a fallu attendre le 9 avril 2020 pour que le Conseil des droits de l’Homme tienne sa première réunion virtuelle[19] (conversation avec la Haute-Commissaire). Mais alors que la plateforme Zoom était plébiscitée, les incidents de sécurité se sont multipliés, avec pour conséquence l’interdiction de son utilisation dans de nombreux pays et une directive dans ce sens de l’Organisation des Nations  Unies. Il a donc fallu recourir à d’autres plateformes, plutôt moins performantes : le logiciel choisi par les Nations Unies incorporant la possibilité d’interpréter simultanément (Interprefy) s’est révélé non accessible aux personnes en situation de handicap, compliquant considérablement les travaux du CRPD et l’accès d’autres parties prenantes handicapées aux travaux des comités.

Un autre obstacle majeur était l’absence d’interprétation dans les langues de travail des comités. Pendant une première période, il s’agissait d’un obstacle purement technique, tenant à l’impossibilité de faire intervenir les interprètes sur les plateformes. Cet obstacle surmonté au début de l’été, d’autres contraintes sont apparues, telles que l’insuffisance du nombre de cabines équipées à Genève, et susceptibles d’accueillir les interprètes selon les conditions sanitaires qui s’imposent.

D’autres obstacles se sont faits jour, nécessitant une adaptation des méthodes de travail. La question des fuseaux horaires rendait impossible la tenue de séances dans le créneau horaire habituellement usité, à savoir de 10 heures à 13 heures, puis de 15 heures à 18 heures, totalisant six heures de séance par jour.  Comment réunir ensemble une experte du Pérou et un expert chinois ? Cela est seulement possible de 13h (7h du soir à Beijing, 6 h du matin à Lima) à 16h (10h du soir à Beijing, 9h à Lima). La conclusion qui en a été tirée rapidement est qu’une partie devaient être effectués par procédure strictement écrite, à travers des échanges de courriels. C’est de cette manière que les comités ont pu procéder rapidement un certain nombre d’actes, comme l’adoption des rapports annuels ou d’autres rapports, l’adoption de listes de question sur la base des rapports des Etats etc.

b) La tenue de sessions en ligne

— De mars à août 2020

En tout, entre mars et la fin du mois d’août, ce sont 12 sessions d’organes de traités qui ont été « affectées » par la crise, en ce sens qu’elles n’ont pas pu avoir lieu à Genève comme prévu, ou ont dû être abrégées.

Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) et le Comité des droits de l’homme (CDH) ont été les premières « victimes » de la crise. Le CRPD dont la 23ème session devait se tenir du 11 mars au 5 avril a décidé d’emblée de la repousser au mois d’août (du 17 août au 4 septembre). Le groupe de travail de pré-session formé en vue d’examiner les listes de points adopta celles-ci en ligne, par échange de mail. Le Comité des droits de l’homme, quant a lui, a été contraint le 13 mars de suspendre à mi-parcours sa 128ème session, initialement programmée pour se tenir du 2 mars jusqu’au 27 mars. Fort heureusement, les dialogues constructifs sur les rapports des Etats parties avaient eu lieu lors des deux premières semaines. Le Comité décida d’adopter par courriel ses observations finales à l’issue des dialogues, ainsi que listes de questions pour les dialogues futurs. Quant à sa procédure de communications individuelles, il décida de s’en tenir à l’adoption des décisions et constatations normalement adoptées par défaut en plénière (décisions d’irrecevabilité, cas répétitifs et clôtures), ce qui permettait d’éviter tout débat en ligne.

La session du CED devait initialement débuter le 30 mars à Genève. Il fut annoncé aux membres que l’interprétation ne pouvait être assurée par l’Office des Nations Unies à Genève. Après discussion entre les membres, il fut décidé d’ouvrir la 18ème session par vidéo-conférence en public, après quoi le Comité adopterait en privé deux listes de points pendantes, et aurait une discussion générale sur le contexte COVID-19 et sur le processus 2020, le tout sans interprétation. Pour l’adoption des listes de points, la procédure fut donc « mixte » : échanges de courriels et recueil des suggestions des membres, puis adoption paragraphe par paragraphe lors de la vidéo-conférence. Le Comité avait initialement prévu de faire intervenir en ouverture la mère d’une personne disparue : cela fut fait, avec une interprétation consécutive en espagnol et en anglais, fournie à titre exceptionnel uniquement pour cette intervention. Le Comité a décidé de suspendre la session jusqu’au 7 septembre, où elle serait close et la 19ème session ouverte. Pendant la période de suspension, le Comité a également adopté son rapport annuel par échange de courriels et procédure d’acceptation implicite.

A la suite de cette expérience, le CED a jugé bon d’élaborer, sous la forme d’une lettre du Président adressée à la Haute-Commissaire, un bilan de cette expérience, de manière à expliquer ce qui avait pu être accompli exactement et à en tirer les leçons. La lettre souligne quatre difficultés rencontrées, dont la résolution constitue en quelque sorte un préalable à la tenue de véritables sessions en ligne, outre la question des fuseaux horaires, à savoir : a) la question de l’accès à une plateforme électronique fiable ; b) la disponibilité de l’interprétation dans les langues de travail ; c) l’accessibilité pour tous y compris les personnes en situation de handicap et les personnes qui n’ont pas accès ou un accès difficile à internet ; d) la question du défraiement des experts, liée généralement à leur présence à Genève (système de per diem).

Le CED était le premier comité à tenir une « session » en ligne et le service de presse de l’ONU s’en fit l’écho, sans doute de manière un peu trop emphatique[20]. A vrai dire, le CED ne s’était réunit en ligne que quelques heures, sans interprétation (sauf pour l’interprétation consécutive de la mère de disparu) et sur une plateforme instable et avec de nombreux problèmes de connexion. Les sessions suivantes d’organes de traités étaient programmées en avril, puis en juin, juillet et août, ce qui laissait un peu de temps pour améliorer la technique des réunions en ligne. La lettre du CED à la Haute-Commissaire poussait dans ce sens. Le CERD, dont la 101ème session devait se dérouler initialement du 20 avril au 8 mai, décida de la repousser à l’été (elle se tint finalement du 4 au 7 août). Les autres comités programmés pour l’été avaient un peu plus de temps et décidèrent donc de tenir leurs sessions respectives en ligne, en suivant un programme de travail plus ou moins réduit selon les comités et en tout cas, pour tous, amputé des dialogues avec les Etats parties. En effet, compte tenu des difficultés techniques rencontrées, il paraissait difficile d’envisager à ce stade la tenue de tels dialogues – se déroulant toujours sur six heures et nécessitant une interaction entre les experts et la délégation de l’Etat et, en informel, avec les organisations de la société civile ou les institutions nationales des droits de l’homme (INDH).

Ainsi le SPT[21], le CEDAW[22], le CDH[23], le CERD[24] et le CRPD[25] sont allés de l’avant, en tenant des sessions en ligne comprenant plusieurs activités à l’ordre du jour. De son côté, le SPT a innové, en se réunissant sous la forme de groupes régionaux et en tenant des dialogues à distance avec les mécanismes nationaux de prévention de la torture (MNPT) de la région, une expérience que les membres ont généralement jugé très positive, et qui pourrait être reproduite à l’avenir, y compris en temps « ordinaires ».

Par ailleurs les groupes de travail du CRC (14-21 mai), du CEDAW (24-26 juin) et du CDH (22-27 juin) se sont réunis pour examiner respectivement 7, 8 et 45 communications individuelles. Le CEDAW a par la suite adopté ces constatations en plénières, alors que le CRC en a reporté l’examen à une session ultérieure et que le CDH se contentait d’adopter les plus « simples ». Le CERD et le CRPD ont examiné respectivement une et quatre communications lors de leur session d’août.

