N. 18 - 2020

Les expropriations illégales de la Seconde Guerre Mondiale sous l’angle du droit autonome à la non-discrimination : Les droits des victimes en repli continu

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Résumé

Si les principes applicables aux cas d’expropriation illégale ont connu une évolution considérable après la Seconde Guerre mondiale, avec le temps, les victimes assistent à un repli continu de leurs droits. Les constations P.L et M.L c. Estonie du Comité des Droits de l’homme s’inscrivent dans cette ligne. En effet, l’audace dont le Comité fait souvent preuve en acceptant d’examiner des affaires qui concernent en premier lieu le droit de propriété – lequel n’est pas garanti par le Pacte – sous l’angle du droit autonome à la non-discrimination (article 26 du PIDCP), reste à nuancer par l’exigence renforcée de la charge de la preuve au stade de la recevabilité de la communication. Le Comité se réfugie sur la procédure en écartant le contexte historique. Cette décision qui constitue nouvel échec pour les victimes d’expropriation mérite ainsi une attention approfondie au regard de la recevabilité des affaires touchant le droit à la propriété.

Abstract

Despite the fact that the principles applicable to cases of unlawful expropriation underwent a considerable evolution after the Second World War, seventy-five years after its end, victims are witnessing a continual withdrawal of their rights. This is evidenced by this decision of the Human Rights Committee. Indeed, the boldness it often shows in agreeing to examine cases that primarily concern the right to property – which is not guaranteed by the Covenant – under the sphere of the autonomous right to non-discrimination (Article 26 of the ICCPR), must be offset by the stricter requirement of the burden of proof at the stage of admissibility of the communication. Accordingly, this decision deserves in-depth attention from the point of view of the admissibility of cases concerning the right to property. 

Mots-clés : droit à la propriété — expropriations illégales — discrimination — droit autonome – réparation– articles 2 ; 14 ; 26 du PIDCP.

Introduction

Le caractère « inviolable et sacré » du droit à la propriété établi par la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen de 1789, contraste avec la consécration que les différents traités internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme lui ont donné par la suite. D’une part, le caractère « absolu » de ce droit a été abandonné en faveur des exceptions guidées par la nécessité ou l’utilité publique dans les constitutions modernes comme dans les conventions régionales [1]. D’autre part, plusieurs textes, tels que le Pacte international de droits civils et politiques et le Pacte international de droits sociaux et culturels, ont simplement exclu la consécration et par conséquent la protection du droit à la propriété, dans l’impossibilité de trancher les contradictions idéologiques qui avaient abouti à la rédaction de l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme en vertu duquel « toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété » (§.1), même si « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété » (§.2). Toutefois, le Comité des droits de l’homme (ci-après le Comité) peut se prononcer sur des affaires liées à ce droit, lorsque le refus d’indemnisation ou de restitution de biens se base sur des critères discriminatoires en vertu du droit autonome à la non-discrimination (article 26). Ceci étant, partagé entre charge de la preuve et protection secondaire, le traitement hétéroclite du droit à la propriété a une forte incidence sur les droits des victimes. En particulier, celles des expropriations massives illégales durant et après la Seconde Guerre mondiale.

Dans ce contexte, les constatations du Comité, dans la présente affaire contre l’Estonie, démontrent que la question sur la réparation des dommages patrimoniaux – plus de soixante-quinze ans après– est loin de faire l’unanimité. En l’espèce, les requérants se plaignent d’une inégalité de traitement en raison de leur origine germano-balte lors de leur demande de restitution ou réparation de biens illégalement expropriés à leur grand-mère pendant l’occupation soviétique en 1940. Ils saisissent le Comité face au refus de l’Estonie de restituer les biens de sa grand-mère (§ 2.1)[2]. Celle-ci avait retrouvé ses biens en 1992, à la suite d’une procédure de restitution devant la Commission de la ville de Tallin[3]. Toutefois, en 1999, cette Commission est revenue sur sa décision et la municipalité a procédé à la récupération de biens, qui sont devenus des biens publics (§ 2.2). La Cour Suprême en 2002 déclare inconstitutionnelle cette décision. Malgré cette décision, la Commission – huit ans après­– confirme aux requérants que les biens de leur grand-mère ne seraient ni restitués ni indemnisés, car leur grand-mère avait reçu une indemnisation en vertu de la loi adopté par la République Fédérale Allemande (ci-après RFA) sur la péréquation des charges[4] de 1952 (§ 2.2). En effet, l’article 17 §5 de la loi estonienne dispose « que les personnes qui ont déjà reçu une indemnisation pour leur propriété ne peuvent avoir une attente légitime d’obtenir la restitution de leur propriété ou une indemnisation supplémentaire » (§ 4.6). Les requérants saisissent le tribunal administratif de Tallin, qui en 2011, fait droit à leur demande et déclare que le paiement reçu au titre de la loi allemande ne pouvait pas être considéré comme une compensation pour la perte des biens. Toutefois, la Cour d’appel annule la décision au motif que ce paiement « équivalait bien à une indemnisation » et de ce fait toute restitution ou indemnisation était exclue. La Cour suprême a refusé d’examiner un nouveau recours des auteurs (§ 2.3). Les auteurs décident alors d’attraire l’État devant le Comité des droits de l’homme, invoquant que le refus de l’Estonie de restituer les biens ou de leur accorder une compensation équivalente était discriminatoire (§ 3.1). Après avoir étudié les faits, le Comité a déclaré la communication irrecevable en vertu des articles 2, 3 et 5§ 2 du Protocole facultatif.

Un double bilan de cette constatation peut être ainsi dressé. Alors qu’en appréhendant audacieusement à travers le droit autonome à la non-discrimination des violations liées au droit à la propriété le Comité élargit le champ de protection des victimes (I), en imposant tant une lecture stricte de la discrimination, qu’en exigeant une charge de la preuve renforcée lors de la recevabilité pour les requérants, le bilan paraît partagé (II). D’autant plus que cette décision n’est pas isolée, les différentes jurisprudences des tribunaux internationaux chargés de protéger les droits de l’homme marquant une inflexion.  Elles s’inscrivent dans un repli continu des droits de victimes d’expropriations illégales.

