Commentaire sous Comité des droits de l’enfant, constatations du 22 septembre 2021, Chiara Sacchi et consorts c. Argentine, communication n° 104/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/104/2019)
Dans dernières années, les contentieux relatifs au climat ont connu deux transformations majeures. En premier lieu, depuis la célèbre affaire Urgenda aux Pays-Bas, ils traitent davantage de droits de l’homme, outil sur lequel les requérants et les juges peuvent s’appuyer pour construire leur argumentation. En effet, les effets des changements climatiques (élévation des températures, montée des eaux, fréquence accrue des événements météorologiques extrêmes, multiplication des épidémies…) ainsi que leurs impacts sur les conditions de vie des personnes (raréfaction des ressources vitales, destruction des lieux de vie, conditions sanitaires dégradées et mortalité accrue…) sont de mieux en mieux documentés : dès lors, ce sont les droits des personnes qui se trouvent mis en jeu. Ainsi se développe une « approche fondée sur les droits de l’[h]omme » des questions climatiques[1]. Notamment revendiquée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et par le Conseil des droits de l’Homme[2], elle est aussi pleinement mobilisée par la société civile, y compris dans un cadre contentieux. Le recours aux droits de l’homme devant le juge représente une stratégie de plus en plus prisée des justiciables. Il s’agit souvent de s’appuyer sur les préjudices subis par des particuliers ou des groupes affectés par les changements climatiques, afin d’engager de manière détournée la responsabilité de certains émetteurs. Ceci donne lieu à des plaintes « incarnées », qui misent sur la figure de certaines « victimes climatiques »[3]. Ainsi, les contentieux climatiques relatifs aux droits de l’homme se sont multipliés au point que certains auteurs y voient une « seconde génération » des contentieux climatiques[4].
En second lieu, c’est une tendance à l’internationalisation des affaires climatiques qui se fait jour. Aux contentieux nationaux déjà nombreux viennent s’ajouter diverses requêtes portées devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme[5], devant les juridictions de l’Union européenne[6] ou encore la Cour européenne des droits de l’homme[7]. Cette stratégie permet aux requérants de multiplier leurs points d’entrée et leurs chances de succès, ainsi que d’augmenter leur force de frappe, en présentant des plaintes qui touchent parfois plusieurs États en même temps. Au regard de cette double dynamique, il n’est pas surprenant que des comités onusiens aient à terme été mobilisés. Ils disposent en effet d’une influence considérable en matière de protection des droits de l’homme et produisent des interprétations sophistiquées[8]. Il semble donc très pertinent de faire jouer le mécanisme des communications individuelles auprès d’eux pour dénoncer l’inaction climatique des États et tenter d’obtenir de nouvelles garanties en la matière. Cela est d’autant plus opportun que plusieurs comités ont récemment démontré leur sensibilité aux enjeux environnementaux. À l’occasion de l’affaire Portillo Caceres c. Paraguay de 2019, le Comité des droits de l’homme a par exemple adopté ses toutes premières constatations qui sont explicitement consacrées à l’environnement[9]. De manière plus spécifique, cinq comités ont publié en 2019 une « Déclaration » commune « sur les droits de l’homme et les changements climatiques », présentant des éléments de langage forts en termes de climat et identifiant à ce titre diverses obligations à la charge des États[10]. Dès lors, la voie semble libre pour les pétitionnaires qui voudraient avancer des communications individuelles à teneur climatique.
En ce sens, l’affaire Sacchi et consorts c. Allemagne, Argentine, Brésil, France et Turquie, traitée par le Comité des droits de l’enfant (ci-après, « le Comité »), peut être associée à un cortège de trois communications expérimentales touchant à la protection de diverses victimes climatiques, et adressées à des comités onusiens qu’il s’est agi de « ‘‘tester’’ » comme nouvelles ‘‘arme[s] du droit’’ »[11]. Sacchi s’approche de ce point de vue des affaires Teitiota c. Nouvelle-Zélande[12] et Îles du détroit de Torrès c. Australie[13], qui relèvent toutes deux du Comité des droits de l’homme. La première a trait à l’obligation de non-refoulement d’un « déplacé climatique », quand la seconde concerne la protection de populations insulaires particulièrement exposées aux effets des changements climatiques[14] : il s’agit donc chaque fois d’évaluer les impacts de ces derniers sur les droits de l’homme[15]. Dans Sacchi, c’est la Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après, « la Convention ») qui se trouve mise en jeu. L’affaire présente donc dès le départ un fort potentiel en termes de justice climatique, puisqu’un nouvel instrument juridique et un nouvel organe quasi-juridictionnel se voient tout à la fois mis à contribution. Le Comité a cependant dû faire face à des difficultés de taille, suscitées par la multiplicité des pétitionnaires et des États mis en cause, ainsi que par l’absence de liens de rattachement personnels ou territoriaux systématiques entre pétitionnaires et États. À bien des égards, Sacchi et consorts a donc représenté un véritable « baptême du feu »[16] pour le Comité des droits de l’enfant.
La communication correspondante date du 23 septembre 2019 et émane d’un groupe de seize enfants issus de douze pays différents[17]. Elle a été déposée lors du sommet de New York sur l’action climatique, à la faveur d’une conférence de presse tenue par l’UNICEF[18]. Elle dispose donc d’une portée médiatique et symbolique particulièrement importante, d’autant que l’une des pétitionnaires est l’activiste climatique Greta Thunberg – il est donc possible par raccourci de la qualifier de « communication Greta »[19]. Cette communication vise à faire reconnaître l’inaction climatique des cinq États visés comme étant constitutive d’une violation de plusieurs droits de l’enfant garantis par la Convention : le droit à la vie (article 6), le droit de jouir du meilleur état de santé possible (article 24) et le droit à la culture (article 30) de certains auteurs membres de peuples autochtones, tous interprétés à la lumière de l’article 3 qui protège l’intérêt supérieur de l’enfant[20]. La communication n’a été précédée d’aucune procédure préalable au niveau national dans l’un des cinq États visés : les auteurs ont invoqué l’urgence de la situation et le très large objet de leur communication pour se présenter directement devant le Comité[21]. La communication est en revanche bien étayée dans les faits. Les pétitionnaires évoquent un très large éventail de préjudices qu’ils disent avoir subis directement et qu’ils attribuent à l’inaction des États : vagues de chaleur, incendies de forêt, phénomènes météorologiques extrêmes, inondations, élévation du niveau de la mer, propagation de maladies infectieuses[22]. Ils demandent alors au Comité de constater que la crise climatique est une crise des droits de l’enfant, que les États visés ont contribué à provoquer et perpétuer, en violation de certains droits protégés par la Convention. Ils souhaitent également que soit recommandé aux États d’examiner et de modifier leurs lois et politiques pour accélérer leurs efforts d’atténuation et d’adaptation, de renforcer et multiplier leurs actions de coopération en matière de climat à l’échelle internationale, et de garantir le droit de l’enfant d’être entendu et d’exprimer librement son opinion sur le sujet, conformément à l’article 12 de la Convention[23].
C’est donc une communication particulièrement riche et ambitieuse qui est donnée à examiner au Comité. Ce dernier parvient cependant à en tirer son parti, et se base spécifiquement sur les difficultés que celle-ci soulève pour se positionner en nouvel acteur majeur de la justice climatique. Au premier abord, sa bonne volonté pourrait être mise en doute, dans la mesure où il déclare la communication irrecevable, à défaut d’épuisement des voies de recours internes dans chacun des États visés. Il prend ainsi ses distances avec la notion d’une atteinte collective aux droits de l’enfant (I). Toutefois, il mène jusqu’au bout l’examen de la recevabilité de la communication : ceci lui permet de développer une approche causale de la juridiction extraterritoriale des États, propre à adapter le droit international des droits de l’homme aux enjeux spécifiques des contentieux climatiques (II). Le Comité reconnaît ainsi que chaque État défendeur exerçait sa juridiction sur chacun des pétitionnaires, établissant à cet effet un lien de causalité entre inaction climatique des États et atteintes prévisibles aux droits de l’enfant. Au travers de cette analyse, il fournit un certain nombre d’éléments susceptibles de permettre, à plus long terme, l’engagement de la responsabilité internationale d’un État pour inaction climatique (III).
I. Une position prudente du Comité quant à l’épuisement des voies de recours internes
La « communication Greta » place seize requérants de douze nationalités différentes face à cinq États défendeurs. Ce choix relève en partie du symbole, en ce qu’il permet d’illustrer l’universalité des effets des changements climatiques. Il a en outre une portée stratégique, puisqu’il vise, parmi les États parties au Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation des communications, cinq poids lourds économiques, dont les niveaux d’émissions nationales de gaz à effet de serre demeurent problématiques. Ces États disposent en outre d’une influence internationale importante, du fait de leur appartenance commune au G20[24]. La communication répond enfin à certaines considérations tactiques : il s’agit bien, pour obtenir une action climatique conjointe des États visés, de faire reconnaître une violation « pluri-étatique » des droits de l’enfant[25].