Le seul organe de traité à ne pas avoir tenu de session est le CMW, qui a décrété une « période intersessionnelle » entre le mois de juillet 2020 et le mois de février 2021 et programmé sa prochaine session en avril 2021. Il n’en a pas moins adopté, par procédure écrite, un certain nombre de documents (rapport annuel, observation générale, un note d’orientation, des listes de points etc.) Le CAT, de son côté, a tenu une « session » pendant quelques heures, le 13 juillet. Pour le reste, il a décidé d’adopter par écrit des listes de points et son rapport annuel, et de maintenir l’activité de ses rapporteurs (suivi, enregistrement des nouvelles communications et mesures provisoires, représailles). Et il a « annulé » sa session de novembre et, comme le CMW, décidé que sa prochaine session aurait lieu en avril 2021.

Au-delà des sessions, il est évident que la crise sanitaire a interrompu tout le programme de visites et d’enquêtes sur place : les visites des lieux de privation de liberté normalement menées par le SPT ont dû être reportées (missions en Bulgarie, Australie, Madagascar, Nauru), de même que la procédure d’enquête du CEDAW, avec une visite prévue en mars-avril, également reportée sine die.

— De septembre à décembre 2020

Il était clair dès l’été 2020 qu’aucun retour à la normale ne pouvait être espéré pendant la deuxième partie de l’année 2020 : les sessions à Genève ne pourraient pas reprendre. La plupart des comités (hormis le CMW et le CAT comme on l’a mentionné plus haut) en ont pris leur parti et ont donc décidé d’organiser leurs activités en ligne. Depuis le mois de juillet, les conditions matérielles et logistiques d’organisation des sessions en ligne s’étaient stabilisées sans être devenues pour autant satisfaisante, et notamment sans répondre pleinement aux points soulevés dans la lettre adressée par le CED à la Haute Commissaire dès le mois de mai. En termes de plateforme, l’ONU a continué d’imposer l’usage d’Interprefy pour les séances interprétées simultanément ; et Webex pour les séances non interprétées. Les membres ont généralement exprimé leur insatisfaction au regard de ce choix, ces plateformes étant jugées trop compliquées et peu fiables. A vrai dire, à l’usage, Interprefy s’est révélé d’un usage correct – bien que peu ergonomique et inutilement compliqué. Mais l’absence d’outils pour faciliter l’accès en particulier aux personnes mal voyantes semble en condamner l’usage à terme. La question de l’interprétation est demeurée un problème, avec un maximum de quatre heures par jour d’interprétation – donc limité à deux heures lorsque deux comités siègent simultanément –, rendant impossible la tenue d’une session normale, et nécessaire le recours à des sessions non-interprétées et par conséquent se déroulant exclusivement en anglais. Enfin, la question du défraiement est restée non résolue. Le per diem étant lié, dans la réglementation de l’ONU, à un voyage hors de son pays de résidence, il ne peut être versé dans le cadre de session en ligne. Il est lié aux frais de logement et autres pendant la session et ne peut donc être payé lorsque l’expert réside chez lui. Les experts ont toutefois fait valoir que leur participation aux sessions, même en ligne, occasionnait des frais et nécessiterait une assistance spéciale – notamment sur le plan logistique et technique (matériel informatique à jour, connexion internet haut-débit etc.)

Au regard de ces contraintes, chaque comité a dû faire des choix et maintenir une activité relativement réduite. Tous les comités ont décidé de repousser l’examen des rapports des Etats parties à 2021. Le CED a toutefois décidé de tenir un dialogue constructif avec l’Irak, en ligne – la délégation étant basée à Bagdad et les membres depuis leurs lieux de résidence respectifs. Mais ce dialogue se tenait dans le cadre de l’article 29, paragraphe 4 de la Convention, prévoyant la possibilité pour le Comité de demander des « informations supplémentaires » aux Etats parties sur la mise en œuvre de la Convention. Il ne s’agissait donc pas d’examiner le rapport d’un Etat partie : le CED a décidé, à cet égard, de repousser l’examen des rapports de la Suisse et de la Mongolie à 2021, suivant en cela les autres organes de traités.

Au total, la rapporteur du Groupe de travail sur la COVID-19 (cf. infra) a établi que les organes de traités avaient, durant la période mars-décembre 2020, adopté 70 listes de questions, 44 listes de questions avant rapport (LOIPR), 3 observations générales ou recommandations générales, 146 communications individuelles et un rapport d’enquête, en plus des autres activités menées comme l’adoption des rapports de suivi, la mise au point des directives/déclarations/recommandations liées à la COVID-19 et les multiples webinaires…

c) Une coordination inter-comité : le Groupe de travail sur la COVID-19 des organes de traités

Les présidents des organes de traités devaient tenir initialement leur 32ème réunion à New York du 1er au 5 juin 2020. Compte tenu de l’impossibilité de tenir cette réunion en présence et au regard, à ce moment, du caractère encore rudimentaire des techniques de visio-conférence, il fut décidé de tenir du 2 au 5 juin une réunion informelle, uniquement en anglais, réunissant non seulement les présidents mais aussi les « points focaux 2020 », à savoir les membres des comités respectifs désignés pour suivre le processus d’examen de la résolution 68/268. Cette réunion informelle comprenait dans son ordre du jour la question de l’adaptation des organes de traités face à la crise sanitaire. Les présidents firent le bilan des mesures prises jusque-là, et la lettre du CED fut généralement endossée par les participants. Par ailleurs, deux membres proposèrent de constituer un groupe de travail inter-comité sur le COVID-19 pour travailler sur les mesures de fond mais aussi sur les questions de procédure, et cette proposition fut accueillie favorablement par l’ensemble des participants.

Le groupe de travail a donc tenu trois réunions pendant l’été les 3, 10 et 17 juillet. Les réunions se tenaient entièrement en anglais, sur Webex. Le Groupe de travail était composé de « points focaux COVID-19 » au sein de chaque comité et désigna en son sein une facilitatrice, Mme Nora Sveass (SPT) et une rapporteur, Mme Mikiko Otani (CRC). Le Groupe de travail a permis aux comités de partager leurs expériences et leurs pratiques à partir des premières sessions en ligne. Il a également été l’occasion d’auditionner des responsables du Haut-Commissariat sur les aspects logistiques et financiers, ainsi que les services de conférences et d’interprétation sur les contraintes présentes et à venir. En conclusion de ses travaux, la rapporteur du Groupe de travail a rédigé un rapport exhaustif résumant l’ensemble des informations et des conclusions, et formulant des recommandations à l’intention des présidents d’organes de traités[26].

A l’issue de la première partie de leur 32ème réunion (27-30 juillet), les présidents décidèrent d’étendre le mandat du Groupe de travail de manière à ce qu’il puisse continuer à suivre la situation et à développer des axes communs entre les différentes organes de traités[27]. Au cours de l’automne, le Groupe de travail a donc tenu cinq réunions en ligne les 14 et 30 octobre les 17 et 25 novembre et le 11 décembre. Le Groupe de travail a développé a cette occasion un concept de webinaires régionaux inter-comités, une base de donnée sur la jurisprudence des comités en lien avec la crise sanitaire, ainsi qu’une proposition de position commune, à l’intention des présidents, sur la reprise des examens des rapports des Etats parties au premier semestre 2021. Sur ce dernier sujet, le Groupe de travail a relevé l’expérience du CED dans le cadre de son dialogue avec l’Irak au titre de l’article 29§4 de la Convention. Il a aussi pris note de l’intention exprimée par le CESCR[28] et le CDH[29] de procéder à des examens en ligne de deux Etats parties lors de leurs prochaines sessions, si les sessions en présence ne pouvaient se tenir.  Le Comité des droits de l’Homme a signalé, dans son communiqué de presse de fin de 130ème session[30], qu’un tel examen « would be held strictly on a trial and exceptional basis, should the in-person session not take place due to COVID-19 ». Cette idée a été reprise par le Groupe de travail dans ses préconisations tendant à « avoid monitoring gap » : il s’agit d’encourager les organes de traités à entreprendre des examens en ligne de manière exceptionnelle et à titre de « projet pilote » si les sessions à Genève ne peuvent pas se tenir.