I. Une volonté de protection affermie : l’examen des affaires d’expropriation illégale sous l’angle du droit autonome à la non-discrimination

L’autonomie du droit à la non-discrimination tend à une meilleure protection des droits de l’homme. Ainsi l’extension du champ de protection à travers l’autonomie de l’article 26, à tout domaine de la vie sociale, afin d’éviter l’arbitraire, est un clair exemple. Le Comité affirme sa volonté de protection accrue à travers l’assouplissement de certaines conditions de recevabilité, en écartant d’abord l’éventuel abus du droit (A) et en procédant ensuite à un dépassement de son incompétence face au droit à la propriété (B).

 A. Les conditions de recevabilité : abus de droit et litispendance ?

Alors que les expropriations et confiscations illégales de biens avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale avaient un caractère massif, les restitutions et indemnisations pour la perte des biens n’ont pas répondu à la même logique. Les indemnisations et restitutions des biens étaient souvent refusées selon des critères discriminatoires fondés sur la nationalité des victimes[5], sur leur résidence[6] ou encore sous l’angle des discriminations indirectes[7]. Le recours aux instances internationales de protection de droits de l’homme a joué un rôle essentiel pour remédier à cette situation et rétablir l’égalité.

De ce fait, les requérants en vue de constater le refus de l’Estonie de restituer ou d’indemniser leurs biens pour des motifs discriminatoires ont déposé une communication en concomitance devant le Comité et devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la Cour EDH). Ceci devait conduire, d’après l’État défendeur, à l’irrecevabilité de la communication devant le Comité, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, par « abus du droit à présenter une communication », car les auteurs « n’[avaient] pas informé le Comité qu’ils avaient soumis une plainte sur la même question » à la Cour EDH (§ 4.2). Or, l’abus de droit de présenter une communication tel qu’interprété par le Comité ne comprend que les demandes futiles ou vexatoires, ou les cas dans lesquels « la même personne a introduit à plusieurs reprises une demande portant sur la même question devant le Comité, alors que celui-ci a déjà rejeté les demandes précédentes »[8]. Ce moyen est donc inopérant au cas d’espèce. En effet, la requête a été déclarée irrecevable le 24 octobre 2013 par la Cour EDH et non par le Comité.

Toutefois, l’État invoque subsidiairement l’article 5 § 2 du protocole facultatif qui prévoit le cas où la même question a déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement (§ 4.2).  Sur ce point, les requérants rappellent dans leurs écrits que la cause de l’irrecevabilité de leur demande devant la Cour EDH est la réserve faite par l’Estonie, en vertu de l’article 57 de la Convention[9], aux dispositions de l’article 1 du Protocole nº 1 qui stipule que « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international »[10]. Ainsi, les dispositions de cet article ne sont pas applicables « aux lois [estoniennes] sur la réforme de la propriété qui régissent la restitution ou la compensation des biens nationalisés, confisqués, réquisitionnés, collectivisés ou autrement expropriés illégalement pendant la période de l’annexion soviétique ; la restauration de l’agriculture collectivisée et la privatisation des biens appartenant à l’État »[11]. De même, ladite réserve couvre les cas de « plainte[s] pour non-restitution de biens expropriés »[12]. Malgré le caractère étendu de cette réserve, la Cour EDH a déclaré que la législation spécifique satisfaisait aux exigences de l’ex-article 64, devenu l’article 57 dans l’arrêt Shestjorkin c. Estonie[13], sans pour autant exclure que la question puisse se reposer dans d’autres affaires. En l’espèce, à la suite de la décision de la Commission de la ville de Tallin en 1999, les biens des auteurs sont devenus propriété publique (§ 2.2), ce qui exclut la compétence de la Cour EDH dans l’affaire. Ne bénéficiant pas de la protection par la Cour EDH, à cause de ladite réserve, le Comité reste ainsi le seul recours possible pour les auteurs de la communication.

L’analyse de cette condition de recevabilité permet, en outre, de souligner la grande liberté dont dispose le Comité, contrairement à la Cour EDH. En effet, cette dernière en vertu de son article 35 §2, a établi deux principes généraux pour établir la recevabilité d’une requête[14]. D’une part, le principe de litispendance prévoit qu’en cas de saisine parallèle d’une autre « instance internationale d’enquête ou de règlement » sur la même affaire, une des deux entités doit se déclarer incompétente. D’autre part, le principe du non-bis in idem établit qu’un différend ne doit être jugé qu’une seule fois[15]. En d’autres termes, le critère retenu par la Cour EDH afin de se prononcer sur la recevabilité d’une affaire est lié à la « soumission » concomitante ou postérieure d’une requête devant une autre instance internationale, qu’elle soit en cours d’examen –litispendance– ou qu’elle soit déjà jugée –non-bis in idem[16]. Pour le Comité, au contraire, le critère retenu réside dans la notion « en cours d’examen ». De ce fait, en suivant sa jurisprudence constante, il rappelle qu’en dehors de ce cas, et sauf formulation d’une réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5 par l’État partie –ce qui est le cas de nombreux États parties à la CEDH –[17], il dispose d’une grande liberté en la matière. Le Comité peut ainsi examiner une affaire déjà traitée ou tranchée par une autre instance internationale[18]. Il peut même aller encore plus loin en se déclarant compétent si une instance est saisie avant lui, mais qu’elle n’a pas encore examiné formellement l’affaire[19]. En l’espèce, le Comité souligne, d’une part, que la requête pour les mêmes faits déposée auprès de la Cour EDH de manière concomitante a été déclarée irrecevable le 24 octobre 2013. Dès lors l’affaire n’est plus en cours d’examen devant une autre instance (§ 6.1). D’autre part, il souligne que l’Estonie n’a pas formulé de réserve à l’article 5 § 2 a) au moment de sa ratification du Protocole facultatif qui empêcherait le Comité d’examiner une communication émanant d’un particulier, si la question était ou avait été examinée par une autre instance internationale. Le Comité conclut ainsi « que les dispositions dudit article sont sans préjudice de son examen de la présente communication » (§ 6.2).