En termes de recevabilité, les auteurs tentent de tourner la formulation singulière de la communication à leur avantage, de manière à s’épargner un passage devant les juridictions nationales. Forts de la dimension « pluri-étatique » des violations alléguées, ils affirment que le contentieux domestique les empêcherait d’obtenir des injonctions ou recommandations qui puissent être adressées, individuellement et conjointement, à l’ensemble des cinq États défendeurs, du fait de l’immunité de juridiction dont chacun jouit devant les tribunaux étrangers et en raison d’un défaut de compétence des juges nationaux sur la question de la coopération internationale[26]. De surcroît, ils considèrent qu’intenter des recours devant les autorités de chacun des États visés les exposerait à une charge excessive et déraisonnable, au regard de leur faibles chances de succès et de l’urgence de l’action climatique[27]. Ils soulèvent ainsi deux exceptions classiques et largement reconnues à la règle de l’épuisement des voies de recours internes : celle-ci ne s’applique ni aux recours qui n’ont aucune chance d’aboutir, ni à ceux dont l’exercice excéderait des délais raisonnables[28]. Dans l’affaire Îles du détroit de Torrès, la première exception avait permis au Comité des droits de l’homme de déclarer la communication recevable, car la jurisprudence environnementale décevante des cours australiennes tendait à indiquer une absence de voies de recours disponibles et effectives dans l’ordre juridique national[29]. Dans Sacchi, l’application de ces exceptions à la requête spécifique des auteurs aurait pu leur permettre de s’adresser directement au Comité des droits de l’enfant, présenté comme le seul destinataire possible de leurs demandes. Or, c’est une position que le Comité rejette en bloc, ce qui l’amène à déclarer que la communication est irrecevable du fait de l’absence d’épuisement des recours internes[30].
Tout au long du développement qui l’amène à cette conclusion, le Comité entreprend de démontrer que le format de la communication est inadéquat. Il écarte ainsi les arguments relatifs à la compétence des juges sur la politique étrangère des États, ainsi que ceux sur l’immunité de juridiction étrangère d’État à État, en observant que ces arguments « sont soulevés en relation avec la forme d’action en réparation particulière envisagée par les auteurs » ou encore avec « l’action particulière que les auteurs auraient engagée en poursuivant d’autres États et l’État partie devant les tribunaux internes de celui-ci »[31]. Autrement dit, les pétitionnaires auraient aussi bien pu parvenir à leurs fins en formant cinq recours différents dans chacun des États défendeurs. Choisir de présenter une communication groupée pour atteindre plus vite le Comité constituait donc une solution de facilité. Le même raisonnement est appliqué à la question des délais, que les pétitionnaires estiment excessifs au vu de la quantité d’ordres juridiques internes à mobiliser. Partant encore une fois du postulat qu’ils auraient dû former cinq recours distincts, le Comité estime que leurs considérations relèvent de la simple spéculation, puisqu’ils n’ont essayé d’intenter aucune action dans l’un quelconque de ces ordres juridiques[32]. Il est ainsi sous-entendu que les auteurs auraient dû viser plusieurs cibles nationales distinctes, s’ils souhaitaient obtenir des résultats à plus brève échéance. Au fil de tels développements, le Comité avance ainsi certaines clarifications procédurales. Il prend ses distances avec la tactique des pétitionnaires et se garde de cautionner la logique d’une violation « pluri-étatique » des droits de l’enfant. Il limite donc assez strictement la procédure de présentation des communications au cadre textuel de l’article 5 du Protocole dédié, lequel précise que les plaintes sont présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers « relevant de la juridiction d’un État partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans [la Convention et ses Protocoles] »[33].
La tentative de contournement des ordres juridiques nationaux, fondée sur la pluralité des États défendeurs, n’a donc pas eu les effets escomptés par les pétitionnaires. À rebours de leurs attentes, le Comité s’est efforcé de montrer que l’affaire Sacchi aurait pu être fractionnée en plusieurs litiges nationaux avant d’arriver devant lui. Le découpage de sa réponse en cinq constatations distinctes en est une illustration éloquente. Par ailleurs, afin de légitimer sa position, le Comité s’est longuement attardé sur les contre-arguments présentés par les États défendeurs, au sein même de son examen relatif à la recevabilité de la communication. Il détaille ainsi les nombreux outils juridictionnels dont les pétitionnaires auraient pu se prévaloir dans les différents États, depuis les recours administratifs et constitutionnels réguliers jusqu’à certains modes d’action spécifiquement adaptés au contentieux environnemental : « amparo en matière d’environnement » et « recours en réparation d’un dommage environnemental collectif » en Argentine ; « action civile publique […] intentée aux fins de la protection de biens publics et de biens sociaux, de l’environnement [ou] d’autres intérêts collectifs et diffus » au Brésil[34]. D’autre part, dans les cas français et allemand, le Comité dispose d’un argument de taille tenant au succès de certains recours climatiques au sein des ordres juridiques nationaux. L’issue positive récemment donnée par plusieurs juridictions administratives à l’« Affaire du Siècle » et à l’affaire « Grande-Synthe », en France, nourrit ainsi sa position[35]. Et en Allemagne, la décision de la Cour constitutionnelle dans l’affaire Neubauer et consorts. c. Allemagne répond assez idéalement aux demandes des pétitionnaires, puisque la Cour y conclut que l’État est tenu à certaines obligations en matière de coopération et d’action climatique à l’international, et qu’il peut voir sa responsabilité engagée par des enfants victimes des changements climatiques qui ne seraient pas ressortissants de l’État et ne résideraient pas sur son sol. Dès lors, il devient difficile de défendre que des recours internes n’auraient pas eu de chances d’aboutir.
En déclarant la « communication Greta » irrecevable, le Comité s’est exposé à de nombreuses critiques. Tout en reconnaissant d’autres mérites à ses constatations, l’Organisation non gouvernementale « Notre Affaire À Tous » regrette par exemple qu’il n’ait pas adopté une attitude semblable à celle de la Cour européenne des droits de l’homme, placée dans une situation similaire face à la requête des « six jeunes Portugais » de 2020[36]. À cette occasion, un groupe de requérants a en effet présenté une requête contre un ensemble de trente-trois États parties à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Au regard de l’urgence climatique et de la charge disproportionnée qu’auraient dû supporter des requérants issus de familles modestes, s’ils avaient dû mener des actions dans tous les États ciblés, la Cour a décidé d’assouplir ses règles de recevabilité et d’examiner directement la requête au fond[37]. Ce sont cependant les pétitionnaires et leurs représentants légaux qui ont réservé aux constatations du Comité la réception la plus acrimonieuse. Dans un communiqué de presse d’octobre 2021, ils déclarent ainsi : « in dismissing the case, the Committee told children that climate change is a dire global emergency, but the UN’s doors are closed to them[38] ». Or, rien n’est moins sûr. Le Comité accorde en réalité toute son attention à la démarche des auteurs : à la suite de ses constatations, il leur adresse même une lettre ouverte visant à éclaircir ses motivations, et à les assurer de sa bonne volonté et de son travail acharné sur l’affaire, qui auraient malheureusement buté sur les limites de son mandat[39].
S’il avait accepté la recevabilité de la « communication Greta », le Comité aurait créé un précédent significatif et se serait exposé au risque de devenir une forme de « tribunal ‘‘de première instance de préférence’’ » pour tous les enfants alléguant d’une violation des droits reconnus par la Convention[40]. Il aurait ainsi pu se retrouver débordé de nouvelles plaintes, notamment sur le modèle de la « Communication Greta ». D’autre part, de façon assez légitime, le Comité se rattache à la solution de principe selon laquelle « de simples doutes ou supputations quant à l’utilité des recours internes ou leurs chances d’aboutir ne suffisent pas à dispenser les auteurs d’épuiser ces recours »[41]. Il réaffirme ainsi une jurisprudence fermement établie par plusieurs organes internationaux de protection des droits de l’homme[42]. En matière de disponibilité, d’effectivité et d’adéquation des voies de recours internes, les pétitionnaires ont certes opposé de solides contre-arguments aux observations des défendeurs[43]. Il ne se sont donc pas dispensés d’apporter sur ce point de réels éléments de preuve, charge qui leur incombait en partage avec les États[44]. Il est vrai aussi que l’appréciation portée par le Comité sur certaines des voies de recours et affaires mentionnées par les États s’avère parfois discutable. Ainsi, diverses Organisations non gouvernementales françaises ont relevé qu’un an après sa condamnation par le juge administratif, l’État français n’avait pas substantiellement modifié ses politiques climatiques, de manière à satisfaire les obligations qu’il s’était lui-même fixées[45]. Ceci pourrait susciter des doutes quant à l’efficacité du recours administratif français en matière climatique. Toutefois, alors que Sacchi et consorts amène le Comité à examiner plusieurs décisions majeures rendues par des juges nationaux sur le climat, et alors que des dizaines d’autres affaires restent en cours de traitement au niveau national, il serait malvenu de conclure que les voies de recours internes disponibles dans les États défendeurs n’ont aucune chance d’aboutir[46]. Si le Comité rappelle la validité de principe de cette exception[47], il se refuse à l’appliquer à l’ensemble des cas d’espèce qui lui étaient soumis. Ceci reviendrait en effet à délégitimer les progrès opérés par de nombreux requérants et juges réceptifs aux enjeux climatiques.
Par sa décision d’irrecevabilité, le Comité entendait donc préserver le rôle des juridictions nationales : à travers ses constatations relatives au climat, il affirme son attachement à un principe de subsidiarité similaire à celui qui est retenu par la Cour européenne des droits de l’homme[48]. En termes d’articulation entre juridictions nationales et comités conventionnels, le Comité prend donc soin de ne pas outrepasser ses prérogatives. Cela ne l’empêche pas de proposer d’autres avancées juridiques importantes lorsque, poursuivant librement son examen sur la recevabilité de la communication, il en vient à s’intéresser à la question de la juridiction.