Toujours sur ce sujet, l’Académie du droit humanitaire et des droits humains à Genève et le CRDH/Paris Human Rights Center ont pris l’initiative d’organiser les 2 et 3 décembre une réunion de type « Treaty Body Members Platform »[31] autour des « méthodes de travail COVID ». La réunion s’est tenue en ligne et était ouverte à la participation de tous les membres d’organes de traités et de leurs secrétariats (HCDH) et, pour les deux premiers segments le 2 décembre, aux ONG travaillant régulièrement avec les organes de traités (notamment celles réunies autour de la coordination « TB-Net »).

Une lettre du 7 décembre 2020 des présidents d’organes de traités aux présidents de l’Assemblée générale, de la Troisième et de la Cinquième commission, souligne que les préoccupations exprimées par les organes de traités au sujet des sessions « en ligne » restent en l’état sans réponse : interprétation, plateforme, accessibilité… le Secrétariat n’a pas su fournir les solutions appropriées. Par ailleurs, les présidents rappellent que même si toutes les conditions étaient réunies, le travail en ligne continuerait de se heurter à l’obstacle des différences de fuseaux horaires entre les membres – une difficulté à laquelle les organe régionaux (européens, africains ou américains) ne sont évidemment pas confrontés. La seule solution à une telle difficulté consisterait à étendre les dates de session, voire à rendre les sessions des organes de traités annuelles, de manière à rendre possible un travail en quelque sorte en continu des comités, à raison de deux heures par jour de travail. Un tel modèle pourrait d’ailleurs être étendu postérieurement à la pandémie, avec un segment de session en présentiel à Genève et un segment en ligne courant le reste de l’année, pour permettre la gestion des affaires courantes. Ceci faciliterait aussi à terme la réalisation d’un calendrier fixe et coordonné d’examen des rapports (cf. infra). Mais jusqu’à présent une telle solution[32] heurte les imaginaires tant du secrétariat que des membres des comités, solidement ancrés dans l’idée de sessions en présentiel à des dates fixes. Les comités n’ont pas franchi le seuil du XXIème siècle postCOVID.

Finalement, lors de la deuxième partie de leur 32ème réunion, qui s’est tenue le 14 décembre 2020, les présidents ont entendu le rapport du Groupe de travail COVID-19 et lui ont renouvelé sa confiance, en lui confiant notamment le mandat d’élaborer des directives en vue des examens des Etats en ligne, pour les organes de traités qui auraient décidé de reprendre ces examens.

La contribution des organes de traités au processus 2020 de révision de la résolution 68/268

En juin 2019, les présidents d’organes de traités ont adopté, lors de leur réunion annuelle, un document présenté comme la « vision » des présidents sur le futur du système des organes de traités[33]. Ce document était le fruit d’un processus qui s’est étalé sur un peu plus d’une année, démarré par une réunion conjointe entre les comités des deux Pactes en mars 2018 et avec pour point d’orgue une réunion des présidents et des « points focaux 2020 »[34] tenue à Copenhague les 26 et 27 février 2019[35].

Dès l’automne 2019, le CRDH et l’Académie de Genève ont avancé l’idée d’organiser un processus type « Copenhague II » en vue de promouvoir la mise en œuvre de la « vision » des présidents et de faire un premier bilan (a), ceci en amont du début du processus intergouvernemental de révision lancé par le président de l’Assemblée générale avec la nomination de co-facilitateurs (b). Face au retard pris au début du processus du fait de la crise sanitaire, puis de la soudaine accélération du calendrier début juin, une réunion informelle des présidents a été convoquée du 2 au 5 juin 2020 (c), invitant les comités à remettre des propositions (d) avant la tenue d’une première partie de la 32ème réunion formelle en juillet (e) et la remise du rapport des co-facilitateurs en septembre, suivie par la deuxième partie de la réunion des présidents le 14 décembre (f).

a) La réunion « académique » (15-16 avril 2020)

Alors que l’automne apparaissait progressivement comme la solution privilégiée par les États pour conclure le processus de révision de la résolution 68/268, il a semblé opportun d’organiser la réunion « académique » prévue les 15 et 16 avril 2020, non pas à Genève, mais à New York, ceci afin de faciliter la prise de contact parallèle avec les représentants des États à l’Assemblée générale. Avec la pandémie mondiale du COVID-19, tout déplacement à New York était devenu impossible, mais la réunion fut maintenue en ligne, par vidéo-conférence, avec l’aide et le soutien de Columbia Law School. Intitulée « Beyond 2020-From a vision to plan », la réunion était gouvernée par la « Chatham House Rule »[36], mais ouverte dans sa participation, puisqu’étaient présents, outre les présidents et les « points focaux 2020 », des membres du Haut-Commissariat (le Secrétariat) appartenant à la « branches des traités », des représentants d’ONG (Amnesty International, Service International pour les Droits de l’Homme, CCPR-Center, Open Society Justice Initiative…), les chercheurs de l’Académie de Genève et du CRDH (Felix Kirchmeier, Kamelia Kemileva, Claire Callejon…), et Sarah Cleveland, en tant qu’ancienne membre du Comité des droits de l’Homme et professeur à la Columbia Law School. La discussion fut riche et résumée dans un document de travail à diffusion limitée, rédigé par l’Académie, faisant à la fois le bilan des progrès accompli et la liste des idées avancées pour l’avenir.

Quatre éléments fondamentaux sont en particulier ressortis des discussions :

– Quant à la procédure des rapports, les participants ont réitéré mais aussi précisé l’idée centrale de « prévisibilité », en privilégiant l’option d’un examen à date fixe et d’un calendrier non pas « exhaustif » (pour tous les organes de traités), mais propre à chaque organe de traité. Chaque comité serait donc maître de la date des examens des rapports, en généralisant la possibilité d’examiner la situation des États « en l’absence de rapport », de manière à respecter le calendrier fixé en amont. Mais cette autonomie devrait trouver sa contrepartie dans une étroite coordination, y compris pour fixer les dates d’examen, en laissant la possibilité d’examens consécutifs (« back-to-back »), ou organisés en série (par exemple un comité tous les deux ans), ce qui implique nécessairement une coordination sur le fond, depuis le stade de la rédaction des « listes de points » jusqu’à l’adoption des observations finales. Au stade du suivi, l’idée d’un suivi coordonné, voire intégré (pris en charge par exemple par un organe ad hoc inter-comité) a également été avancée.

– Plus spécifiquement en lien avec la résolution de l’Assemblée générale, Yuval Shany, « point focal » pour le Comité des droits de l’Homme, a proposé de modifier la logique de financement des activités des organes de traités établie dans le cadre de la résolution 68/268 : alors que cette dernière prévoyait une formule rétrospective – établissant les financements pour les années à venir sur la base des activités passées – il s’agirait de mettre en place une formule « prospective », qui calculerait les ressources nécessaires à partir d’un plan d’activité fixé par chaque organe de traité tous les deux ou trois ans. Ceci permettrait de prendre en compte la croissance continue des activités des organes de traités – augmentation du nombre de rapports à organiser, mais surtout augmentation du nombre de communications individuelles reçues, alors que la précédente formule, fondée sur l’activité passée, laissait toujours les ressources en deçà des besoins réels.