B. L’incompétence ratione materiae surmontée

La compétence du Comité des droits de l’homme est limitée par les mêmes conditions que les autres organes de protection internationale des droits de l’homme. Il doit s’assurer que sa compétence ratione loci, ratione personae, ratione temporis et ratione materiae est bien établie.  Il s’agit de critères cumulatifs lors de l’établissement de sa compétence. Ainsi, en ce qui concerne la compétence ratione materiae, l’article 3 du Protocole facultatif prévoit que les communications qui sont incompatibles avec les dispositions du Pacte doivent être déclarées irrecevables. Ceci est le cas lorsque les griefs soulevés par les parties n’entrent pas dans le champ d’application du Pacte ou parce que le droit invoqué ne se trouve pas protégé par le Pacte. Le droit à la propriété est un excellent exemple pour illustrer les limites de la compétence rationae materiae. Absent du Pacte, il est régulièrement appréhendé sous l’angle du droit autonome à la non-discrimination protégé à l’article 26 du Pacte. Un élargissement justifié par le fait que cet article pose le principe de l’égalité de tous devant la loi d’une manière générale. En effet, la protection autonome de la non-discrimination englobe tous les droits reconnus et garantis par l’État partie à des particuliers, y compris des droits non garantis par le Pacte. Ainsi, dans son Observation générale nº 18 consacrée à la non-discrimination, le Comité a considéré que l’article 26 est un droit général et autonome, qui ne se limite pas aux droits énoncés par le Pacte[20], mais qui concerne « tout domaine réglementé et protégé par les pouvoirs publics »[21] et couvre ainsi, « tout domaine de vie publique »[22].

Ceci étant, le droit autonome à la non-discrimination a permis au Comité, dès 1992 dans l’affaire Alina Simvnlek, d’étendre sa compétence ratione materiae à l’égard du droit à la propriété. Il a ainsi accepté d’examiner les griefs liés à ce droit, lorsque « la confiscation d’une propriété privée ou le non-paiement d’une indemnisation (…) e[st] fondé sur une décision discriminatoire en violation l’article 26 du pacte »[23].  C’est d’ailleurs ainsi que le Comité a examiné de nombreuses affaires concernant les expropriations et/ou confiscations illégales commises sous les régimes communistes en Europe de l’Est, qui n’ont pas donné lieu à une indemnisation ou restitution à leurs auteurs pour des motifs discriminatoires[24]. En revanche, l’absence d’un critère discriminatoire dans une affaire relative à la propriété conduit à l’incompétence du Comité [25].

Par ailleurs – même si cela ne se rattache pas directement aux faits de l’espèce –le Comité fait preuve d’encore plus d’audace dans certaines affaires concernant le droit de propriété face à son éventuelle incompétence. Ainsi, en cas d’allégation inadéquate des auteurs, et compte tenu de la gravité des faits, le Comité peut soulever d’office une possible violation de l’article 26 du Pacte. Il requalifie d’office certaines demandes formulées par les auteurs afin de les rattacher à un article du Pacte et de les déclarer recevables. Tel a été le cas dans l’affaire Zelaya, Zelaya et Zelaya c. Nicaragua. En l’espèce, les auteurs avaient invoqué la violation de différents articles du Pacte, dont « la confiscation des biens discriminatoire » sous l’angle de l’article 17 de la Déclaration universelle de droits de l’homme qui consacre le droit à la propriété. Le Comité a indiqué d’office que « lorsqu’une confiscation ou une expropriation sont déterminées sur des bases discriminatoires [elles sont faites] en contravention avec l’article 26 du Pacte »[26].  Ceci marque son éventuel souhait d’une protection étendue des droits de l’homme. Même si dans cette affaire et compte tenu de l’insuffisance de preuve il ne s’était pas prononcé sur ce point[27].

Dans notre espèce, le Comité déclare irrecevable le grief des auteurs concernant leur droit à la restitution des biens en question de leur grand-mère, en rappelant fermement que « le droit à la propriété n’est pas, en tant que tel, protégé par le Pacte et qu’il est donc incompétent ratione materiae pour examiner les allégations de violation de ce droit » (§ 6.3). Toutefois, il accueille le grief invoqué par les auteurs sur une éventuelle discrimination que l’État a établi à l’encontre des citoyens estoniens qui avaient fui le pays à la suite de l’occupation soviétique et qui sont retournés après 1941 en demandant la restitution ou l’indemnisation de biens expropriés illégalement dans les années 1940 (§5.8). La discrimination est ici intimement liée à « l’indemnisation » perçue par les requérants sur les biens. En effet, l’article 17 § 5 de la Loi estonienne sur les principes de la réforme du régime des biens, prévoyait que « les personnes qui ont déjà reçu une indemnisation pour leurs biens ne peuvent avoir une attente légitime d’obtenir une restitution ou une indemnisation supplémentaire » (§4.6). En l’espèce, la grand-mère des réquerants avait reçu un paiement en Allemagne en vertu de la Loi sur la péréquation des charges (§5.10). Ce paiement est une aide sociale ayant pour but « de fournir une aide efficace [aux personnes contraintes de quitter leur foyer ou expulsées en raison de la Seconde Guerre mondiale] pour leur permettre d’assurer un niveau de vie minimum et à se réinsérer économiquement dans la société »[28].  En 2011, le Tribunal administratif jugeait que ce paiement ne pouvait pas être considéré comme une indemnisation pour la perte des biens (§2.3). Or, l’État considère que la Cour d’appel après un examen – qu’il a qualifié d’approfondi –, a conclu que les paiements faits par les autorités de la RFA étaient des indemnisations déterminées sur la base du bien (§4.13). La restitution et l’indemnisation de leurs biens sont de ce fait exclues. Une interprétation contestée par les requérants, car elle ne prend pas en compte le but des indemnisations de la RFA et conduit de ce fait « à une application délibérément fausse de cette loi » et à une différenciation de traitement entre les Estoniens de souche et ceux qui ont fui et se sont réinstallés après 1941 (§5.10).

