N. 21 - 2023

Du droit à la protection de la santé à celle d’ « une seule santé » ? Les leviers de l’approche One Health en droit du Conseil de l’Europe

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Basée sur le constat de l’interdépendance de la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, l’approche One Health vise à équilibrer et optimiser durablement les trois composantes de cette santé unique ou « Une seule santé »[1]. Cette interdépendance a récemment été illustrée par la pandémie de Covid-19 : la diminution de la biodiversité, due au réchauffement climatique et aux diverses pollutions liées à l’activité humaine, favorise la recrudescence chez les espèces animales restantes d’agents pathogènes qui, au lieu d’être dilués par une forte biodiversité, continuent de circuler au sein d’une même espèce, mutent, puis traversent cette barrière inter-espèce pour créer une zoonose en se transmettant à l’homme[2].

Par le constat scientifique de cette interdépendance, l’approche One Health appelle au développement de méthodes opérationnelles mobilisant « de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société »[3]. En témoignent les nombreux plans d’action relatifs à la résistance aux antibiotiques au niveau mondial[4] comme régional[5] : il s’agit par exemple de réduire l’usage d’antibiotiques chez l’animal pour éviter que les bactéries résistantes ne se transmettent à l’homme qui le consomme, ou encore d’encadrer la gestion des déchets afin de limiter la contamination des sols et des eaux par des résidus chimiques d’antibiotiques ou de bactéries déjà résistantes.

Depuis la pandémie de Covid-19, l’appétence nouvelle pour cette approche « One Health » est décelable jusque dans les institutions internationales et européennes. La Direction Générale de la Santé de la Commission européenne s’est dotée d’une direction spécifiquement dédiée à One Health à la suite de sa restructuration en octobre 2022[6]. De même, une alliance tripartite créée en 2010[7] entre l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l’OIE (Office international des épizooties désormais Organisation Mondiale de la Santé animale) et la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) s’est étendue davantage en 2021 pour intégrer le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) et ainsi former l’Alliance Quadripartite[8]. Cette dernière travaille à l’intersection de la santé humaine, animale et environnementale notamment par le biais des activités de son groupe d’experts nouvellement fondé, le One Health High-Level Expert Panel (OHHLEP).

Bien que plus discret, le Conseil de l’Europe n’est pas indifférent à la notion qui commence à faire son apparition dans certains instruments. L’Assemblée parlementaire s’en est saisie à plusieurs reprises dans des résolutions invitant les États membres du Conseil de l’Europe à prendre en compte l’approche One Health en matière de préparation et réaction aux pandémies[9], en particulier dans le cadre des négociations internationales en cours à l’OMS[10]. En outre, d’autres organes comme la Commissaire aux droits de l’homme ou le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ont aussi, après la pandémie, défendu l’idée d’intégrer l’approche One Health dans l’élaboration des politiques sociales et de santé[11] ou dans le domaine de l’environnement[12]. Toutefois, tous ces instruments restent des textes à caractère non contraignant, voire non normatif.

L’approche One Health n’est-elle donc qu’un outil de policy, qu’une méthode opérationnelle à mobiliser dans les politiques de santé publique ? Ou bien recèle-t-elle le potentiel d’être déployée en un véritable concept prescriptif qui créerait des normes de comportement visant à minimiser les risques sanitaires à l’interface entre l’humain, l’animal et l’environnement[13] ? L’objectif de cette contribution sera justement d’examiner cette seconde hypothèse. Quels leviers du droit européen des droits de l’homme peuvent être mobilisés au soutien de l’approche One Health ? Nous proposons pour cela d’étudier l’ensemble de l’appareil normatif du Conseil de l’Europe : la Convention européenne des droits de l’homme[14] telle qu’interprétée par la Cour, la Charte sociale révisée[15] telle qu’interprétée par le Comité européen des droits sociaux ou encore les traités spécifiques dans les domaines de l’environnement, de la santé ou de la protection des animaux. Si la dimension holistique de l’approche One Health promeut l’équilibre entre santés humaine, animale et environnementale, nous en conserverons une perspective anthropocentrée. L’équilibre visé dans l’approche One Health est un équilibre de la santé et non nécessairement un équilibre de statut juridique. Il ne sera donc pas question d’analyser la possibilité d’accorder des droits aux animaux[16] ni de discuter la pertinence d’une approche écocentrée des droits de l’homme visant à conférer à la nature une personnalité juridique[17]. En effet, la question qui se pose ici est celle de savoir si utiliser l’outil des droits de l’homme afin de protéger les animaux ou l’environnement, non pas en eux-mêmes mais pour la valeur qu’ils représentent pour la santé et l’existence humaine, peut permettre d’imposer des normes au soutien de l’objectif One Health, celui d’équilibrer et optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.

Ainsi, l’approche One Health invite à reconnaître qu’un environnement sain sera favorable à la santé animale ou encore qu’une bonne santé animale favorisera le maintien d’une bonne santé humaine. Inversement, elle invite donc aussi à reconnaître que des dommages causés, par exemple à l’environnement ou aux animaux, puissent avoir un impact sur la santé humaine. Un des rôles possibles du droit découlant d’une appréhension juridique de l’approche One Health consisterait donc à réagir à ces dommages ou atteintes afin de les faire cesser voire de les réparer. Il consisterait donc non seulement à protéger la santé humaine en elle-même, mais aussi à la protéger d’éventuelles atteintes provenant de l’environnement ou des animaux (I). Surtout, et c’est un apport important d’une appréhension juridique de One Health, le rôle du droit consisterait à anticiper ces atteintes, à prévenir ces dommages plutôt que de les réparer, et donc à promouvoir la santé animale et la protection de l’environnement dans le but proactif d’améliorer la santé humaine (II). Ce sont ces deux rôles potentiels que nous nous proposons n’analyser ici dans le droit européen des droits de l’homme.