II. L’adoption résolue d’une conception causale de la juridiction des États
En réalité, avant même de rendre ses constatations dans l’affaire Sacchi, le Comité a déjà eu l’occasion de reconnaître la juridiction extraterritoriale d’un État en dehors d’une approche exclusivement fondée sur le contrôle. Il l’a fait dans deux affaires de 2020 et 2021, qui touchaient au rapatriement d’enfants français détenus en Syrie[65]. Il adopte alors une conception fonctionnelle de la juridiction : l’État est soumis à des obligations extraterritoriales dans la mesure où il a la capacité de protéger des enfants, qui sont ses ressortissants, victimes d’atteintes à leurs droits à l’étranger, et qu’il a souverainement décidé de ne pas y procéder[66]. Ce raisonnement a cependant fait l’objet de vives critiques, dans la mesure où il n’apporte aucune précision sur les critères spécifiques qui permettraient d’établir une telle juridiction dans de futures affaires[67]. La réponse à la « communication Greta » fait alors figure de correctif. Là encore, le Comité fonde la juridiction sur les seules relations entre le comportement d’un État et les droits d’enfants situés à l’étranger. Il propose cependant une approche causale, et non plus fonctionnelle, de la juridiction : c’est la capacité de l’Etat à provoquer des situations propres à violer des droits de l’enfant à l’étranger, plutôt qu’à les protéger, qui est examinée. Il s’agit alors d’établir un lien de causalité en démontrant que les atteintes aux droits étaient « raisonnablement prévisibles »[68].
Au lieu de s’appuyer, au soutien de ce raisonnement, sur l’observation générale n° 36 du Comité des droits de l’homme, qui développe à la marge des critères semblables[69], le Comité choisit de se référer à l’avis consultatif OC-23/17 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur l’environnement et les droits de l’homme. En effet, cet avis traite d’un cas d’espèce très similaire à celui de Sacchi : il se rapporte à « un dommage [environnemental] transfrontalier port[ant] atteinte à des droits garantis par un traité »[70]. Ainsi, le Comité peut avancer des critères d’établissement de la juridiction plus précis, dans la mesure où les faits de l’affaire Sacchi correspondent parfaitement à ceux examinés dans l’avis de la Cour interaméricaine :
« Lorsqu’un dommage transfrontière se produit, les enfants sont sous la juridiction de l’État sur le territoire duquel se trouve la source des émissions aux fins de l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif s’il y a un lien de causalité entre les actes ou omissions de l’État en question et les effets négatifs produits sur les droits d’enfants se trouvant en dehors de son territoire, lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur la source des émissions en question[71] ».
Si ceci n’a pas vocation à constituer une méthode générale d’établissement de la juridiction, le Comité propose tout de même ici une solution applicable à nombre de futures affaires portant sur le climat ou sur des cas de pollutions environnementales transfrontalières. Il développe à cet égard, lors de son examen du cas d’espèce, une grille de lecture parfaitement réutilisable, tenant à l’identification d’une chaîne de causalité climatique. Il considère qu’un lien de causalité est établi si l’État pouvait raisonnablement prévoir que son comportement en matière de réglementation des émissions nuirait aux droits de certains enfants. Or il est aisé pour le Comité de valider cette condition. Il s’appuie à ce titre sur une référence aux « preuves scientifiques existantes », largement documentées par les pétitionnaires, et relève par ailleurs que les États défendeurs étaient particulièrement informés sur la question, ce que démontre sans aucun doute possible leur signature des conventions internationales relatives au climat[72]. Dès lors, « le Comité considère que les effets potentiellement préjudiciables des actes ou omissions [des] État[s] partie[s] concernant les émissions de carbone générées sur [leurs] territoire[s] étaient raisonnablement prévisibles pour [les] État[s] partie[s] »[73].
Pour certains commentateurs, le choix de cette approche causale de la juridiction apparaît cependant relativement problématique. En effet, il rompt en apparence avec une compréhension classique de la notion juridiction en philosophie politique, au terme de laquelle les Etats sont tenus de respecter les droits de l’homme de leurs citoyens et des personnes placées sous leur contrôle en vertu d’une forme de « contrat » social : c’est alors l’exercice de leur puissance souveraine qui oblige les États et fonde leur juridiction[74]. À ce titre, se limiter à l’identification d’un lien de causalité entre un comportement et une atteinte aux droits de l’homme fait donc courir le risque d’étendre de manière excessive le champ des obligations opposables aux États. Ceci est d’autant plus vrai que l’établissement de la juridiction causale dans les situations d’atteintes environnementales transfrontalières prend la localisation géographique des activités dommageables comme unique point de départ. En amorce de son raisonnement dans l’avis consultatif n° 23, la Cour interaméricaine des droits de l’homme se fonde ainsi sur un principe bien établi par la Cour internationale de Justice selon lequel le territoire d’un État ne peut être utilisé pour porter préjudice aux droits d’autres États[75]. Dès lors, suivant une transposition mutatis mutandis de ce raisonnement interétatique aux communications individuelles[76], le simple fait qu’une pollution ou une émission de gaz à effet de serre trouve son origine sur le territoire d’un État est susceptible d’engager sa responsabilité à raison d’atteintes aux droits de l’homme survenues à l’étranger. L’approche causale pourrait donc susciter une certaine insécurité juridique, en multipliant les éventualités de déclenchement de la juridiction extraterritoriale[77].
Néanmoins, il ne s’agit pas là d’une prise de liberté malvenue de la part du Comité, mais plutôt d’une manifestation de nouvelles exigences imposées aux États, en lien avec la gravité de la crise climatique. En effet, la causalité requise par le Comité ne relie pas simplement les émissions de gaz à effet de serre aux préjudices allégués par les auteurs, mais plutôt « les actes et omissions » de l’État « sur le territoire duquel se trouve la source des émissions » aux « effets négatifs produits sur les droits d’enfants se trouvant en dehors de son territoire »[78]. Dans ce cadre, le Comité pose une condition particulière : l’État doit exercer un « contrôle effectif sur la source des émissions en question »[79]. La solution qu’il propose est donc particulièrement porteuse, en ce qu’il s’approprie la notion traditionnelle de « contrôle effectif » de manière à justifier son approche causale. Le « contrôle effectif » s’apparente alors au premier maillon de la chaîne de causalité climatique. En outre, en se fondant notamment sur l’avis consultatif n° 23 de la Cour interaméricaine, le Comité avance à deux reprises une présomption selon laquelle l’exercice par l’État de sa souveraineté sur son territoire vaut contrôle effectif des sources d’émissions qui s’y trouvent[80]. Cette lecture est cohérente avec des éléments précédemment avancés par le Comité dans son observation générale n° 16 de 2013. Il y affirme en effet que « Les États d’origine ont […] l’obligation […] de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’enfant dans le contexte des activités et des opérations extraterritoriales des entreprises, pour autant qu’il existe un lien raisonnable entre l’État et le comportement en question » ; or, ce « lien raisonnable » existe « lorsqu’une entreprise a son cœur d’activité dans l’État concerné, y est immatriculée ou domiciliée ou y exerce l’essentiel ou une part substantielle de ses activités »[81]. Les assises territoriales de l’approche causale ne sont donc nullement arbitraires : elles traduisent les responsabilités que le Comité entend confier à l’État en vertu des compétences qu’il exerce sur son territoire à raison de sa souveraineté.
En développant une approche causale de la juridiction en matière de climat, le Comité valide certains des principaux arguments avancés par la « communication Greta »[82] et témoigne ainsi de sa bonne volonté. Il développe par ailleurs un raisonnement très porteur, qu’il met à la disposition des autres comités onusiens et juridictions internationales. Il signale enfin qu’il est prêt à examiner de futures plaintes similaires à la « communication Greta », qu’il estimera sans doute recevables sous réserve de dissociation des États ciblés et d’épuisement des voies de recours internes. Il entend ainsi faire figure d’interlocuteur clé dans le cadre d’un contentieux climatique en voie d’internationalisation. Enfin, à travers la réintroduction du « contrôle effectif » dans son analyse, le Comité s’inscrit dans une perspective de responsabilisation de l’État. Il laisse entendre que dans un contexte de conscience climatique accrue, ce dernier ne peut ignorer des sources d’émissions qu’il a la capacité de réguler. C’est ainsi une obligation de prévention en matière climatique qui est mise en avant dans les constatations[83]. Or celle-ci peut à terme présenter des implications en termes de responsabilité internationale.
III. Une réflexion prospective sur la responsabilité internationale de l’État en matière climatique
Lorsqu’il convoque l’avis consultatif n° 23 de la Cour interaméricaine, le Comité fait un rappel explicite à la possibilité que celle-ci évoque d’engager la responsabilité des États du fait de dommages environnementaux transfrontaliers[84]. Ceci tient à l’existence d’une obligation de prévention (ou diligence requise), qui est « reconnue par le droit international de l’environnement »[85]. Dans plusieurs affaires environnementales, le juge international a en effet eu l’occasion de reconnaître la valeur coutumière d’une telle obligation[86]. Cependant, dans son avis, la Cour interaméricaine réinterprète cette dernière et en modifie la substance, de manière à l’intégrer au droit international des droits de l’homme[87]. Le Comité imite cette démarche, lorsqu’en rappel de la « Déclaration conjointe » des comités conventionnels relative au climat, il énonce : « il serait contraire aux obligations des États relatives aux droits de l’homme de ne pas prévenir des atteintes prévisibles aux droits de l’homme provoquées par les changements climatiques ou de ne pas réglementer les activités qui contribuent à de telles atteintes […][88] ». À travers ses constatations, il enrichit donc son interprétation des droits consacrés par la Convention. À cet égard, son examen sur la recevabilité lui permet à la fois de contextualiser l’obligation de prévention en matière climatique et d’en suggérer les implications en termes de responsabilité internationale.