II. Une volonté de protection revisitée : la difficile tâche posée par le Comité dans l’établissement de la discrimination fondée sur l’origine

Dans leurs observations, les auteurs de la communication affirment que la question essentielle que doit se poser le Comité est « de savoir si les autorités de l’État partie ont opéré une discrimination à l’encontre des personnes réinstallées en 1941 » (§ 5.8).  L’analyse livrée par le Comité en vue d’établir la recevabilité des allégations des auteurs, sur l’éventuelle discrimination basée sur leur origine nationale, ethnique ou sociale, s’avère particulièrement stricte. Il réduit son raisonnement d’abord, en éludant une éventuelle discrimination indirecte (A), puis en renforçant l’exigence de motivation des griefs dès le stade de la recevabilité (B).

A. Une discrimination indirecte éludée ? La question de l’interprétation des lois 

La jurisprudence du Comité a donné une place centrale à la discrimination directe, en en faisant un élément clé dans les affaires liées au droit à la propriété.  Ainsi, il tend à protéger toute rupture directe d’égalité causée par la différenciation d’un traitement qui n’est ni objectivement ni raisonnablement justifié. C’est le cas lorsque les lois prévues pour la restitution ou l’indemnisation des biens exigeaient de la part des victimes le respect de conditions de nationalité ou de résidence ; les communications Simunek et Adam en sont un exemple clé. Or, ce traitement particulièrement strict d’une discrimination de jure ou directe tend à négliger les discriminations de facto ou indirectes et par conséquent à restreindre la protection des victimes des violations en lien avec le droit à la propriété.

L’éventuelle discrimination soulevée par les auteurs s’apparente davantage à une discrimination indirecte.  C’est-à-dire une discrimination détachée de l’intention du législateur, ce sont donc les conséquences de la législation adoptée qui deviennent déterminantes[29]. En l’espèce, bien que la loi estonienne sur les principes de la réforme du régime des biens n’apparaisse pas de prime abord comme discriminatoire, ce sont ses effets qui peuvent faire apparaître une discrimination. La loi estonienne établit dans son article 17 §5 que « les personnes qui ont déjà reçu une indemnisation pour leurs biens ne peuvent avoir une attente légitime d’obtenir une restitution ou une indemnisation supplémentaire » (§4.6). Ceci étant, comme le Comité le souligne en reprenant l’argument de l’État, « le seul critère imposé par cette loi est de savoir si le bien en question a déjà été restitué ou si une indemnisation a déjà été versée pour celui-ci » (§ 6.10). La question qui se pose est donc de savoir si le paiement dont la grand-mère des requérants avait bénéficié en RFA en vertu de la loi sur la péréquation des charges constitue une indemnisation versée pour le bien en question. Les requérants présentent plusieurs observations sur le sens de la loi de la RFA. Ils s’appuient tout d’abord sur les avis du ministre des Finances qui remet en question de manière générale la pratique et l’interprétation par l’État estonien de la loi de la RFA de péréquation des charges (§3.2). Ils relèvent en outre qu’un traité convenu entre les gouvernements de l’Union soviétique et le gouvernement du Reich allemand prévoit que les personnes ayant quitté le pays en 1940-1941 bénéficieraient d’une compensation pour leurs propriétés abandonnées (§3.5). Ce traité nazi-soviétique a été annulé en 1989. Les requérants soulignent que, « la Cour d’appel n’a pas pris en considération cette décision et n’a pas voulu en examiner les conséquences pour les personnes réinstallées et le gouvernement de l’État partie » (§ 3.5). Ils font également valoir l’absence de consultation d’un expert sur cette loi afin d’évaluer leur contenu et les montants de compensation du bien (§3.4). Les requérants affirment que ledit paiement était un paiement social, tel que l’Allemagne le prévoit dans le texte de la loi[30]. En effet, les paiements reçus en vertu de la loi allemande étaient en moyenne de 6,33% de la valeur de la propriété (§3.3). Ainsi, si les paiements reçus en vertu de la loi de la RFA sont considérés comme une indemnisation par l’Estonie, ils sont disproportionnés (§3.4). Ensuite, les auteurs reprennent les décisions internes sur le litige, qui font ressortir une « application arbitraire de la législation » à leur détriment. Ils évoquent que malgré la déclaration d’inconstitutionnalité de la décision de 1999, prononcée par la Cour Suprême de Tallin en 2002, la Commission ne leur a pas restitué leurs biens (§2.2). Ils ont mis en avant également la décision du Tribunal de Tallin qui avait décidé en 2011 que ce paiement ne pouvait pas être considéré comme une indemnisation pour la perte des biens (§2.3). La discrimination avait comme point de départ la distinction créée par la loi estonienne entre les Estoniens qui sont restés dans le pays et qui ont pu bénéficier de l’indemnisation ou la restitution et les personnes d’origine germano-balte qui ont fui l’Estonie après l’occupation soviétique et ont bénéficié des paiements allemands d’assistance sociale et sont donc exclus du processus de réparation estonien. Les auteurs soulignent que dans « presque tous les cas de demandes [de restitution ou indemnisation de biens], c’est-à-dire dans plus de 30 cas, les autorités estoniennes [avaient] invoqué la preuve d’une indemnisation en vertu de la Loi allemande de la RFA » (§5.9).

Le Comité, au vu de sa jurisprudence, aurait dû alors se pencher sur les conséquences desdites législations sur la situation des requérants, afin d’évaluer l’éventuelle existence d’une discrimination directe ou indirecte[31]. Dans cet ordre d’idées, la vérification du but poursuivi par la loi allemande et la prise en compte de ce but par l’Estonie revêtait une grande importance afin d’établir si la différenciation pouvait se justifier. Le Comité, avait déjà opéré par le passé un tel contrôle entre les dispositions de différentes lois, dans l’affaire Somers c. Hongrie afin d’établir si l’application de ces lois à l’auteur et à sa mère avait « entraîné une violation de leur droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi »[32]. Dans cette affaire, le Comité avait établi que ce n’était pas la « confiscation elle-même [qui est] en cause, mais plutôt l’effet discriminatoire présumé de la loi d’indemnisation sur l’auteur et sa mère ». En d’autres termes, « la seule question en cause est celle de savoir si l’octroi d’une indemnisation qui n’était pas intégrale pour la perte d’un bien appartenant à l’auteur, en vertu de la loi XXV de 1991, est contraire à l’article 26 du Pacte » [33]. Ainsi, bien qu’il souligne que « le corollaire du fait que le Pacte ne protège pas le droit à la propriété est qu’il n’existe pas, en tant que tel, de droit à la restitution de biens (expropriés ou nationalisés) »[34], il établit que l’indemnisation doit répondre aux conditions d’égalité. D’où l’utilité d’analyser l’application des lois. Certes, les faits divergent puisque dans cette affaire les deux lois en question concernaient le même État. Mais le Comité aurait pu suivre le même raisonnement avec les deux lois de l’espèce –la loi de la RFA et la loi estonienne– afin d’analyser l’effet discriminatoire indirecte de la loi d’indemnisation estonienne, vis-à-vis du contexte des expropriations : la Seconde Guerre mondiale – qui a été également ignoré. Autrement dit, il aurait pu se pencher sur les effets de cette loi, afin d’évaluer si l’indemnisation accordée en vertu de la loi de la RFA était véritablement un élément objectif et raisonnable de distinction.