– Troisième point, les participants se sont accordés sur le fait que la résolution 68/268 n’avait pas suffisamment pris en compte les spécificités de deux organes de traités : le SPT – dont l’activité se limite à des inspections de lieux de détentions dans les pays – et le CED, qui n’a pas de système de rapport périodique et comporte en plus, par rapport aux autres organes, une importante fonction d’appels urgents visant à localiser des personnes disparues.

– Quatrième point, sur les communications individuelles, les organes de traités ont souligné la nécessité de mettre en place un portail digital performant et un système d’administration des cas comparable à celui dont sont dotés les juridictions internationales – sans faire l’impasse évidemment sur le nécessaire renforcement de la section des pétitions et des appels urgents, en sous-effectif (sur ce dernier point, cf. infra 3°).

b) Les débuts du processus intergouvernemental : les co-facilitateurs

Entretemps, le processus intergouvernemental s’était mis en branle : par lettre en date du 8 avril 2020, le Président de l’Assemblée générale a informé de sa décision de nommer deux co-facilitateurs du processus de révision de la résolution 68/268 : M. Omar Hilale, ambassadeur du Maroc et M. Jürg Lauber, ambassadeur de la Suisse. Dans la foulée, les deux co-facilitateurs ont programmé une réunion de lancement le 2 juin 2020, en présence de tous les acteurs, y compris les organes de traités, représentés par la présidente du CEDAW, Mme Hilary Gbedemah, en tant que présidente de la réunion annuelle des présidents d’organes de traités (« chair of chairs»), puis une réunion de « consultation technique » le 4 juin, avec la participation des « experts » des délégations gouvernementales à New York et Genève. Remarquons sur ce point que la tenue de ces réunions en visio-conférence a permis une participation plus large que les habituelles réunions en « présentiel » : si la réunion s’était tenue à New York, les diplomates « experts » genevois n’auraient sans doute pas pu participer, alors même qu’ils sont a priori plus au fait de ces dossiers que leurs collègues new-yorkais qui ne traitent pas de ces questions au quotidien, l’essentiel des activités « droits de l’Homme » de l’ONU étant localisé à Genève.

A l’occasion de la réunion de lancement, les co-facilitateurs ont communiqué leur calendrier prévisionnel qui a été à peu près suivi. Un questionnaire a été envoyé avec demande de contributions écrites pour le 7 juillet[37]. Puis des consultations informelles se sont tenues fin juillet avec les Etats parties (New York, 27 juillet) ; avec les présidents d’organes de traités (28 juillet, en ligne, dans le cadre de la première partie de la 32ème réunion des présidents); suivies de nouvelles sessions de consultations le 28 août (New York, en hybride avec les Etats, le HCDH et les autres parties prenantes) et le 2 septembre (virtuelles) sur un certain nombre de thèmes déterminés avec les Etats et les autres parties prenantes ; rédaction du rapport présenté oralement lors d’une séance de bilan (wrap-up) le 11 septembre et envoyé par écrit au président nigérian de l’Assemblée générale le 14 septembre, avant la clôture de la 74ème session de l’Assemblée générale et l’ouverture de sa 75ème session le 15 septembre, sous présidence turque.

c) La réunion informelle des présidents (2-5 juin 2020)

Face à cette accélération du calendrier au début du mois de juin, le secrétariat a estimé opportun de convoquer une réunion informelle des présidents des organes de traités, avec la participation des « points focaux 2020 », à la date initialement prévue pour la tenue à New York de la réunion formelle annuelle – celle-ci étant reportée pour partie à la fin au début du mois de juillet 2020. La réunion informelle s’est donc tenue du 2 au 5 juin 2020, coïncidant ainsi avec le lancement du processus de co-facilitation. Comprenant également à son ordre du jour la question des « mesures COVID » (voir supra), elle a permis, concernant le processus 2020, de préparer l’ébauche d’une position commune à transmettre aux co-facilitateurs, sur la base de la « vision » et du document de travail élaboré à la suite de la réunion des 15-16 avril. L’objectif était que cette position commune puisse être élaborée puis adoptée lors de la réunion partielle des présidents prévue du 27 au 30 juillet. Les organes de traités furent donc invités à travailler chacun de leurs côtés pour faire remonter les informations et propositions susceptibles de venir nourrir la contribution communes devant être présentée aux co-facilitateurs.

d) Les contributions des comités[38]

Le Comité des droits de l’Homme a ainsi adressé une lettre aux co-facilitateurs en date du 16 juillet 2020, rappelant la « vision » des présidents, et faisant part de sa décision, lors de sa 123ème session (juillet 2019) d’adopter un Cycle d’examen prévisible (Predictable Review Cycle) visant à examiner l’ensemble des 173 Etats parties au Pacte sur un cycle de 8 années. A cela, le Comité ajoutait la nécessité de revoir la « formule » de la résolution 68/268, essentiellement rétrospective, pour lui substituer une formule prospective permettant de mettre pleinement en œuvre le Cycle prévisible. Le Comité insistait par ailleurs sur le fait qu’un tel changement n’impliquerait pas une augmentation significative du budget (21,625 rapports par an au lieu de 19, représentant 1,2 semaines supplémentaires de session et 90 jours de travail supplémentaires pour le personnel du Haut Commissariat).

Dans une lettre du 24 juillet, le Comité sur les disparitions forcées (CED) faisait de son côté valoir les spécificités de sa procédure. D’une part avec la fonction d’appel urgent (article 30 de la Convention), non prise en compte dans la formule de la résolution 68/268 Or entretemps, le Comité avait enregistré 906 appels urgents (aujourd’hui plus de 1000), occasionnant une charge de travail de plus en plus considérable, sans que les ressources correspondantes – en temps de session et en surtout en personnel du secrétariat – ne soient adaptées en conséquence.  D’autre part, la procédure d’examen des rapports du CED n’était pas équivalente à celle des autres organes de traités : le rédacteurs de la Convention n’avaient pas souhaité, en effet, mettre en place une procédure de rapports périodiques. La Convention prévoyait la remise d’un rapport initial dans les deux ans après l’entrée en vigueur (article 29§1) et la possibilité pour le Comité de demander des « renseignements complémentaires » (article 29§4). D’où la difficulté de s’adapter à l’exigence d’un calendrier prévisible : une demande de renseignement complémentaire n’est adressée à un Etat par le Comité que si ce dernier le juge nécessaire, au regard du niveau de mise en œuvre des obligations de l’Etat considéré et de l’évolution de la situation dans le pays. Le Comité considère donc que l’intervalle entre deux demandes de renseignements complémentaires peut varier entre 1 et 8 ans selon les Etats. Au regard du nombre d’Etats parties (63), le Comité a calculé qu’il était prévisible qu’il allait être amené à examiner les renseignements complémentaires d’environ 20 Etats par an – selon des modalités d’examen variées, allant du dialogue traditionnel à la procédure écrite (desk review). Prenant en compte ces données, le Comité est arrivé à la conclusion qu’il lui faudrait à l’avenir 4 semaines de session supplémentaires, représentant « 1,4 » membres du secrétariat en plus.