Lorsqu’il établit un lien de causalité entre comportement des États défendeurs et préjudices allégués par les auteurs, le Comité fournit plusieurs éléments susceptibles d’assimiler l’inaction climatique à un fait internationalement illicite[89]. Tout d’abord, il laisse entendre que les émissions de gaz à effet de serre survenues sur le territoire ou sous la juridiction d’un État lui sont attribuables au sens du droit international. Ce constat découle du « contrôle effectif » qu’il exerce, selon le Comité[90], sur les activités émettrices correspondantes. En effet, suivant les termes retenus par plusieurs juges internationaux, c’est en vertu du « contrôle » exercé par un État sur des personnes ou groupe de personnes que les comportements de ces derniers pourront lui être attribués[91]. Par ailleurs, la présomption selon laquelle l’exercice de la compétence territoriale emporte un contrôle effectif des personnes situées sur le territoire[92] est largement entérinée par le droit international, notamment lorsque l’obligation de diligence requise est en cause[93]. Encore une fois, la mobilisation par le Comité du concept polyvalent de « contrôle effectif » semble donc particulièrement bienvenue. Par la suite, il a été établi dans les constatations que les émissions de gaz à effet de serre contribuaient à porter des atteintes « raisonnablement prévisibles » aux droits de l’enfant[94]. Le Comité ayant tiré de la Convention une obligation de prévention à la charge des États, il faut en conclure qu’une inaction manifeste dans la régulation de leurs émissions nationales de gaz à effet de serre serait contraire au droit international.
Ainsi, sans pour autant examiner l’affaire Sacchi au fond, le Comité se reconnaît la compétence d’examiner les politiques climatiques des États. Il suggère qu’il serait habilité à engager leur responsabilité internationale dans le cadre de futures affaires, si ces politiques s’avéraient lacunaires. D’autre part, il indique que « le caractère collectif de la cause des changements climatiques »[95] ne pourrait servir de paravent aux États mis en cause, proposant ainsi une lecture a fortiori du principe politique de « responsabilités communes mais différenciées », qui oriente la gouvernance multilatérale du climat[96]. À cette fin, il associe les atteintes aux droits de l’enfant causées par le climat à une situation spécifiquement envisagée par la Commission du droit international, dans les commentaires de son projet d’articles sur la responsabilité de l’État : celle où « plusieurs États aur[aient] contribué séparément, par un comportement internationalement illicite, à causer un même dommage »[97]. On peut en effet valablement considérer que les préjudices allégués par les pétitionnaires ont été provoqués par une pluralité d’États, qui auraient chacun manqué à leurs obligations de diligence requise. Dès lors, le Comité peut en tirer les conséquences : « dans les situations de ce genre, la responsabilité de chaque État participant est établie séparément, sur la base de son propre comportement et au regard de ses propres obligations internationales »[98].
Mais si l’inaction climatique des États est susceptible d’engager leur responsabilité au regard du droit international des droits de l’homme, encore faut-il que cette responsabilité puisse être mise en œuvre. À défaut, elle resterait virtuelle et ne pourrait entraîner aucune conséquence concrète[99]. Il faut par conséquent qu’un dommage soit invoqué. De ce point de vue, la Cour interaméricaine comme le Comité continuent à entretenir le dialogue entre droit international des droits de l’homme et droit international de l’environnement. Ils établissent en effet qu’un certain seuil doit être franchi pour que la responsabilité d’un État puisse être mise en œuvre à la suite d’un dommage transfrontalier : ce dernier dommage doit être « significatif »[100]. Ils se réfèrent ainsi au critère traditionnellement retenu en droit coutumier de l’environnement lorsqu’il s’agit de soulever le manquement à une obligation de prévention[101]. Néanmoins, la simple transposition des règles de droit de l’environnement pourrait poser certains problèmes. En effet, les préjudices environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme ne peuvent être purement et simplement assimilés ratione materiae. Il peut ainsi paraître singulier que la Cour interaméricaine, telle que citée par le Comité, se contente d’identifier une « obligation de prévenir des dommages ou atteintes transfrontières à l’environnement », avant de conclure abruptement que les États peuvent être tenus responsables « de tout dommage significatif causé à des personnes se trouvant hors de leurs frontières par des activités ayant leur origine sur leur territoire ou relevant de leur autorité ou de leur contrôle effectif »[102].
Dans le dernier temps de son raisonnement sur la juridiction extraterritoriale, le Comité fournit toutefois des éléments utiles pour surmonter ce problème. Afin de compléter la chaîne de causalité climatique requise, il doit déterminer les liens qui existent entre le comportement des États défendeurs et les préjudices spécifiques allégués par les pétitionnaires, établissant ainsi, le cas échéant, leur qualité de victimes[103] – et en l’occurrence, de victimes climatiques[104]. À cette occasion, il va tenter de rattacher les préjudices allégués par les auteurs à la notion de « dommage significatif », au sens du droit de l’environnement[105]. Un tel exercice de qualification suppose qu’il identifie, dans les préjudices allégués, des atteintes aux droits de l’enfant dues à une altération de leur environnement immédiat, sous l’effet des changements climatiques. De ce point de vue, le Comité dispose d’un certain degré de préparation. En effet, il a d’ores et déjà témoigné dans plusieurs travaux antérieurs de sa sensibilité aux problématiques environnementales, y compris à celle du climat. Au-delà de la « Déclaration conjointe » avec quatre autres comités, ce sont ses observations générales qui sont concernées[106]. Dans les plus anciennes, les mentions de la dimension environnementale des droits de l’enfant apparaissent d’abord à demi-mot[107]. Dans les suivantes, le Comité entreprend de développer plus clairement les implications environnementales des droits protégés par la Convention et les normes de comportement correspondantes attendues des États parties. Se penchant sur les droits des enfants autochtones dans son observation n° 11 de 2009, il déclare ainsi :
« Dans le cas des enfants autochtones dont les communautés ont conservé un mode de vie traditionnel, l’utilisation des terres traditionnelles est particulièrement importante pour leur développement et l’exercice de leur culture. Les États devraient étudier de près la signification culturelle des terres traditionnelles et la qualité de l’environnement naturel tout en garantissant le plus largement possible le droit des enfants à la vie, à la survie et au développement[108] ».
Par la suite, dans son Observation générale n° 15 de 2013 sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible, il établit une jonction claire entre droits de la Convention, qualité de l’environnement dont jouissent les enfants et changements climatiques :
« Les États devraient réglementer et contrôler les effets sur l’environnement des activités commerciales susceptibles de porter atteinte au droit de l’enfant à la santé, à la sécurité alimentaire et à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
Le Comité appelle l’attention sur l’importance de l’environnement, en dehors de toute considération liée à la pollution, pour la santé de l’enfant. Les interventions environnementales devraient, entre autres, concerner les changements climatiques, qui représentent l’une des plus grandes menaces pour la santé de l’enfant et exacerbent les inégalités en matière de santé. Les États devraient donc placer les préoccupations relatives à la santé des enfants au centre de leurs stratégies d’adaptation aux changements climatiques et de gestion des risques[109] ».
Ce travail préalable trouve un exutoire dans l’examen de la recevabilité opéré par le Comité. Lorsqu’il examine la qualité de victime des pétitionnaires, il dresse ainsi une liste détaillée des différents griefs[110] : ce faisant, il vise à fonder sur les faits de l’affaire la notion de violation environnementale des droits de l’enfant. À cet égard, il est édifiant de noter que la plupart des faits recensés font écho à des éventualités d’atteintes aux droits déjà envisagées par le Comité dans ses observations générales. L’aggravation de l’asthme dont souffrent certains auteurs du fait de la fumée des feux de forêt et de la pollution liée à la chaleur rappelle par exemple la mention faite dans l’observation n° 15 aux « dangers » et « risques que la pollution locale du milieu naturel entraîne pour la santé des enfants », qui devraient notamment bénéficier d’un « environnement sans fumée »[111]. La même observation propose des développements sur le caractère essentiel de l’eau potable et de l’assainissement au bénéfice des enfants[112]. Or, pour certains pétitionnaires, « la sécheresse compromet la sécurité de l’approvisionnement en eau »[113]. « La propagation et l’intensification des maladies à transmission vectorielle »[114] nuit au maintien d’un « environnement salubre et propice à [l’]épanouissement [de l’adolescent] »[115], tandis que les « tempêtes », les « inondations extrêmes » et l’« anxiété liée au climat »[116] appellent certainement à « adopter des stratégies et des mesures visant à réduire le nombre de noyades, de brûlures et autres accidents » afin de « lutter contre les traumatismes dont sont victimes les enfants »[117]. Enfin, la référence au « niveau de subsistance des auteurs autochtones »[118] entre clairement dans le cadre de l’observation n° 11. Le déploiement de cette longue liste permet donc aisément au Comité de conclure qu’« à première vue », les auteurs « ont personnellement subi un dommage réel significatif »[119] qui pourrait qualifier une violation de leurs droits : leur qualité de victime est ainsi bien établie. Ceci vient concrétiser les développements théoriques précédemment opérés par le Comité dans ses observations, et permet de préciser à quel titre la responsabilité des États pourrait être retenue, si ceux-ci manquaient à leurs obligations de prévention.
Pour mettre en œuvre la responsabilité internationale d’un État, toutefois, il faut encore que soit établi un lien de causalité entre les dommages allégués et le comportement illicite de cet État[120]. Là encore, l’analyse du Comité sur la juridiction extraterritoriale intervient fort à propos, puisque c’est précisément ce lien qu’il tente de démontrer. Lorsqu’il se penche sur la qualité de victime des pétitionnaires, il lui reste encore à identifier une relation de causalité entre effets généraux des changements climatiques et atteintes spécifiques aux droits des pétitionnaires : ceci constitue le dernier maillon de sa chaîne de causalité climatique[121]. Dans ce cadre, il choisit – peut-être à tort – de ne pas s’attarder sur les données scientifiques existantes, qui auraient pu lui offrir une estimation probabiliste des rapports entre les changements climatiques globaux et les événements locaux mentionnés par les auteurs. En revanche, il s’attache de nouveau à montrer que les préjudices soulevés étaient « raisonnablement prévisibles »[122]. Le choix de ce critère, opéré en conscience, lui permet de relier clairement les « dommages significatifs » subis par des particuliers aux obligations de prévention des États.