Le Comité semble toutefois, rejoindre les arguments de l’État qui invoque son pouvoir discrétionnaire pour déterminer les conditions de restitution ou d’indemnisation des biens expropriés illégalement (§4.6). Le Comité confirme d’abord le rôle principal de l’État pour « examiner les faits, les preuves ou l’application de la législation nationale dans un cas particulier » (§6.9). Il souligne ensuite qu’il ne dispose que d’un rôle subsidiaire « s’il peut être établi que l’évaluation des preuves ou l’application de la législation a été clairement arbitraire ou constitué une erreur manifeste ou un déni de justice ou que le tribunal a par ailleurs violé son obligation d’indépendance et d’impartialité » (§6.9). Or, pour le Comité, malgré les arguments et preuves avancés par les parties, le caractère arbitraire de l’application de législation interne n’était pas établi.

B. L’enchevêtrement entre la recevabilité et le bien-fondé de la communication : Une exigence de motivation renforcée des griefs prématurée  

L’examen de recevabilité de la requête devant le Comité suit une procédure contingente qui n’est pas exempte de critiques. En effet, si le Comité suit en principe une « pratique habituelle »[35] édictée par des soucis de célérité, en vertu de laquelle il examine simultanément la recevabilité et le fond, il se peut que « dans certains cas »[36] la recevabilité soit examinée en premier lieu et le fond ensuite lorsque le Comité déclare la communication recevable. Dans ce dernier cas, le Comité base son examen sur les arguments soulevés par les États « afin d’épargner des efforts inutiles [à ce dernier] et aux requérants »[37]. Or, la pratique habituelle du Comité exige une analyse conjointe qui tel que le professeur Jean Dhommeaux l’affirme « n’est pas toujours facile à opérer » [38]. En effet, ceci peut conduire à deux phénomènes peu désirables. D’une part, cela peut conduire le Comité à déclarer la recevabilité des communications en fonction des éléments du fond[39]. Ou d’autre part, et tel est le cas de l’espèce à traiter la recevabilité de la communication sur la base d’éléments relevant du fond. Ceci ajoute une difficulté supplémentaire pour les requérants qui cherchent à faire valoir le droit à la propriété sous l’angle d’une discrimination.  En l’espèce, le Comité confirme sa pratique habituelle. Après avoir rejeté le 3 février 2016 la demande faite par l’Estonie d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond (§ 1.2), il procède à une analyse concomitante de la recevabilité et du fond de l’affaire. Le raisonnement suivi par le Comité dans cette analyse témoigne de la complexité –antérieurement mentionnée– entre la distinction de la recevabilité et du fond, une complexité d’ailleurs plus marquée dans les violations liées au droit autonome à la non-discrimination.

Dans son analyse, le Comité établit que la communication « n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité ». Il le fait d’abord concernant l’article 26 du Pacte, en précisant que « les auteurs n’ont pas démontré que la législation nationale applicable, c’est-à-dire l’article 17 §5, de la Loi [Estonienne], fait une quelconque distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur des motifs tels que la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » (§6.10). Or, cette demande de motivation des griefs à ce stade semble prématurée. Puisque l’objectif de la motivation lors de la recevabilité est d’apporter tous les éléments de preuve dont l’auteur dispose, afin de démontrer ses prétentions et non –comme le demande le Comité– de prouver la violation dont il s’estime victime. En effet, lors de la recevabilité, le Comité doit apprécier que les auteurs ne se soient pas contentés de déclarer de façon énumérative l’origine et les éventuelles violations et donc qu’ils formulent des éléments pour étayer leur plainte. En l’espèce, les auteurs ont présenté des éléments détaillés de leurs prétentions en incluant des documents, des déclarations, des décisions de justice et d’autres éléments concernant leur effort pour obtenir une indemnisation ou restitution de leurs biens, notamment sur la divergence quant à l’interprétation de la loi et de la notion « d’indemnisation », qui les plaçait –selon eux– dans une situation différente des Estoniens de souche qui n’ont pas fui l’Estonie et n’ont donc pas bénéficié des aides de la RFA.

Ceci étant, deux séries de remarques doivent être, en ce sens, formulées. D’une part, l’analyse menée par le Comité témoigne de la difficulté de séparer le fond de la recevabilité. En effet, malgré le fait –tel que le souligne le Comité– que « l’État partie n’a pas contesté l’affirmation des auteurs selon laquelle la question de la discrimination a effectivement été soulevée au cours de la procédure de restitution du bien » (§ 6.8). De même, le contexte bien connu par le Comité des expropriations illégales commises pendant la Seconde Guerre mondiale –qui sont loin de constituer des actes isolés-, aurait pu jouer également en faveur des victimes, au moins en ce qui concerne la recevabilité de la communication. Le Comité procède à l’irrecevabilité de la communication pour des questions liées au fond.