Enfin une lettre du 6 juillet adressée aux co-facilitateurs était signée par plusieurs membres de différents organes de traités et visait à promouvoir la solution d’examen des rapports « in situ », c’est-à-dire soit dans le pays concerné, soit au niveau régional – suivant l’exemple de la session du CRC à Samoa[39]. Les auteurs de la lettre appelait la future résolution de l’Assemblée générale à reconnaître le rôle positif que de telles sessions pourraient jouer, même s’ils admettaient que la crise sanitaire rendait ce modèle peu praticable dans l’immédiat.

e) La 32ème réunion des présidents (première partie, 27-30 juillet 2020)

La 32ème réunion a été d’abord l’occasion d’un dialogue entre les présidents et les co-facilitateurs. A cette occasion, les présidents ont pu se fonder sur les conclusions de la réunion de juin et sur les contributions apportées entretemps par différents comités pour présenter aux co-facilitateurs leur « vision » mais aussi les premières mesures prises en vue de sa mise en œuvre. Ils ont en particulier mis en valeur la décision des comités des deux pactes d’instaurer un calendrier fixe et prévisible des examens des rapports des Etats, en reprenant aussi la proposition d’une formule « prospective » [40]. Au titre de leurs décisions et recommandations, les présidents ont réaffirmé le cadre de la résolution 68/268 et leur « vision », consistant notamment dans la mise en œuvre d’un calendrier fixe et coordonné d’examen des rapports pour les comités de deux pactes comme pour les comités des conventions. Ils ont aussi réitéré la pertinente de l’idée d’une formule « prospective » « conformément à la décision prise par les deux comités du Pacte d’appliquer un calendrier d’examens prévisible, et afin de promouvoir la durabilité en finançant de manière adéquate le système des organes conventionnels pour qu’il puisse remplir son mandat (…) », en renvoyant  la lettre du Comité des droits de l’homme du 16 juillet 2020. Les présidents ont également soutenu les demandes spécifiques du CED dans sa lettre du 24 juillet et recommandé d’encourager le dialogue avec les Etats de la région, en faisant référence à la lettre du groupe d’experts du 6 juillet 2020[41]. Ils ont enfin repris à leur compte l’idée, promue notamment par le président du CAT mais aussi poussée par les ONG, d’« envisager de remplacer le deuxième examen par un examen ciblé, qui peut consister en la conduite d’une visite sur le terrain par un membre de l’organe conventionnel et un membre du Secrétariat afin de dialoguer avec l’Etat partie. »

f) Le rapport des co-facilitateurs et la deuxième partie de la 32ème réunion des présidents (14 décembre 2020)

Le rapport remis par les co-facilitateurs à l’Assemblée générale[42] constitue une excellente synthèse des consultations menées. Les co-facilitateurs commencent par noter qu’il existe un consensus parmi toutes les parties prenantes sur l’idée que la résolution 68/268 constitue toujours un cadre pertinent qui, s’il était entièrement appliqué, permettrait aux organes de traités de fonctionner de manière plus effective. En même temps, les co-facilitateurs notent que les contributions ont également révélé les « défis » et les « manques » et appellent à des « ajustements limités » et des « adaptations ».  Le rapport énonce ensuite, sans hiérarchie, des conclusions et recommandations sur tous les points abordés, en partant de l’usage des nouvelles technologies jusqu’à l’examen des rapports, en passant par les modalités d’élection des membres. Sur la question des rapports, les co-facilitateurs estiment que les consultations ont montré qu’il serait souhaitable de développer un cycle prévisible d’examen (predictable review cycle) et, dans la mesure du possible, un calendrier fixe et coordonné, sur plusieurs années, pour tous les comités :

« A master calendar should be coordinated across all Committees and include the due dates for States’ parties reports and the dates for the constructive dialogue. One of the major advantages stated of a predictable review cycle is that it enables both the Committees and States parties to plan properly which potentially reduces the lack of reporting. »

Sur ce point, ils estiment en définitive que le HCDH pourrait préparer, en coordination avec les organes de traité, une proposition d’agenda et une estimation du coût lié à un des cycles d’examen prévisibles. Le calendrier ainsi établi pourrait également prendre en compte d’autres obligations de rapport, telles que celles imposées par l’examen périodique universel.

En définitive, le processus a donc été exemplaire : depuis la réunion de Copenhague jusqu’au rapport des co-facilitateurs, les organes de traités ont montré non seulement qu’ils savaient parler d’une seule voix mais aussi faire des propositions constructives aptes à réunir le consensus. Reste à savoir si, au-delà du rapport très positif des co-facilitateurs, les Etats en tireront les conséquences à l’Assemblée générale.

A ce jour (janvier 2021), rien n’autorise à le penser. Au contraire, les perspectives sont plutôt sombres. Plutôt que de réagir rapidement aux recommandations des co-facilitateurs et conclure le processus 2020 par une relance du processus de renforcement sur des bases solides, les Etats ont ajouté la frilosité à l’immobilisme. La résolution 75/174 adoptée par l’Assemblée générale le 16 décembre 2020 se contente de « prendre note » du rapport des co-facilitateurs dans un paragraphe préambulaire. « Prendre note », dans le langage diplomatique, signifie que l’on n’« approuve » ni ne « déplore » – c’est une manière de signaler qu’il s’agit d’un simple fait à prendre en compte, parmi d’autres. Dans le dispositif, la résolution « prend acte du rapport du Secrétaire général sur la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme » – mais sans en souligner explicitement le ton alarmiste – et se borne à encourager « toutes les parties prenantes à poursuivre leurs efforts en vue de mettre intégralement en œuvre sa résolution 68/268 » et à « réaffirmer les paragraphes 26 à 28 de sa résolution 68/268, dans lesquels elle a défini les modalités régissant l’attribution du temps de réunion aux organes conventionnels et prié le Secrétaire général d’allouer les ressources financières et humaines correspondantes […] »

La résolution exprime donc un double mépris et une indifférence : mépris à l’égard des deux ambassadeurs qui ont conduit, au pas de charge, un processus de consultation ouvert et transparent et rédigé un rapport détaillé, technique et fondé sur des faits ; mépris des organes conventionnels qui se sont auto-organisés envers et contre tout – compte tenu des obstacles liés à la crise sanitaire (cf. supra) pour contribuer de manière substantielle et constructive à ce processus ; indifférence à l’égard de l’avenir du système des organes de traités, qui continue son lent mais inéluctable naufrage. Cette résolution, en tout, est une insulte. La seule chose que l’on puisse espérer est que le président de l’Assemblée générale relance un nouveau processus, comme recommandé par les co-facilitateurs. A l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune nouvelle dans ce sens ne nous est parvenue.

Dans leur lettre du 7 décembre aux présidents de l’Assemblée générale, de la troisième commission et de la cinquième commission, les présidents des organes de traités rappellent d’abord les constats faits dans le rapport du Secrétaire général : les Etats n’ont pas respecté la résolution 68/268. Depuis 2018, l’Assemblée générale a refusé d’approuver le personnel supplémentaire correspondant au temps de session additionnel, selon la formule prévue par la résolution elle-même. Les présidents tirent la sonnette d’alarme : si l’Assemblée générale ne respecte pas sa propre formule, les organes de traités ne pourront pas atteindre les objectifs fixés par la résolution en terme de réduction de l’arriéré des rapports et des communications et, au contraire, l’arriéré continuera de se creuser et le « protection gap » de s’élargir. Les présidents déplorent également ne pas avoir d’information sur les suites du processus intergouvernemental. Ces préoccupations ont été réitérées par les participants à la deuxième partie de la 32ème réunion des présidents d’organes de traités le 14 décembre.