Deux facteurs lui permettent alors de finaliser son raisonnement. Le premier est celui de la multiplicité des préjudices allégués. La quantité et la diversité des dommages invoqués par les pétitionnaires est en effet suffisante pour que certains au moins soient considérés comme des conséquences prévisibles des changements climatiques. Tous ces dommages étant présentés d’un seul tenant dans la « communication Greta », il faut en conclure qu’ils constituent conjointement un phénomène prévisible de nature à établir la juridiction extraterritoriale des États, et à invoquer d’éventuels manquements à leurs obligations de diligence requise. La position que le Comité semble retenir sur ce point est très exactement inverse à celle de la Cour de justice de l’Union européenne quant au « People’s Climate Case »[123]. Cette dernière avait en effet conclu, face à la requête de représentants de plusieurs familles affectées de différentes manières par les changements climatiques, que la diversité des préjudices allégués ne suffisait pas à établir une affectation directe et individuelle des requérants[124].
Le second facteur dont tire parti le Comité concerne la continuité des préjudices allégués et leur possible extension dans le futur. Ainsi, l’un des dommages climatiques invoqués – la destruction des Îles Marshall et des Palaos du fait de l’élévation du niveau de la mer[125] – n’est pas encore arrivé mais a des chances crédibles de survenir. Un autre – l’anxiété liée au climat, qui nuirait à la santé mentale des auteurs[126] – représente une possible atteinte aux droits de l’enfant du fait d’événements climatiques futurs. Surtout, l’ensemble de ces préjudices peut raisonnablement être considéré comme susceptible de se prolonger ou de se répéter dans les décennies à venir. Ceci présente une portée particulière en matière de droits de l’enfant :
« Le Comité considère que, en tant qu’enfants, les auteurs sont particulièrement touchés par les changements climatiques, non seulement en raison des effets qu’ils ont sur eux, mais aussi parce que ces changements risquent d’avoir des conséquences pour eux tout au long de leur vie, en particulier si des mesures ne sont pas prises immédiatement »[127].
La diversité et la continuité temporelle de l’ensemble des dommages invoqués par les requérants permettent aisément de conclure que ceux-ci étaient « raisonnablement prévisibles » au regard de l’ampleur des changements climatiques, donc des actes et omissions des États défendeurs. La chaîne de causalité se trouve ainsi établie dans son ensemble, et la juridiction extraterritoriale exercée par les défendeurs est validée par le Comité. Dans le même temps, ce dernier reconnaît implicitement l’existence d’une catégorie de « victimes climatiques », dont la vulnérabilité renforce les obligations climatiques des États[128] et pourrait permettre d’engager leur responsabilité internationale, ce que le Comité n’aurait probablement pas manqué de faire en l’espèce, s’il avait déclaré la « communication Greta » recevable.
***
Si la déception des pétitionnaires face à l’irrecevabilité de leur plainte est très compréhensible, les reproches qu’ils adressent au Comité semblent bien injustes. Ce dernier prend certes des précautions pour ne pas outrepasser ses compétences, en ce qui concerne l’épuisement préalable des recours internes, mais il valide tout de même une part substantielle de la logique qui sous-tend la « communication Greta ». L’approche causale de la juridiction qu’il propose est ainsi particulièrement adaptée aux enjeux des affaires climatiques, en ce qu’elle contribue à abattre l’obstacle théorique de l’extraterritorialité pour traiter d’une menace globale par nature. Au cours de son examen relatif à la juridiction des États, le Comité précise par ailleurs la portée de l’obligation de prévention qui incombe à ces derniers, et fournit de très nombreux outils permettant d’engager leur responsabilité dans de futurs contentieux climatiques, au regard du préjudice qu’ils porteraient à certaines « victimes climatiques ». Sur ce dernier point, le Comité accède en réalité à l’une des demandes majeures des pétitionnaires : la reconnaissance de la crise climatique comme une crise des droits de l’enfant. Il met ainsi l’accent sur sa propre compétence matérielle, et encourage à présenter devant lui de nouvelles versions de la « communication Greta », qu’il est d’ores et déjà armé pour traiter. En ce sens, le Comité poursuit d’ailleurs son travail de fond pour consolider sa position dans le champ de la justice climatique, puisqu’il prépare actuellement un projet d’observation générale sur les droits de l’enfant et l’environnement, qui comportera un point d’attention particulier sur les changements climatiques[129].
[1] « Human rights-based approach ». Voir C. Cournil et C. Perruso, « Réflexions sur ‘‘l’humanisation’’ des changements climatiques et la ‘‘climatisation’’ des droits de l’Homme. Émergence et pertinence », La Revue des droits de l’homme, n° 14, 2018, pp. 243-279, spéc. p. 244. Accessible en ligne à l’adresse : http://journals.openedition.org/revdh/3930 (consulté le 30 juillet 2022).
[2] Ibid.
[3] C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », in C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, UMR Droits International, Comparé et Européen (DICE), 2020, col. « Confluences des droits », n° 10, pp. 281-302, spéc. pp. 290-291.
[4] Ibid., spéc. p. 281.
[5] Voir la précoce « Petition to the Inter American Commission on Human Rights seeking relief from violations resulting from global warming caused by acts and omissions of the United States, submitted by Sheila Watt-Cloutier, with the support of the Inuit Circumpolar Conference, on behalf of all Inuit of the Arctic regions of the United States, et al. », pétition du 12 août 2005, accessible en ligne à l’adresse : http://climatecasechart.com/non-us-case/petition-to-the-inter-american-commission-on-human-rights-seeking-relief-from-violations-resulting-from-global-warming-caused-by-acts-and-omissions-of-the-united-states/ (consulté le 16 novembre 2022) ; ainsi que « Petition to the Inter-American Commission on Human Rights seeking relief from violations of the rights of Arctic Athabaskan peoples resulting from rapid arctic warming and melting caused by emissions of black carbon by Canada, by the Arctic Athabaskan Council on behalf of all Arctic Athabaskan peoples of the Arctic regions of Canada and the United States, including Grand Chief Ruth Massie, Lake Laberge, Yukon, Canada; Chief Bill Erasmus, Yellowknife, Northwest Territories, Canada; Chief Michael Stickman, Nulato, Alaska, United States; Chief Gary Harrison, Chickaloon, Alaska, United States », pétition du 23 avril 2013, accessible en ligne à l’adresse : http://climatecasechart.com/non-us-case/petition-inter-american-commission-human-rights-seeking-relief-violations-rights-arctic-athabaskan-peoples-resulting-rapid-arctic-warming-melting-caused-emissions/ (consulté le 16 novembre 2022). Pour une analyse, voir S. Maljean-Dubois, « Pétitions Inuit Circumpolar Conference (2005) et et Arctic Athabaskan (2013) » in. C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, op. cit., pp. 63-75.
[6] Voir par exemple « Armando Ferrão Carvalho and Others v. The European Parliament and the Council », requête du 24 mai 2018, cas n° T-330/18, accessible en ligne à l’adresse : http://climatecasechart.com/non-us-case/armando-ferrao-carvalho-and-others-v-the-european-parliament-and-the-council/ (consulté le 16 novembre 2022). Pour une analyse, voir E. Brosset et E. Truilhé, « ‘‘Les People’s Climate Case’’ c. Union européenne (2019) » in. C. Cournil, ibid., pp. 193-207.
[7] Voir par exemple « Duarte Agostinho and Others v. Portugal and 32 Other States », requête du 2 septembre 2020, pourvoi n° 39371/20, accessible en ligne à l’adresse : http://climatecasechart.com/non-us-case/youth-for-climate-justice-v-austria-et-al/ (consulté le 16 novembre 2022). Pour une analyse, voir N. Delsaut, « La CEDH dans l’affaire Youth for Climate Justice v. 33 pays », Newsletter des affaires climatiques de Notre Affaire À Tous, n° 11, 2 juin 2021, 3 pages, spéc. pp. 2-3. Accessible en ligne à l’adresse : https://notreaffaireatous.org/numero-11-de-la-newsletter-des-affaires-climatiques-droit-de-propriete-et-crise-climatique/ (consulté le 17 juillet 2022)
[8] C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. p. 282.
[9] Voir S. Jamal, « L’interdépendance des droits de l’homme et du droit de l’environnement : source de nouvelles obligations en matière de pollutions. (Comité des droits de l’homme, Norma Portillo Caceres c. Paraguay, constatations du 20 septembre 2019, communication n° 2751/2016) », Droits fondamentaux. Revue électronique du CRDH, n° 18, 2020, 12 p. Accessible en ligne à l’adresse : https ://www.crdh.fr/revue/n-18-2020/linterdependance-des-droits-de-lhomme-et-du-droit-de-lenvironnement-source-de-nouvelles-obligations-en-matiere-de-pollutions-comite-des-droits-de-lhomme-norma-portillo-cacere/ (consulté le 3 juillet 2022).
[10] Voir Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Comité des droits de l’enfant et Comité des droits des personnes handicapées, Déclaration sur les droits de l’homme et les changements climatiques, 16 septembre 2019, U.N. doc. HRI/2019/1.
[11] C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. pp. 290-291.