Ceci dit, le Comité semble, d’autre part, aller dans une logique qui renforce la demande de motivation des allégations des requérants, aux fins de recevabilité. Ceci est problématique, car la recevabilité est basée sur des éléments relevant du fond. Les requérants auraient dû se pencher davantage dans les preuves de leur prétention. En faisant une démonstration plus importante sur la différence de traitements créée par la loi et l’éventuelle absence du caractère objectif et raisonnable. Notamment, sur le contexte de la Seconde Guerre mondiale, les discriminations en raison de leur origine germano-balte, ainsi que sur la spécificité des biens en question. En effet, il y a de grandes controverses sur la légalité des restitutions et indemnisations des biens de Tallin aux rapatriés, car les biens sont estimés à des « centaines de millions de couronnes »[40]. Ainsi, que sur la pratique d’autres pays « où la restitution a été accordée indépendamment des paiements effectués en vertu de la loi sur la péréquation des charges » (§ 5.2). La question sur le traité avec le gouvernement du Reich allemand[41]a été évacuée très rapidement également, le Comité ne se prononce point sur cette question. Toutefois, l’examen de la communication apparaît guidé par les observations de l’État, qui suivent une stratégie prosaïque pour contester la recevabilité. À titre d’exemple, l’État souligne dans ses observations que les « déclarations [des requérants] sur l’impopularité de la restitution aux Allemands baltes sont arbitraires et fausses. Il est encore plus arbitraire de laisser entendre que les tribunaux estoniens sont régis par la prétendue popularité ou impopularité de certains groupes ethniques. L’article 17 §5 de la loi sur les principes de la réforme de la propriété s’applique à toutes personnes sans distinction de nationalité, d’origine ethnique ou tout autre motif. Le seul critère est de savoir si le bien a été restitué ou si une indemnisation a été versée » (§4.16). Ou encore que le Comité ne devrait pas déclarer la communication recevable, car « aucun des griefs des auteurs au titre des articles 14 et 26 du Pacte n’était étayé par des faits ou des preuves » (§4.12). Ceci est retenu par le Comité qui souligne que les requérants « n’ont cité aucune jurisprudence (…) qui démontre une application différente de cet instrument sur la base de la nationalité » (§ 6.10). Une démarche de la part de l’État qui est certes logique, mais qui a fortement écarté le débat de la question centrale : la restitution de biens des personnes réinstallées après 1941 en Estonie.

Si l’article 26 est un outil indispensable pour assurer l’égalité de traitement d’un droit non couvert par le Pacte –comme le droit à l’indemnisation ou à la restitution de biens–, le raisonnement suivi par le Comité est moins salutaire, car il traite ces communications dans une « incohérence totale »[42], ceci avec des effets négatifs pour les victimes. Comme les membres du Comité, Mme. Medina et M. Klein, l’ont soulevé dans leur opinion individuelle dissidente dans l’affaire Malik c. République tchèque, « en excluant la législation sur la réhabilitation, les personnes dont les biens ont été confisqués pour des raisons ethniques, les gouvernements de la Slovaquie et de la République tchèque ont approuvé la discrimination perpétrée à l’encontre des Allemands après la Deuxième Guerre mondiale »[43].

Il reste à souligner que le raisonnement de plus en plus rigide du Comité sur les cas d’expropriations illégales sous la Deuxième Guerre mondiale n’est pas isolé dans le droit international. L’analyse de cette constatation semble, en effet, rejoindre le constat d’une pratique jurisprudentielle restrictive de la Cour EDH en matière d’expropriation illégale commise pendant la Seconde Guerre mondiale qui découle de son arrêt Preussische Treuhand gmbh & Co. Kg a.a c. Pologne, où la Cour EDH a établi que les violations du droit de propriété commises pendant cette période n’avaient pas un caractère continu[44]. Cela met fin au caractère permanent des violations relatives au droit de la propriété, et par conséquent à l’extension de la compétence ratione temporis de la Cour pour des faits qui ont débuté avant l’entrée en vigueur de la Convention, mais qui se poursuivent après cette date[45]. Ceci inclut également les affaires concernant l’absence d’indemnisation des biens nationalisés[46]. D’autre part, dans son arrêt Preussisch, la Cour a souligné « que l’article 1er du protocole 1 n’emporte pas l’obligation pour un État partie, de restituer toutes les propriétés transférées à son profit antérieurement à la ratification de ce protocole ni celle d’indemniser les anciens propriétaires »[47]. Les droits des victimes d’expropriations illégales commises pendant la Seconde Guerre mondiale s’inscrivent ainsi dans une régression constante. La jurisprudence internationale paraît concertée dans un consensus implicite qui démontre aux auteurs que le temps de contestations est révolu. Tel que le Pr Müllerson le signale « Il est clair que la restitutio ad integrum après plus de cinquante ans est plus souvent une fiction juridique qu’une option réaliste »[48]. Soixante-quinze ans après, le bilan semble être le même, malgré le passage du temps les droits de victimes illégalement expropriés sont loin – peut être trop loin – de progresser.

[1] Les différentes dispositions internationales établissent toujours des exceptions à ce droit, spécialement pour des cas de nécessité, d’utilité publique ou encore pour des mesures d’intérêt général et en contrepartie d’une juste indemnité, afin de réparer le préjudice subi par le propriétaire. Ainsi, l’article 1 du Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’Homme établit dans son alinéa 2 que « [l]es dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ». La Convention interaméricaine des droits de l’Homme prévoit à l’alinéa 2 de l’article 21 que « nul ne peut être privé de ses biens, sauf paiement d’une juste indemnité pour des raisons d’intérêt public ou d’intérêt social et dans les cas et selon les formes prévues par la loi ». De même la Charte Africaine de droits de l’Homme établi dans son article 14 que « le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que par nécessité publique ou dans l’intérêt général de la collectivité, ce, conformément aux dispositions des lois appropriées ».

[2] Au 13 mars 2020, la communication du Comité des droits de l’homme ne dispose pas d’une version officielle en français. Les traductions de termes et des extraits de la constatation sont donc issus d’une traduction personnelle de la version espagnole en  français.

[3] Dès le rappel des faits présentés par les auteurs, le Comité souligne certaines contradictions dans les dates. En effet, les auteurs, dans leurs observations du 20 mars 2015, ont soutenu que leur grand-mère avait débuté la procédure de restitution en 1992, ce qui a été confirmé par les observations de l’État, ce dernier ajoutant que les biens ont été rendus en 1996, et non en 1992.