3°) Le processus « communications individuelles »  

Pour rappel, huit des dix organes de traités ont une fonction d’examen des communications individuelles activée[43]. Les organes de traités ont rempli les objectifs fixés par la résolution 68/268 en termes de nombre de communications examinées. Mais parallèlement, le nombre de communications soumises n’a cessé d’augmenter. Même si les chiffres restent modestes, l’augmentation est importante en proportion : le dernier rapport biennal fait état d’une augmentation de 80% quant au nombre de communications enregistrées par an en 2018-2019 par rapport à la période de référence précédente en 2017-2018 (de 300 communications à 540 communications)[44]. De plus, l’Assemblée générale a été inconséquente : suivant la formule de la résolution 68/268, elle a accordé du temps de session supplémentaire aux organes de traités pour examiner des communications individuelles, mais elle a en revanche approuvé moins de la moitié des ressources humaines correspondantes (l’examen des communications devant être préparé par des membres de la section des pétitions et des appels urgents du secrétariat, dont les effectifs sont restés pratiquement inchangés pendant toute la période)[45]. Le bilan dressé par le dernier rapport biennal du Secrétaire général est tout à fait alarmant et mérite d’être cité intégralement :

« L’arriéré de communications reçues et en attente d’examen par les différents comités était de 1 587 au 31 octobre 2019, ce qui représente une augmentation de 62,4 % par rapport à l’arriéré de 977 communications au 31 décembre 2017 (annexe VIII). En moyenne, les comités ont adopté 250 décisions par an en 2018-2019, ce qui signifie qu’avec les ressources actuelles il faudrait aux comités plus de six ans pour résorber l’arriéré, pour autant qu’ils n’examinent aucune nouvelle communication individuelle ».[46]

Par ailleurs, il est apparu que le processus ayant conduit à l’adoption de la résolution 68/268 n’avait pas suffisamment pris en compte les problématiques liées à l’examen des communications individuelles, en centrant son attention sur la procédure d’examen des rapports – sans aucun doute parce qu’à ce moment, l’immense majorité des communications était adressée au seul Comité des droits de l’Homme et que la question apparaissait moins « systémique ». C’est pour cette raison que l’Académie de Genève, vers la fin du « processus académique » consacré à la procédure des rapports et ayant abouti à la rédaction d’un premier rapport[47], a décidé de lancer une recherche indépendante sur la question des communications individuelles. La recherche bénéficia de plusieurs consultations informelles, y compris un séminaire privé organisé par le CRDH en janvier 2019, réunissant des membres d’organes de traités, des membres de la section des pétitions et des appels urgents du secrétariat, des représentants d’ONG, mais aussi des membres du greffe de la Cour européenne des droits de l’Homme et du greffe de la commission interaméricaine des droits de l’Homme. L’Académie publia donc un deuxième rapport en mai 2019, entièrement consacré au système des communications et une liste de recommandations portant sur des réformes à la fois procédurales et structurelles – notamment le renforcement du secrétariat et la mise en place d’un authentique système d’administration des plaintes sur le modèle de ce qui existe dans le cadre des tribunaux internationaux comme la Cour européenne des droits de l’Homme[48]. Sur cette base et dans la suite du séminaire de Paris, une visite a été organisée au Greffe de la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg, organisée par l’Académie et le CCPR-Center, avec la participation de la section des pétitions et des appels urgents. Cette visite a permis une étude approfondie du système de traitement des plaintes de la Cour, ainsi qu’un échange entre le Greffe et le secrétariat des Nations Unies sur les aspects les plus techniques de ce système. A partir de cette visite, l’Académie et le CRDH ont rédigé plusieurs documents de travail, qui devaient être discutés lors d’un deuxième séminaire à Paris en juin 2020, un séminaire qui, en raison de la pandémie, a finalement eu lieu partiellement à Genève et partiellement en ligne le 17 juin.

L’objectif de ce processus est à la fois modeste et ambitieux : sachant que la situation de la Cour européenne et celle des organes de traités n’est comparable qu’en partie – des dizaines de milliers de plaintes reçues par an contre une centaine, plusieurs centaines de membre du Greffe de la Cour contre une vingtaine de membres du secrétariat – quelles sont néanmoins les solutions dégagées au fil de l’expérience par la Cour qui pourraient être transposées – entièrement ou partiellement – pour faciliter le traitement des communications individuelles à l’ONU ? D’autres institutions « repères », sans doute plus comparable en termes de volumes de communications – sont les deux commissions régionales, interaméricaine et africaine. Si des contacts ont été pris, y compris lors des séminaires organisés par l’Académie, des échanges plus approfondis mériteraient d’avoir lieu à l’avenir. Par ailleurs, ce travail sur les méthodes de travail de traitement des plaintes par les greffes ou secrétariats est distincte de celle des méthodes de travail mises en œuvre par les organes eux-mêmes. Or sur ce plan, beaucoup reste aussi à faire et à réfléchir, qu’il s’agisse de la possibilité d’un travail en chambres ou de la tenue d’auditions, d’une procédure de cas répétitifs ou du suivi ou encore des tierces interventions (amicus curiae) dont la pratique a été inaugurée mais reste embryonnaire.

En attendant, les présidents d’organes de traités, lors de la première partie de leur 32ème réunion, ont entériné l’appel à un renforcement des ressources du secrétariat « pour faire face à l’alourdissement de la charge de travail des organes conventionnels, compte notamment tenu du grand nombre de communications individuelles et de demandes reçues au titre de la procédure d’urgence et de l’énorme retard accumulé dans les travaux »[49] Ils ont également relayé l’idée de « réaliser un investissement ponctuel pour mettre en place un portail numérique consacré aux communications individuelles et aux mesures d’urgence afin de permettre aux parties de soumettre des informations pertinentes, y compris sur l’état d’avancement d’une affaire, d’y accéder et de les suivre. »[50]

Le rapport des co-facilitateurs constitue là encore une contribution positive, en ce qu’il reprend pour l’essentiel ces recommandations.

Reste à savoir si, là aussi, les Etats entendront cet appel.

Oliver de Frouville

ANNEXE:

TREATY BODY MEMBERS PLATFORM – COVID WORKING METHODS

The Geneva Human Rights Platform and the Paris Human Rights Center (C.R.D.H.)

2-3 December 2020

Treaty bodies sessions in times of COVID-19 and beyond

Olivier de Frouville, Vice-Chair of the Committee on Enforced Disappearances[51]

Our sessions for this term and probably again for the next six months have been and will be taking place online. We of course all hope that by June or July we will be able to resume our sessions in presence in Geneva. However, this experience of online sessions has given rise to new practices and to new methods of work, with some negative dimensions but also positive aspects that we may want to use in the future.

As one participant reminded us yesterday, the new format has demanded a lot to TBs members in terms of flexibility: normally we meet in session and get most of the work done when we are sitting in Geneva during these 2 to 5 weeks of sessions, depending on the committee. Intersessional work is limited – and generally done by the chair or other members of the bureau, while other members of the committee are somehow “freed” from their responsibility and can return to their normal professional occupations.

Online sessions have destabilised this framework and changed the balance between “in session” and “inter-sessional” time: members are requested to work on an informal basis, either through email, or through “informal” meetings online in between sessions, without interpretation. As such, we are becoming members on a continuous basis.

Despite this, we are acting “as if” things were still the same: we are programming “sessions” of the same duration as “before” – 2 to 5 weeks – essentially acting “as if” the work were done during this time.

But the truth is that the format of the sessions has changed: the issue of time zones imposes us to change our times of session and the number of hours per day – as it is in fact impossible to meet from 10.00 am to 6.pm  Geneva time without  “losing” members from the Pacific region, Asia or from the American continent. In addition the limited availability of interpretation is such that we can only have 4 hours of “formal” session per day – interpreted in the three working languages.

In this regard, questions can be raised on how we are going to organize our dialogues with states parties for those committees who decide to resume this activity in 2021?