[12] Voir Comité des droits de l’homme, Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande, constatations du 24 octobre 2019, communication n° 2728/2016, U.N. doc. CCPR/C/127/D/2728/2016.
[13] Voir Comité des droits de l’homme, Daniel Billy et consorts c. Australie, constatations du 21 juillet 2022, communication n° 3624/2019, U.N. doc. CCPR/C/135/D/3624/2019.
[14] Sur l’ensemble, voir C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. pp. 281-282.
[15] Dans l’affaire Teitiota, les constatations du Comité des droits de l’homme se sont avérées décevantes, dans la mesure où ce dernier n’a pas vu dans l’expulsion du pétitionnaire une atteinte à son droit à la vie, en dépit des conditions environnementales fortement dégradées de son État d’origine (voir Comité des droits de l’homme, Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande, précité, §§ 9.12-10 et opinion individuelle (dissidente) de Vasilka Sancin). Le Comité des droits de l’homme s’est en revanche montré beaucoup plus audacieux dans l’affaire Îles du détroit de Torrès, en reconnaissant que l’inaction climatique de l’État australien portait atteinte à plusieurs droits internationalement reconnus. Voir M. A. Tigre, « U.N. Human Rights Committee finds that Australia is violating human rights obligations towards Torres Strait islanders for climate inaction », Climate Law Blog, Sabin Center for Climate Change Law, 27 septembre 2022. Accessible en ligne à l’adresse : https://blogs.law.columbia.edu/climatechange/2022/09/27/u-n-human-rights-committee-finds-that-australia-is-violating-human-rights-obligations-towards-torres-strait-islanders-for-climate-inaction/ (consulté le 14 décembre 2022).
[16] « Baptism of fire ». A. Nolan, « Children’s Rights and Climate Change at the UN Committee on the Rights of the Child: Pragmatism and Principle in Sacchi v Argentina », European Journal of International Law, EJIL: Talk ! , 20 octobre 2021. Accessible en ligne à l’adresse : https://www.ejiltalk.org/childrens-rights-and-climate-change-at-the-un-committee-on-the-rights-of-the-child-pragmatism-and-principle-in-sacchi-v-argentina/ (consulté le 10 juillet 2022).
[17] Argentine, Brésil, France, Allemagne, Inde, Ile Marshall, Nigéria, République des Palaos, Afrique du Sud, Suède, Tunisie, États-Unis (voir ibid.).
[18] Voir Ibid. et C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. p. 283.
[19] Voir C. Cournil, ibid., p. 287.
[20] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, constatations du 22 septembre 2021, communication n° 106/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/106/2019, §§ 3.3 à 3.6. Les cinq constatations adoptées par le Comité étant quasiment formulées à l’identique, nous nous référerons uniquement à la constatation concernant la France pour citer les passages récurrents.
[21] Voir infra, pp. 5-6.
[22] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 2.
[23] Ibid., §§ 3.7 et 3.8.
[24] A. Nolan, « Children’s Rights and Climate Change at the UN Committee on the Rights of the Child: Pragmatism and Principle in Sacchi v Argentina », précité.
[25] C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. p. 299.
[26] Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 5.4 (« L’État partie n’a pas d’instance compétente pour examiner les griefs formulés et se prononcer sur les mesures de réparation demandées, la plainte portant sur des violations des droits de l’homme causées par les actions de multiples États dont les effets se font sentir à travers de multiples frontières. L’immunité de juridiction rend vaine toute action en réparation pour les dommages transfrontières causés par des États tiers. Les auteurs ajoutent que les mesures de réparation qu’ils demandent ne sont pas du ressort des tribunaux ou que, à tout le moins, il est très peu probable qu’elles soient ordonnées. ») et 10.17 (selon les auteurs, « il est fort probable que les tribunaux internes rejetteraient leurs demandes, qui portent sur l’obligation d’un État de coopérer avec d’autres États, en raison de la non-justiciabilité de la politique étrangère et de l’immunité de juridiction étrangère de l’État »).
[27] Ibid., § 10.17 : « [le Comité] note également que les auteurs affirment qu’ils se heurteraient à des obstacles considérables s’ils devaient épuiser les recours internes, car les procédures seraient excessivement lourdes, déraisonnablement longues et peu susceptibles de leur permettre d’obtenir une réparation effective ».
[28] Voir L. Hennebel et H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Editions A. Pedone, 2018, 2ème édition, 1721 pages, spéc. pp. 514-515. Ces deux exceptions sont d’ailleurs souvent prévues conventionnellement : voir Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation des communications, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 66/138 du 19 décembre 2011, entré en vigueur le 1er avril 2014, article 7 § 5 (« Le Comité déclare irrecevable une communication lorsque […] tous les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés. Cette règle ne s’applique pas si la procédure de recours excède des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elle permette d’obtenir une réparation effective »).
[29] Comité des droits de l’homme, Daniel Billy et consorts c. Australie, précitées, § 7.3.
[30] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.20 et 11.
[31] Ibid., §§ 10.17 et 10.18.
[32] Ibid., § 10.19 ; Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Argentine, constatations du 22 septembre 2021, communication n° 104/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/104/2019, § 10.20 ; Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Brésil, constatations du 22 septembre 2021, communication n° 105/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/105/2019, § 10.20 ; Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Allemagne, constatations du 22 septembre 2021, communication n° 107/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/107/2019, § 9.19 ; Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Turquie, constatations du 22 septembre 2021, communication n° 108/2019, U.N. doc. CRC/C/88/D/108/2019, § 9.19.
[33] Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation des communications, précité, article 5 § 1 (nous rajoutons les italiques). Christel Cournil relevait en 2020 que l’article 5 était en revanche muet sur la possibilité d’une communication pluri-individuelle présentée par un groupe de particuliers issus d’États différents (C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », précité, spéc. p. 299). À la lecture des cinq constatations, il ne semble cependant pas que le Comité marque une opposition de principe sur ce dernier point.
[34] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Argentine, précitées, § 10.18 ; Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Brésil, précitées, § 10.18.
[35] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.17.
[36] Voir CEDH, Quatrième section, communication aux États défendeurs de la requête n° 39371/20, 13 novembre 2020, spéc. pp. 3-4.
[37] Voir C. Juneja, « C. Sacchi et al v. Argentine, Brésil, France, Allemagne et Turquie. Comité des Droits de l’Enfant, 12 octobre, 2021 », Newsletter des affaires climatiques de Notre Affaire À Tous, n° 14, 31 mars 2022, p. 7. Accessible en ligne à l’adresse : https://notreaffaireatous.org/numero-14-de-la-newsletter-des-affaires-climatiques-la-proposition-de-directive-europeenne-sur-le-devoir-de-vigilance-des-entreprises/ (consulté le 8 juillet 2022) ; N. Delsaut, « La CEDH dans l’affaire Youth for Climate Justice v. 33 pays », précité, pp. 2-3.
[38] Earthjustice, « UN Committee on the Rights of the Child Turns Its Back on Climate Change Petition from Greta Thunberg and Children from Around the World », 11 octobre 2021. Accessible en ligne à l’adresse : https://earthjustice.org/news/press/2021/un-committee-on-the-rights-of-the-child-turns-its-back-on-climate-change-petition-from-greta-thunberg-and .
[39] A. Nolan, « Children’s Rights and Climate Change at the UN Committee on the Rights of the Child: Pragmatism and Principle in Sacchi v Argentina », précité.
[40] « […] it could have become a tribunal of ‘‘first instance of preference’’ for all children seeking to file a petition under the OPIC » ; M. A. Tigre et V. Lichet, « The CRC decision in Sacchi v. Argentina », ASIL Insights, vol. 25, 2021, p. 4. Accessible en ligne à l’adresse : https://www.asil.org/insights/volume/25/issue/26 (consulté le 31 juillet 2022).
[41] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.16.
[42] Voir L. Hennebel et H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, op. cit., spéc. p. 514. À l’appui, les auteurs mentionnent les affaires suivantes : Comité des droits de l’homme, SHB c. Canada, constatations du 24 mars 1987, communication n° 192/1985, U.N. doc. CCPR/C/29/D/192/1985, § 7.2 ; Comité des droits de l’homme, Kaaber c. Islande, décision d’irrecevabilité du 5 novembre 1996, communication n° 674/1995, U.N. doc CCPR/C/58/D/674/1995, § 5.3 ; Comité des droits de l’homme, Faurisson c. France, constatations du 8 novembre 1996, communication n° 550/1993, U.N. doc. CCPR/C/58/D/550/1993, § 6.2 ; Comité des droits de l’homme, Parum et Balmer c. Nouvelle-Zélande, constatations du 29 mars 2001, communication n° 952/2000, U.N. doc. CCPR/C/71/D/952/2000, § 4.2 ; Comité des droits de l’homme, Paraga c. Croatie, constatations du 14 mai 2001, communication n° 727/1996, U.N. doc. CCPR/C/71/D/727/1996, § 5.5 ; Comité des droits de l’homme, SNA c. Cameroun, constatations du 25 mars 2013, communication n° 1962/2010, U.N. doc. CCPR/C/107/D/1962/2010, § 6.3 ; Comm. IADH., Gabriel Lastra Pedrero c. Mexique, rapport d’irrecevabilité du 9 mars 1999, pétition n° 11812, rapport n° 24/99, § 24 ; Comm. IADH., Vera Mejias c. Chili, rapport d’irrecevabilité du 20 mars 2013, pétition n° 157/06, rapport n° 11/13.
[43] Voir par exemple Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 5.5 et 8.2, en ce qui concernent les affaires portées devant les juges français.
[44] L. Hennebel et H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, op. cit., spéc. p. 516.