[4] Loi fédérale, adopté par la République fédérale d’Allemagne le 14 août 1952, entrée en vigueur le 1er septembre 1952. Voir, Journal officiel fédéral Partie I1952 n° 34 du 18.08.1952Loi sur la péréquation des charges (Lastenausgleichsgesetz-LAG), disponible sur : https://www.bgbl.de/xaver/bgbl/start.xav?startbk=Bundesanzeiger_BGBl&jumpTo=bgbl152s0446.pdf#__bgbl__%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27bgbl152s0446.pdf%27%5D__1604306232271, consulté le 23 avril 2020, p. 9.

[5] À titre d’exemple : Comité des droits de l’homme, Blasek, Harman et Krisek c. République Tchèque, 12 juillet 2001, communication nº 857/1999, § 5.8 ; Comité des droits de l’homme, Marik c. République Tchèque, 26 juillet 2005, communication nº 945/2000, § 6.4 ; Comité des droits de l’homme, Zdenedek et Ondracka c. République Tchèque, 31 octobre 2007, communication nº 1533/2006, §7.3 ; Comité des droits de l’Homme, Chytil c. République Tchèque, 24 juillet 2007, communication nº 1452/2006 ; Comité des droits de l’homme, Grazinger c. République Tchèque, 25 octobre 2007, communication nº 1463/2006 § 7.5 ; Comité des droits de l’homme, Süsser c. République Tchèque, 25 mars 2008, communication nº 1488/2006 § 7.5.

[6] À titre d’exemple : Comité des droits de l’homme, Adam c. République Tchèque, 23 juillet 1996, communication nº 586/1994 § 12.6; Comité des droits de l’homme, Blasek c. République Tchèque, 12 juillet 2001, communication nº 857/1999 ; Comité des droits de l’homme, Brokova c. République Tchèque, 23 décembre 1996, communication n° 774/1997.

[7] À titre d’exemple : Comité des droits de l’Homme, Derksen c. Pays Bas, 1 avril 2004, communication nº 976/2001. Comité des droits de l’Homme, Godfried and Pohl c. Austrie, 9 juillet 2004, communication nº 1160/2003.

[8] Voir Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (OHCHR), « Fiche d’information sur les droits de l’homme nº 7 : procédures d’examen des requêtes », disponible sur : https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet7Rev.2_fr.pdf, consulté le 23 avril 2020, p. 9.

[9] L’article 57 de la Convention prévoit la possibilité pour les États de formuler des réserves sur une « disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur territoire n’est pas conforme à cette disposition ». Il est toutefois rappelé que « les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présente article ».

[10] L’Estonie a émis sa réserve à l’article 1 du Protocole 1 le 16 avril 1996 (§ 5.3).

[11]  Voir Conseil de l’Europe, Reservations and Declarations for Treaty No. 009 – Protocol to the Convention for the Protection of Humans Rights and Fundamental Freedoms, disponible sur : https://www.coe.int/en/web/conventions/search-on-treaties/-/conventions/treaty/009/declarations?p_auth=05OZFKvU, consulté le 10 septembre 2020, Estonia.

[12] Idem..

[13] Comité des droits de l’homme, Shestjorkin c. Estonie, 15 juin 2000, communication nº 49450/99.

[14]  Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 35§2 prévoit que « toute requête ayant trait à une question qu’il a déjà examinée ou qui a déjà fait l’objet ou qui fait l’objet d’un examen dans le cadre d’une procédure d’enquête ou de règlement international ».

[15] En ce sens, Puéchavy Michel, Le principe ne bis in idem, Anthemis, collection : Droit & Justice, 2012.

[16] En ce sens, Flauss Jean-François et Touzé Sébastien  (dir), Contentieux international des droits de l’homme et choix du forum : les instances internationales face au forum shopping, Bruxelles, Bruylant, 2012, 140 p.

[17] La plupart des États européens lors de leur ratification du Protocole facultatif ont émis une réserve conformément aux dispositions de l’article 5, §2. A titre d’exemple on peut citer : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, l’Irlande, la et France. Pour plus de détails voir, la liste de pays ayant ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques New York, 16 décembre 1966 disponible sur : https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-5&chapter=4&lang=fr, consulté le 23 avril 2020. Ainsi, « le Comité des droits de l’homme (…) n’examinera aucune communication émanant d’un particulier sans s’être assuré que la même question n’a pas déjà été examinée par la commission européenne des droits des droits de l’homme établie en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Voir Comité des droits de l’homme, Mümtaz Karakurt c. Autriche, 4 avril 2002, communication nº965/2000, §2.

[18] Comité des droits de l’homme, Frans Verlinden c. Pays-Bas, 8 novembre 2006, communication nº1187/2003, §7.2.

[19] Comité des droits de l’homme, Darwish c. Autriche, 28 juillet 1997, communication nº679/1996.

[20] Au même titre que l’article 2 du Pacte, qui établit « les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et révélant de leur compétences les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».

[21] Comité des droits de l’Homme, Observation générale nº18, concernant le droit à la non-discrimination (Article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.1 § 12).

[22] Idem., § 6.

[23] Comité des droits de l’homme, Alina Simvnlek et autres c République Tchèque, 19 juillet 1995 communication nº 516/1992, § 11.3

[24] À titre d’exemple : Comité des droits de l’homme, Alina Simvnlek et autres c République Tchèque, 19 juillet 1995 communication nº516/1992 ; Comité des droits de l’homme, Mazurkiewiczova c. République Tchèque, 30 juillet 1999, communication nº 724/1996, § 6.2 ; Comité des droits de l’homme, Blasek, Harman et Krisek c. République Tchèque, 12 juillet 2001, communication nº. 857/1999, §5.8 ; Comité des droits de l’homme, Marik c. République Tchèque, 26 juillet 2005, communication nº. 945/2000, § 6.4 ; Comité des droits de l’Homme, Zdenedek et Ondracka c. République Tchèque, 31 octobre 2007, communication nº. 1533/2006, §7.3 Comité des droits de l’homme, Blasek, Harman et Krisek c. République Tchèque, 12 juillet 2001, communication nº. 857/1999, § 5.8 ; Comité des droits de l’homme, Marik c. République Tchèque, 26 juillet 2005, communication nº. 945/2000, § 6.4 ; Comité des droits de l’homme, Zdenedek et Ondracka c. République Tchèque, 31 octobre 2007, communication nº. 1533/2006, § 7.3.