It is to be hoped that by the beginning of 2020 we will be able to have access to more time of interpretation – although NOTHING at the moment allows us to express that hope, because we have no indication that the situation is going to change.

If we have the same number of hours of interpretation – that is 2 hours / day, and we want to review reports by states parties within the usual six hours – it means that we will have to use 3 days / states parties – two states parties meaning 6 session days.

The COVID-19 period also caused our sessions to sometimes spread over a longer period of time than what was initially programmed.

For instance, the CED has held its 19th session from 14 to 25 September, but then suspended it to have its Article 29.4 dialogue with Iraq on 5 and 7 October; we then re-suspended until the 4th of November to adopt the COBS, but were unable to finish the review of the draft, so we suspended again until the 25 November, when we finally adopted the COBs and closed the session. So in practice the session spread over more than two months…

In the pre-COVID time, it seemed “obvious” to close our session after 2 weeks (for the CED)  because the concept of “session” was intrinsically linked to our physical presence in Geneva: we could not have imagined to take decisions, holding dialogues, adopting communications etc. after we were all gone from Geneva. In the COVID-era, things are different: the concept of “session” time is not anymore linked to our presence in Geneva. Geneva might become in the future a “moment” of our sessions, but not necessarily the base for the whole duration of our sessions.

These new modalities are in part welcome in the sense that online work offers more flexibility and more reactiveness; it also enhances our capacity to communicate and interact with all stakeholders in a more flexible manner.

In the future we may imagine a different organisation for our sessions, without being constrained to hold sessions consecutively and without having to hold the session for the whole in presence. For instance for a committee that has 4 weeks of session, we could imagine to have 2 weeks in presence in Geneva the fist half of October, suspend the session, and then resume the session “online” the first week of November, and then again the first week of December. Another option could be to save some session days for more punctual events like webinars or consultations with stakeholders.

This new flexibility in organising our sessions may prove very useful, especially if considered in the perspective of a fixed and coordinated agenda of review among treaty bodies. It may facilitate the “coordination” aspect, by allowing various TBs to coordinate and “sequence” the timing of their dialogues with a state party. For instance one Committee may program the review of a state party in presence during its session and another committee or other committees though not in session – and thus not in Geneva – may undertake the online review of the same state party one month after etc.

For those committees that are moving towards more “focused” reviews, it may also present a real asset, allowing them to better coordinate their “themes”, and thus enhance their complementarity on overlapping issues.

However, these new methods also raise new challenges, especially in a context of limited resources. We may want to use these new methodologies to increase our impact and effectiveness.

And this leads to one further question: aren’t we going to be constrained to use these new methods of work in the post-COVID era? We also find ourselves in a situation where the General Assembly will, at some point, reduce our session time in Geneva because of budgetary constraints and ask us to “resume” or sessions online to complete the business we have not done.

Worse: we may find ourselves in a situation where the GA will reduce our session time in Geneva and will not recognize our work done “online” as work done “in session” – with all the implications in terms of documentation, conference services, assistance from the secretariat and compensation for the work done.

We have of course always carried out some work on an inter-sessional basis – and we recognize that this is part of our duty as TBs members.

But the risk is that with the generalization of online activities of TBs, this inter-sessional work becomes a substantial part of our work as committee members and that in the end, our capacity to handle our work properly may be reduced.

For these reasons, it is crucial that the TBs anticipate these evolutions and be creative in order to harness the possible consequences of the online sessions as a new regular modality of work in the post COVID period.

[1] https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRTD/Pages/FirstBiennialReportbySG.aspx# (consulté le 30 juin 2020).

[2] https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRTD/Pages/TBStrengthening.aspx (consulté le 20 juin 2020).

[3] N. Pillay, « Strengthening the United Nations human rights treaty body system. A report by the United Nations High Commissioner for Human Rights », juin 2012, disponible en ligne.

[4] Assemblée générale des Nations Unies, « Renforcement et l’amélioration de l’ensemble des organes conventionnels des droits de l’Homme », résolution 68/268, 9 avril 2014, A/RES/68/268 ; Voir I. Salama, « Présentation du processus de renforcement des organes conventionnels », in E. Decaux, O. de Frouville (dir.), La dynamique du système des traités de l’ONU, Paris, Pedone, coll. « Publications du C.R.D.H. », 2015, pp. 161-164.

[5] Voir sur le processus qui suit l’adoption de la résolution 68/268, E. Whyte Gomez, « The UN Treaty System, beyond 2020 » ; I. Salama, « Strengthening the UN Human Rights Treaty Body System : Prospects of a Work in Progress » et E. Decaux, « Pistes de réflexion et perspectives de travail pour 2020 », in O. de Frouville (dir.), Le système de protection des droits de l’Homme des Nations Unies. Présent et avenir, Paris, Pedone, coll. « Publications du C.R.D.H. », 2018, respectivement pp. 73-78, 95-111 et 113-131.

[6] V. en ce sens https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/COVID-19.aspx (consulté le 30 juin 2020).

[7] Disponible sur https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/Pages/COVID-19-and-TreatyBodies.aspx (consulté le 30 juin 2020).

[8] Disponible sur https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/SP/Pages/COVID-19-and-Special-Procedures.aspx (consulté le 30 juin 2020).

[9] Compilation of statements by human rights treaty bodies in the context of COVID-19, septembre  2020.

https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/TB/COVID19/External_TB_statements_COVID19.pdf

[10] Internal HRTB toolkit of treaty law perspectives and jurisprudence in the context of COVID-19. Etabli en mai et mis à jour le 15 juillet 2020. https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/TB/COVID19/HRTB_toolkit_COVID_19.pdf

[11] Voir paragraphe 4 du document : « Through a thorough and analytical overview of the relevant provisions, their interpretation, and the jurisprudence of treaty bodies, the toolkit provides colleagues, including those in our field presences, the legal references to enable them to use the authority of treaty bodies to reinforce country-specific analysis and advocacy for a COVID-19 pandemic response consistent with international human rights treaties. »

[12] L. Reinsberg, « Mapping the Proliferation of Human Rights Bodies Guidance on Covid-19 Mitigation », Just Security, 22 mai 2020. Source : https://www.justsecurity.org/70170/mapping-the-proliferation-of-human-rights-bodies-guidance-on-covid-19-mitigation/ (consulté le 30 novembre 2020).

[13] https://ijrcenter.org/covid-19-guidance-from-supranational-human-rights-bodies/ (consulté le 30 novembre 2020, dernière mise à jour du site le 19 septembre 2020).

[14] Voir O. de Frouville, « Building a universal system for the protection of human rights : the way forward », in C. Bassiouni, W. A. Schabas, New Challenges for the UN Human Rights Machinery, Cambridge, Intersentia, 2011, pp. 241-266. Et plus spécifiquement sur le projet de Cour des droits de l’Homme des Nations Unies pour traiter des communications individuelles actuellement reçues par les organes de traités : O. de Frouville, « Pourquoi nous avons besoin d’une Cour des droits de l’Homme des Nations Unies ? », in N. Aloupi, D. P. Fernandez Arroyo, C. Kleiner, L. A. Sicilianos, S. Touzé, Les droits humains comparés. A la recherche de l’universalité des droits humains, actes du colloque à la Cour européenne des droits de l’homme des 8 et 9 mars 2018, Paris, Pedone, 2019, pp. 129-161.

[15] Par exemple, le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a pu tenir sa session de printemps du 11 au 15 mai, document entièrement en ligne

https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25897&LangID=E de  même que sa 122ème session du 21 au 30 septembre https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26338&LangID=E  (Consulté le 30 novembre 2020).

[16] Chiffres du rapport du Secrétaire général 2020, OHCR, UN human rights report 2020, à paraître.