[45] Voir par exemple Greenpeace, « Affaire du Siècle : Un an après sa condamnation pour inaction climatique, l’État n’en fait (toujours) pas assez », 13 octobre 2022, accessible en ligne à l’adresse : https://www.greenpeace.fr/espace-presse/affaire-du-siecle-un-an-apres-sa-condamnation-pour-inaction-climatique-lÉtat-nen-fait-toujours-pas-assez/ (consulté le 30 novembre 2022).
[46] M. A. Tigre et V. Lichet, « The CRC decision in Sacchi v. Argentina », précité, spec. p. 4.
[47] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.16 : « [Le Comité] estime qu’il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé les recours internes si ceux-ci n’ont objectivement aucune chance d’aboutir, par exemple dans les cas où la législation interne applicable entraînerait inévitablement le rejet de la demande ou lorsque la jurisprudence établie des plus hautes instances judiciaires exclut toute issue positive. »
[48] Le principe de subsidiarité est consacré par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Handyside, où il affirme que « le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme » (CEDH, Pl., arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, req. n° 5493/72, § 48). Le principe de subsidiarité traduit le fait que les autorités nationales, et en particulier le juge national, sont les premiers garants des droits consacrés par la Convention. En droit européen des droits de l’homme comme en droit international des droits de l’homme, la règle de l’épuisement des voies de recours internes en constitue le pendant procédural. Voir F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, PUF, 2006, 11ème édition, 786 pages, spéc. pp. 211-212.
[49] Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, article 2 § 1.
[50] Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation des communications, précité, article 5 § 1 (nous rajoutons les italiques). Ces références conventionnelles à la notion de juridiction sont d’ailleurs rappelées par le Comité lorsque celui-ci ouvre l’examen de la recevabilité : voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.3.
[51] Voir F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, op. cit., spéc. p. 782.
[52] Cette distinction méthodologique entre juridiction territoriale et extraterritoriale apparaît clairement dans certains passages des constatations du Comité. Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.2 (« Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable pour défaut de compétence au motif que les auteurs ne résident pas sur le territoire français et ne relèvent pas autrement de sa juridiction […]) et 10.3 (« [le Comité] observe que, si ni la Convention ni le Protocole facultatif ne font référence au ‘‘territoire’’ dans le contexte de la juridiction, la notion de juridiction extraterritoriale devrait être interprétée de manière restrictive »).
[53] Voir S. Touzé, « Si la compétence l’emportait sur le territoire ? Réflexions sur l’obsolescence de l’approche territoriale de la notion de juridiction », Revue Québécoise de droit international, Hors-série, 2020, pp. 190-200, spéc. p. 190.
[54] Ce dernier groupe de pétitionnaires inclut potentiellement Iris Duquesne, l’auteure de nationalité française, dont la France défend qu’elle ne relèverait pas de sa juridiction dans la mesure où elle vit aux États-Unis depuis 2019. Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 4.3.
[55] L’Argentine et l’Allemagne reconnaissent d’ailleurs toutes deux que leurs ressortissantes se trouvent sous leur juridiction. Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Argentine, précitées, § 4.3 et Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. Allemagne, précitées, § 4.2.
[56] A. Nolan, « Children’s Rights and Climate Change at the UN Committee on the Rights of the Child: Pragmatism and Principle in Sacchi v Argentina », précité.
[57] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.4.
[58] Voir « International Human Rights Law – Extraterritorial Jurisdiction – Committee on the Rights of the Child Extends Jurisdiction over Transboundary Harms; Enshrines New Test. – Sacchi v. Argentina, No. CRC/C/88/D/104/2019 (Oct. 8, 2021) », Harvard Law Review, vol. 135, n° 7, 2022, pp. 1981-1988, spéc. p. 1985.
[59] Voir F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, op. cit., spéc. pp. 783-785. Les actes extraterritoriaux pouvant s’analyser en l’exercice par un État partie de sa juridiction extraterritoriale concernent, suivant la Cour, des hypothèses où il exerce un « contrôle effectif » sur le territoire d’un autre État partie (CEDH, arrêt du 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie, req. n° 15318/89 ; CEDH, GC, arrêt du 10 mai 2001, Chypre c. Turquie, req. n° 25781/94 ; CEDH, GC, décision du 12 décembre 2001, Banković et autres c. Belgique et autres, req. n° 52207/99 ; CEDH, GC, arrêt du 8 juillet 2004, Ilascu et autres c. Moldova et Russie, req. n° 48787/99), où il dispose d’un « contrôle effectif global » sur le territoire d’un État tiers (CEDH, arrêt du 16 novembre 2004, Issa et al. c. Turquie, req. n° 31821/96 ; CEDH, GC, arrêt du 7 juillet 2011, Al-Jeda c. Royaume-Uni, req. n° 21021/08), ou encore où il agit par l’intermédiaire de ses agents à l’étranger (CEDH, GC, arrêt du 12 mai 2005, Öcalan c. Turquie, req. n° 46221/99 ; CEDH, GC, arrêt du 7 juillet 2011, Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, req. n° 55721/07, qui reprend à ce titre le critère du « contrôle effectif » [§ 84]).
[60] Voir O. de Frouville, « La responsabilité des États pour les activités extraterritoriales des entreprises et l’interprétation de la notion de ‘‘juridiction’’ par le Comité des droits de l’homme », in E. Decaux, P. Gillibert et I. Motoc (ed.), Justice et Droits de l’Homme. Mélanges en hommage à Christine Chanet, Paris, Editions A. Pedone, 2019, pp.67-87, spéc. pp. 74-77.
[61] E. Delval, « Les décisions 3042/2017 et 3043/2017 du Comité des droits de l’homme : en matière d’opérations de recherche et de sauvetage en haute mer : effets incitants ou dissuasifs ? », Revue trimestrielle des droits de l’Homme, vol. 128, n° 4, 2021, pp. 875-904, spéc. pp. 889-890.
[62] Ibid., pp. 891-892. Nous nous référons ici à la classification présentée par Eugénie Delval dans son article, tout en rappelant qu’elle reste discutée en doctrine et que sa compréhension demeure variable en fonction des auteurs.
[63] L’approche causale de la juridiction par le Comité des droits de l’homme est ainsi manifeste dans Comité des droits de l’homme, Mohammad Munaf c. Roumanie, constatations du 21 août 2009, communication n° 1539/2006, U.N. doc. CCPR/C/96/D/1539/2006. L’approche fonctionnelle a récemment été consacrée dans Comité des droits de l’homme, A.S., D.I., O.I. et G.D. contre Italie et contre Malte, constatations des 13 mars et 4 novembre 2020, communications n° 3042/2017 et 3043/2017, U.N. docs. CCPR/C/128/D/3043/2017 et CCPR/C/130/D/3042/2017, deux séries de constatations relatives au sauvetage de migrants en Méditerranée, et qui intègrent à cette dimension fonctionnelle un élément causal.
[64] Comité des droits de l’homme, L’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant le droit à la vie, Observation générale n° 36, 2018, § 66 (nous rajoutons les italiques).
[65] Voir Comité des droits de l’enfant, L. H. et consorts c. France, constatations du 30 septembre 2020, communications n° 79/2019 et n° 109/2019, U.N. doc. CRC/C/85/D/79/2019–CRC/C/85/D/109/2019 ; Comité des droits de l’enfant, F. B. et consorts c. France, constatations du 4 février 2021, communications n° 77/2019, U.N. doc. CRC/C/86/D/R.77/2019.
[66] Voir H. Duffy, « Communications No. 79/2019 and 109/2019 L.H. et al v. France and 77/2019 F.B. et al v. France », Leiden Children’s Rights Observatory, case note n° 2021/3, 18 février 2021. Voir également M. Milanovic, « Repatriating the Children of Foreign Terrorist Fighters and the Extraterritorial Application of Human Rights », European Journal of International Law, EJIL : Talk !, 10 novembre 2020. Accessible en ligne à l’adresse : https://www.ejiltalk.org/repatriating-the-children-of-foreign-terrorist-fighters-and-the-extraterritorial-application-of-human-rights/ (consulté le 23 juillet 2022). Voir enfin A. Brejon, « Comité des droits de l’enfant, L.H., D.A., C.D. et A.F. c. France, 30 septembre 2020, communications nos 79/2019 et 109/2019, U.N. docs. CRC/C/85/D/79/2019 et CRC/C/85/D/109/2019 », in A. Brejon, A. Lebret et S. Jamal, « Chronique des constatations des comités conventionnels des Nations Unies », Droits fondamentaux. Revue électronique du CRDH, n° 19, 2021, pp. 46-48, spéc. p. 47-48. Accessible en ligne à l’adresse : https://www.crdh.fr/revue/n-19-2021/chronique-des-constatations-des-comites-conventionnels-des-nations-unies-2/ (consulté le 22 juillet 2022).
[67] M. Milanovic, « Repatriating the Children of Foreign Terrorist Fighters and the Extraterritorial Application of Human Rights », European Journal of International Law, EJIL : Talk ! , ibid.
[68] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.7.
[69] Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 36, précitée, § 22 (« [Les États] doivent aussi prendre des mesures législatives et d’autres mesures pour veiller à ce que toute activité ayant lieu sur tout ou partie de leur territoire ou dans d’autres lieux sous leur juridiction mais ayant une incidence directe et raisonnablement prévisible sur le droit à la vie de personnes se trouvant en dehors de leur territoire, y compris si elle est menée par une entreprise basée sur leur territoire ou sous leur juridiction, soit compatible avec l’article 6 […] ») et § 66 (cité supra, note n° 64).
[70] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.5 et CIADH, avis consultatif OC-23/17 du 15 novembre 2017, L’environnement et les droits de l’homme, Série A, n° 23, §§ 71 à 104.