[25] Le Comité a déclaré irrecevable des affaires portant « essentiellement sur une violation alléguée d’[un] droit à la propriété » en dehors de tout critère discrétionnaire, voir Comité des droits de l’homme, K.J.L c Finlande, 3 novembre 1993, communication nº544/1993, §4.2 ; Comité des droits de l’homme, Jarmila Mazurkiewiczova c la République Tchèque, 26 juillet 1999, communication nº724/1996, §6.2.

[26] Comité des droits de l’Homme, Zelaya, Zelaya et Zelaya c. Nicaragua, 20 juillet 1994, Communication nº 328/1988, §10.1.

[27] Idem., « (…) L’auteur a déclaré que ses biens lui avaient été confisqués pour la simple raison qu’il appartenait à une catégorie de personnes dont les vues politiques étaient contraires à celles du gouvernement sandiniste, et d’une manière qui pouvait être qualifiée de discriminatoire. Toutefois, le Comité n’a pas suffisamment d’éléments à sa disposition pour être en mesure de se prononcer sur ce point ».

[28] Voir, Office Fédéral des services centraux et des questions immobilières non résolues de l’Allemagne, histoire de la Loi sur la Péréquation des charges, disponible sur : https://www.badv.bund.de/EN/EqualisationOfBurdens/HistoryOfTheEqualisationOfBurdens/start.html, consulté le 20 septembre 2020.

[29] Comité des droits de l’homme, Adam c. République Tchèque, 23 juillet 1996, communication nº 586/1994 § 12.6. L’État partie soutient qu’il n’y a pas de violation du Pacte parce que les législateurs tchèque et slovaque n’avaient aucune intention discriminatoire au moment de l’adoption de la loi 87/199. Le Comité souligne que quelle que soit la motivation ou l’intention du législateur, une loi peut toujours contrevenir à l’article 26 du Pacte si ses effets sont discriminatoires.

[30] Voir note 27.

[31] De Schutter Olivier, « Commentaire of Article 26 (Non-discrimination) of the International Covenant on Civil and Political Rights in E. Decaux (dir.), Commentaire article par article du Pacte international relative aux droits civils et politiques, Paris, Economica, 2010, pp.570-575

[32] Comité des droits de l’Homme, Somers c. Hongrie, 23 juillet 1996, Communication nº566/1993, §9.3.

[33] Idem. §9.4.

[34] Idem., §9.6.

[35] Voir Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (OHCHR), « Fiche d’information sur les droits de l’homme nº 7 : procédures d’examen des requêtes », 2003 disponible sur : https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet7Rev.1fr.pdf, le 23 avril 2020, p.15. La pratique qualifiée « d’habituelle » dans la fiche d’information de 2003, lors de la modification de 2013 devient « règle générale ». Voir note 7, p.10.

[36] Voir « Fiche d’information (…) » 2013, note 7, p. 10 : « Dans certains cas, toutefois, le comité décide d’examiner en primer lieu la recevabilité. L’État partie n’est alors invité à formuler des observations sur le fond que si le comité déclare la communication recevable. Dans tous les cas, le requérant a la possibilité de faire des commentaires les observations de l’État partie sur le fond ».

[37] Voir note 35, p.15.

[38] Dhommeaux Jean, « Jurisprudence du Comité des droits de l’homme des Nations Unies (novembre 1996-novembre 1998) », Annuaire française de droit international, volume 44, 1998, pp- 613-636.

[39] Idem.

[40] Tanel Kerikmäe « The Achilles Heel of Estonia’s Ownership Reform: The Case of Emigrants », European Journal of Law Reform, 2018, Vol. VI, nº 1/2, p. 266.

[41] Voir Partie II- A. Une discrimination indirecte éludée ? La question de l’interprétation des lois

[42] Palacios Zuluaga, Patricia, La no discriminación. Estudio de la Jurisprudencia del Comité de Derechos humanos sobre la Cláusula Autónoma de No Discriminación, éditions LOM, Santiago, 2006, pp. 168- 171. Après une analyse de six premières affaires introduites en matière d’expropriation invoquant des violations de l’article 26 (affaire Drobek c. Slovaquie, Malik c. République tchèque de 2007, Schlosser c. République tchèque de 1998 et Fábryová c. République tchèque, Brok et Brokova c. République tchèque de 2001 et Pezoldova c. République tchèque) l’auteur conclue que « l’incohérence totale [de traitement entre six cas] ne peut être négligée. Dans tous les cas, il s’agissait de personnes dont les biens avaient été confisqués avant le régime communiste ; dans tous les cas, il s’agissait du refus des tribunaux d’appliquer la loi de réhabilitation pertinente aux auteurs ; dans tous les cas, les auteurs se sont vu refuser la restitution alors que d’autres l’ont obtenue. Cependant, le Comité a traité les six cas de manière totalement différente ».

[43] Comité des droits de l’Homme, Malik c. République Tchèque, 21 octobre 1998, Communication nº 669/1995, p. 8.

[44] Cour EDH, Preussische Treuhand gmbh & Co. Kg a.a c. Pologne, décision du 7 octobre 2008, req. nº47550/06. De même la Cour affirme dans cet arrêt, que les dépossessions postérieures à 1945 en vertu d’un régime antérieur « constituent un acte instantané et ne crée pas une situation continue de « privation d’un droit »  §57.

[45] Cour EDH, Loizidou c. Turquie, décision du 18 décembre 1996, req. nº15318/89, §46-47.

[46] Cour EDH, Almeida Garret, Mascarenhas Falcão et autres c. Portugal,  décision du 10 avril 2002 , req. nº29813/96 et 30229/96, §43.

[47] Cour EDH, Preussische Treuhand gmbh & Co. Kg a.a c. Pologne, précité note 57, §64.

[48] Rein Mullerson, « The continuity and succession of States, by reference to the former USSR and Yugoslavia », The international comparative Law Quartely, 1993, Vol. 42, Nº 3, pp. 473-493.