[17] « New Security Council Working Methods in the Midst of Covid-19 », What’s in Blue, 27 mars 2020, source : https://www.whatsinblue.org/2020/03/new-council-working-methods-in-the-midst-of-covid-19.php ( consulté le 30 juin 2020 ).

[18] R. Maurel, « L’(in)activité du Conseil de sécurité face au COVID-19 : où est confinée la « communauté » internationale ? », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2020, chron. n°18.

[19] https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/NewsDetail.aspx?NewsID=25789&LangID=E (consulté le 30 juin 2020).

[20] La croyance selon laquelle le Comité avait pu tenir une session complète « en ligne », par vidéo-conférence, s’est en effet répandue parmi les observateurs, même les plus attentifs, à la suite du communiqué de presse publié sur le site du OHCHR, dont le libellé pouvait effectivement induire en erreur.

[21] Tenue en ligne de la 41ème session du 15 au 19 juin 2020 : https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/OPCAT/Programme_of_work_SPT_41session.pdf

[22] Tenue en ligne de la 76ème session du 29 juin au 9 juillet : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=1388&Lang=en Et pour le groupe de travail pré-sessionnel : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=1391&Lang=en

[23] Tenue en ligne de la 129ème session, précédée du groupe de travail sur les communications :

https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=1374&Lang=en

[24] Tenue en ligne de la 101ème session (initialement prévue en avril-mai), du 4 août au 7 août : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=1384&Lang=en

[25] Tenue en ligne de la 23ème session (initialement prévue en mars-avril) du 17 août au 4 septembre : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=1376&Lang=en

[26] Ce document a été posté sur la page de la réunion annuelle des organes de traités, parmi les documents relatifs à la 32ème session : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/AnnualMeeting/Pages/MeetingChairpersons.aspx

[27] V. le rapport de la réunion doc. A/75/346, 14 septembre 2020, §§ 30-39 et 47.

[28] https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26392&LangID=E

[29] https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26485&LangID=E

[30] Id.

[31] Les « Treaty Body Members Platform » sont des réunions informelles initiées par l’Académie de Genève dans le cadre de sa « Geneva Human Rights Platform ». En temps « normal » ces réunions se tiennent à Genève, après les séances des organes de traités. Elles ont vocation à rassembler des membres de deux organes de traités (ou plus le cas échéant) pour échanger informellement autour d’une question d’intérêt commun.

[32] Pour un argumentaire plus détaillé, voire le texte en annexe, présenté à l’occasion de la rencontre des 2-3 décembre organisée par l’Académie et le C.R.D.H.

[33] Le texte se trouve sur la page dédiée à la réunion annuelle des présidentes et présidents des organes de traités : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/AnnualMeeting/Pages/MeetingChairpersons.aspx (consulté le 30 juin 2020). Il est également reproduit dans le rapport de la 31ème réunion des présidents d’organes de traités, A/72/256, 30 juillet 2019, à l’annexe III sous le titre « Note d’information des présidents des organes conventionnels des droits de l’homme sur l’avenir du système des organes conventionnels ».

[34] Au cours du processus, la plupart des comités ont décidé de nommer une personne référente – « focal point » – pour en assurer le suivi et travailler plus particulièrement sur la question de la révision de la résolution A/RES/68/268. Pour ma part, j’ai été nommé point focal du Comité des droits de l’Homme jusqu’à la fin de mon mandat en décembre 2018, puis point focal du Comité des disparitions forcées à partir de la 17ème session du Comité, en octobre 2019.

[35] La réunion de Copenhague, organisée à l’initiative du président du Comité contre la torture Jens Modvig, avait elle-même abouti à l’adoption d’un « outcome document » qui a servi de base aux présidents pour rédiger leur document de juin.

[36] « Quand une réunion, ou l’une de ses parties, se déroule sous la règle de Chatham House, les participants sont libres d’utiliser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent révéler ni l’identité, ni l’affiliation des personnes à l’origine de ces informations, de même qu’ils ne doivent pas révéler l’identité des autres participants. » https://www.chathamhouse.org/chatham-house-rule/translations

[37] L’ensemble des contributions (89) se trouvent sur la page du processus de co-facilitation : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRTD/Pages/Co-Facilitation-Process.aspx

[38] Les contributions sont postées sur la page du site du Haut Commissariat dédiée au processus de co-facilitation : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRTD/Pages/Co-Facilitation-Process.aspx

[39] 84ème session extraordinaire du Comité des droits de l’enfant, tenue à Apia, Samoa, pour examiner les rapports de Tuvalu, de la Micronésie des Îles Cook. V. la page de la session : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/SessionDetails1.aspx?SessionID=2410&Lang=en et le communiqué de presse : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25667&LangID=E

[40] V. rapport  de la 32ème réunion, A/75/346, §§ 18-29.

[41] Mais déjà dans leur « vision » de 2019, issue du processus de Copenhague, les présidents avaient souligné « qu’il y a beaucoup à gagner à engager un dialogue avec les Etats parties concernant leurs rapports au niveau régional ».

[42] V. doc. A/75/601, 17 novembre 2020.

[43] Seule la procédure du Comité pour les travailleurs migrants demeure encore inactive, faute d’un nombre suffisant d’acceptations de la part des États parties. Le SPT n’a pas de procédure de communications, son mandat étant centré sur les visites dans des lieux de privations de liberté dans les États parties.

[44] Assemblée Générale des Nations-Unies, rapport du Secrétaire général relatif à la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme, 23 janvier 2020, A/74/643, § 16.

[45] Voir les rapports du Secrétaire général relatif à la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme du 30 août 2018, A/73/309, § 72 et du 23 janvier 2020, A/74/643, § 42-43 : « Bien que l’augmentation demandée de temps total de réunion soit modeste, la réallocation de temps à l’examen des communications individuelles, plus exigeant en ressources humaines, a entraîné une augmentation beaucoup plus importante des besoins de personnel. Dans le projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2018-2019, face à l’évolution de la charge de travail, le Secrétaire général a proposé la création de 11 nouveaux postes [10 spécialistes des droits de l’homme (P-3) et 1 membre du personnel d’appui [agent(e) des services généraux (Autres classes)]. Cette proposition n’a toutefois pas obtenu l’agrément de l’Assemblée générale lors de son examen du projet de budget. Il a été décidé de ne créer que cinq emplois de spécialiste des droits de l’homme (P-3) en faisant appel à du personnel temporaire (autre que pour les réunions). […] Au cours de l’exercice biennal 2018-2019, le système des organes conventionnels n’a pas pu utiliser tout le temps de réunion approuvé, car il ne disposait pas des ressources en personnel nécessaires, en particulier pour les communications individuelles […]. En 2018-2019, pour l’examen des communications individuelles, les sept comités concernés n’ont pu se réunir que pendant 10,5 semaines au lieu de 16 […] ».

[46] Assemblée Générale des Nations-Unies, rapport du Secrétaire général relatif à la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme, 23 janvier 2020, A/74/643, § 18.

[47] C. Callejon, K. Kemileva, F. Kirchmeier, D. Zipoli, « Optimizing the UN Treaty Body System », Academic Platform Report of the 2020 Review, mai 2018.

[48] C. Callejon, K. Kemileva, F. Kirchmeier, « Treaty Bodies’ individual communication procedures : Providing Redress and Reparation to Victims of Human Rights Violations », Geneva Academy of International Humanitarian Law and Human Rights, Genève, mai 2019.

[49] Rapport A/75/346, Décisions et recommandations, § 46-n, p. 13.

[50] Id., § 46-o.

[51] Please note that I am speaking as an independent expert, member of the CED, but not on behalf of the CED.