[71] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, ibid., § 10.7.
[72] Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.9 et 10.11. La référence aux « preuves scientifiques existantes » fait écho à la convocation explicite par le Comité des travaux du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), lequel « a confirmé dans un rapport publié en 2018 que les changements climatiques menaçaient gravement l’exercice des droits de l’homme protégés par la Convention, notamment le droit à la vie, le droit à une alimentation adéquate, le droit à un logement convenable, le droit à la santé, le droit à l’eau et les droits culturels » (ibid., § 10.6).
[73] Ibid., § 10.11.
[74] « International Human Rights Law – Extraterritorial Jurisdiction – Committee on the Rights of the Child Extends Jurisdiction over Transboundary Harms; Enshrines New Test. – Sacchi v. Argentina, No. CRC/C/88/D/104/2019 (Oct. 8, 2021) », précité, spéc. p. 1987 : « it is unclear how an exercise of jurisdiction through cross-border effects fits into or is supported by general justifications of international human rights law. The sovereignty-based justifications that reflect human rights as a “contract between a state and its citizens” and those over whom it acts as a stand-in government encompass situations different from the doctrine envisioned in Sacchi, where a state’s actions may pass through attenuated lines of control and stretch across the globe with no agents present. »
[75] CIADH, avis consultatif OC-23/17 du 15 novembre 2017, précité, § 97 : « The International Court of Justice has repeatedly established that States have the obligation not to allow their territory to be used for acts contrary to the rights of other States. »
[76] Voir infra, pp. 20-21.
[77] L’introduction d’un élément causal dans la détermination de la juridiction pose le même type de problèmes dans l’affaire Malte et Italie de 2020, traitée par le Comité des droits de l’homme (voir supra, note n° 63 ; voir E. Delval, « Les décisions 3042/2017 et 3043/2017 du Comité des droits de l’homme : en matière d’opérations de recherche et de sauvetage en haute mer : effets incitants ou dissuasifs ? », spéc. pp. 895-903). Cependant, ces difficultés tiennent surtout, dans ce dernier cas, à l’intégration de l’approche causale au cadre théorique préalable de la juridiction fonctionnelle. La situation est donc distincte dans Sacchi, et le Comité des droits de l’enfant ne s’expose pas exactement au même type de risques.
[78] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.7.
[79] Ibid.
[81] Comité des droits de l’enfant, Les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l’enfant, Observation générale n° 16, 2013, § 43.
[82] Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 5.2.
[83] Voir notamment ibid., § 10.6.
[84] Ibid., § 10.5 : « Les victimes potentielles des conséquences négatives [des activités menées sur le territoire ou sous la juridiction de l’État d’origine] relèvent de la juridiction de l’État d’origine, dont la responsabilité peut être engagée pour manquement à l’obligation de prévenir les dommages transfrontières […]. »
[85] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.5.
[86] Voir P.-M. Dupuy et Y. Kerbrat, Droit international public, Paris, Dalloz, 2020, 15ème édition, 960 pages, spéc. pp. 122-124. Cette valeur coutumière du principe de prévention a notamment été établie par la Cour internationale de Justice en l’affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, où elle reconnaît d’ailleurs ses liens avec le principe d’utilisation non dommageable du territoire (CIJ, 20 avril 2010, Affaire relative à des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 14, spéc. p. 45, § 101). Sur ce dernier principe, voir notamment CIJ, 25 septembre 1997, Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 7, spéc. p. 41, § 53, en ce qui concerne l’environnement.
[87] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.5 : « La Cour a noté que l’on pouvait donc conclure que l’obligation de prévenir des dommages ou atteintes transfrontières à l’environnement était une obligation reconnue par le droit international de l’environnement et que les États pouvaient être tenus responsables de tout dommage significatif causé à des personnes se trouvant hors de leurs frontières par des activités ayant leur origine sur leur territoire ou relevant de leur autorité ou de leur contrôle effectif […] ».
[88] Ibid., § 10.6.
[89] La qualification de « fait internationalement illicite » requiert que soit identifié un comportement consistant en une action ou omission, contraire au droit international et attribuable à un État, dont la responsabilité internationale peut alors être engagée, le cas échéant. Voir E. Decaux et O. de Frouville, Droit international public, Paris, Dalloz, 2020, 12ème édition, 684 pages, spéc. pp. 140-141, et CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 53ème session, 2001, texte repris de l’annexe à la résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 12 décembre 2001, spéc. p. 70, article 2.
[90] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.9 et 10.12.
[91] Dans le détail, P.-M. Dupuy et Y. Kerbrat, Droit international public, op. cit., spéc. pp. 548-551, et CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, précité, spéc. pp. 111-114, commentaire de l’article 8. Il existe certes des divergences entre la Cour internationale de Justice et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, quant au degré de contrôle nécessaire pour établir l’implication d’un État dans une situation de fait particulière. En tout état de cause, le « contrôle effectif » correspond toutefois au degré le plus élevé : s’il est identifié, il devrait donc suffire à attribuer à un État le comportement de certains particuliers.
[92] Voir supra, p. 17.
[93] P.-M. Dupuy et Y. Kerbrat, Droit international public, op. cit., spéc. pp. 550-551.
[94] Voir supra, pp. 15-16 et Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.1.
[95] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.10.
[96] Ibid.
[97] CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, précité, spéc. p. 341, commentaire de l’article 47.
[98] Ibid, spéc. p. 342.
[99] E. Decaux et O. de Frouville, Droit international public, op. cit., spéc. p. 144 et S. Maljean-Dubois, « Responsabilité environnementale et règlementation internationale. Environmental responsibility and international regulation », Techniques pour l’ingénieur, 2020, 24 pages, spéc. p. 8. Accessible en ligne à l’adresse : https://shs.hal.science/halshs-03007169/document (consulté le 1er décembre 2022).
[100] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.5 et 10.12.
[101] S. Maljean-Dubois, « Responsabilité environnementale et règlementation internationale. Environmental responsibility and international regulation », précité, spéc. p. 5.
[102] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.5 (nous rajoutons les italiques).
[103] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.12.
[104] Voir supra, p. 1.
[105] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, §§ 10.12.
[106] Ibid., p. 287.
[107] L’observation générale n° 1, de 2001 indique par exemple que la sensibilisation aux problématiques environnementales doit faire partie intégrante de l’éducation de l’enfant (Comité des droits de l’enfant, Paragraphe 1 de l’article 29 : les buts de l’éducation, Observation générale n° 1, 2001, § 13). L’observation n° 4 de 2003, pour sa part relative à la santé et au développement de l’adolescent, signale que ce dernier doit bénéficier d’un « environnement salubre et propice à son épanouissement » ou encore d’un « environnement sain et favorable », bien que le terme se réfère surtout ici à son entourage immédiat (Comité des droits de l’enfant, La santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, Observation générale n° 4, 2003, §§ 7 et 14).
[108] Comité des droits de l’enfant, Les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention, Observation générale n° 11, 2009, § 35.
[109] Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible (art. 24), Observation générale n° 15, 2013, §§ 49 et 50.
[110] Voir Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13.
[111] Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible (art. 24), Observation générale n° 15, 2013, précitée, § 49.
[112] Ibid., §§ 48 et 49.
[113] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13.
[114] Ibid.
[115] Comité des droits de l’enfant, La santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, Observation générale n° 4, 2003, précitée, § 7.
[116] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13.
[117] Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible (art. 24), Observation générale n° 15, 2013, précitée, § 63.
[118] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13.
[119] Ibid., § 10.14.
[120] S. Maljean-Dubois, « Responsabilité environnementale et règlementation internationale. Environmental responsibility and international regulation », précité, spéc. p. 8.
[121] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.12 : « Ayant conclu que l’État partie exerce un contrôle effectif sur les sources d’émissions qui contribuent à causer des dommages raisonnablement prévisibles à des enfants vivant hors de son territoire, le Comité doit maintenant déterminer si le lien de causalité entre les dommages que disent avoir subis les auteurs et les actes ou omissions de l’État partie est suffisant pour établir la juridiction. »
[122] Ceci apparaît clairement dans les conclusions que le Comité finit par soumettre sur la question : « Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les auteurs ont suffisamment démontré, aux fins de l’établissement de la juridiction, que les atteintes aux droits qui leur sont reconnus par la Convention qui résultent des actes ou omissions de l’État partie concernant les émissions de carbone trouvant leur source sur son territoire étaient raisonnablement prévisibles. » (Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.14).
[123] CJUE, arrêt du 25 mars 2021, Armando Carvalho c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, affaire C-565/19 P., §§ 39 et 40.
[124] Voir E. Brosset et E. Truilhé, « People’s climate case : Flagrante surdité de la Cour de justice de l’Union européenne », Le Club des juristes, 15 avril 2021. Accessible en ligne à l’adresse : https://blog.leclubdesjuristes.com/peoples-climate-case-flagrante-surdite-de-la-cour-de-justice-de-lunion-europeenne/ (consulté le 27 août 2022).
[125] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13.
[126] Ibid.
[127] Ibid.
[128] Comité des droits de l’enfant, Chiara Sacchi et consorts c. France, précitées, § 10.13 : « Sachant que les changements climatiques ont des effets particuliers sur les enfants et que ceux-ci ont le droit à des garanties spéciales, en particulier à une protection juridique appropriée, les États ont une obligation accrue de protéger les enfants contre les dommages prévisibles. »
[129] La « concept note » de cette future observation générale n° 26 est accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/treaty-bodies/crc/concept-note-general-comment-childrens-rights-and-environment-special-focus-climate-change (consulté le 8 août 2022).