I. La protection de la santé humaine contre les atteintes issues de l’environnement et des animaux

Si la Convention européenne des droits de l’homme ne protège pas explicitement de droit à la santé, il est indéniable que le Conseil de l’Europe, ses instruments et ses organes, œuvrent depuis le début à la protection de la santé humaine (A), y compris, et sans attendre l’appétence récente pour la notion One Health, en protégeant cette santé humaine contre les atteintes issues des animaux ou de l’environnement (B).

A. La protection de la santé humaine dans le droit du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe a très tôt investi le secteur de la santé dans ses activités de coopération grâce à la création d’un Comité d’experts dans le domaine de la santé publique[18]. Aujourd’hui, cette coopération prend diverses formes, notamment celle des activités, à dominante scientifique, de la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé ou de celles, cette fois politiques, du Comité de Bioéthique, devenu en janvier 2022 Comité directeur pour les droits de l’homme dans les domaines de la biomédecine et de la santé (CDBIO). Ce dernier est chargé des travaux relatifs à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine[19]. L’instrument n’est pas doté d’un mécanisme de suivi propre, il ne fait pas l’objet d’une « jurisprudence » spécifique, mais il pourra servir le cas échéant dans l’interprétation et l’application du droit à la santé. Ainsi, il existe deux dimensions principales de la protection de la santé dans le droit du Conseil de l’Europe : celle, pourtant non explicitement consacrée dans le texte, issue de l’interprétation dynamique par les juges de Strasbourg de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, la « Conv. EDH ») (1) et celle de la Charte sociale européenne qui à l’inverse consacre explicitement le droit à la protection de la santé (2).

1. La protection de la santé dans la jurisprudence de la Cour EDH

Pour commencer, si la protection de la santé n’est pas un droit consacré par la Conv. EDH, plusieurs articles la consacrent à l’inverse comme le fondement d’une ingérence possible dans les droits garantis, tant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle est nécessaire. C’est le cas par exemple de l’article 8 relatif au droit au respect de la vie privée et familiale qui, dans son alinéa 2, prévoit cette possible ingérence par l’autorité publique si elle est prévue par la loi et si elle est nécessaire à la protection de la santé. C’est aussi le cas de l’article 9 relatif à la liberté de pensée, de l’article 10 relatif à la liberté d’expression et de l’article 11 relatif à la liberté de réunion ou d’association. Tous citent explicitement la santé comme possible motif d’ingérence. D’autres utilisent des formules plus globales qui peuvent potentiellement inclure la santé publique sans qu’elle ne soit pour autant explicitement mentionnée. C’est le cas du Premier Protocole additionnel à la Conv. EDH, qui, dans son article 1 relatif à la protection de la propriété, précise que les États peuvent déroger à cette protection dans des conditions similaires que précédemment exposé lorsque c’est conforme « à l’intérêt général ». À titre d’exemple, la Grande Chambre de la Cour EDH[20] s’est récemment prononcée sur la conformité de la vaccination obligatoire au droit au respect de la vie privée. Elle a estimé qu’en l’espèce, la vaccination obligatoire des enfants, prévue par la loi, était une ingérence légitime dans la vie privée des requérants et qu’elle était proportionnée à l’objectif poursuivi, celui de la protection de la santé publique[21].

Ensuite, les juges de Strasbourg ont aussi commencé, au gré des affaires portées devant eux, à protéger plus directement la santé individuelle des requérants en se basant principalement sur l’article 2 relatif au droit à la vie, l’article 3 relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et sur l’article 8 relatif au droit à la vie privée[22]. En outre, cette protection s’est initialement développée au profit de « personnes vulnérables » comme les détenus, les enfants ou les handicapés[23]. La Cour a par exemple pu sanctionner sur le fondement de l’article 2 de la Conv. EDH l’absence de soins médicaux appropriés envers un jeune Rom orphelin séropositif et atteint d’un grave handicap mental, suite à son décès le jour dans son arrivée dans un hôpital psychiatrique[24]. Mais la Cour a petit-à-petit offert sa protection au-delà des seuls groupes vulnérables, notamment dans le cas d’atteintes à la santé en milieu hospitalier[25]. L’affaire Lopes de Sousa Fernandes contre Portugal, rendu par la Cour réunie en Grande Chambre, est particulièrement intéressant à cet égard[26]. À la suite d’une opération chirurgicale banale, le requérant est victime d’une complication puis d’une série de négligences médicales à mesure de ses hospitalisations répétées. Malgré son décès, les juges concluent à l’absence de violation du volet matériel de l’article 2 de la Conv. EDH en considérant que le Portugal avait rempli son obligation de mettre en place un cadre réglementaire obligeant les hôpitaux à adopter des mesures appropriées à la protection de la vie des patients. Ils concluront seulement à la violation du volet procédural de l’article 2 à propos de l’enquête relative à ces négligences médicales.

Cette affaire est intéressante car elle montre l’implication de la Cour dans la protection de la santé, tout comme elle en montre les limites, celles d’une large marge nationale d’appréciation. Si les juges osent parfois se risquer à l’appréciation de la politique sanitaire générale d’un État[27], cela ne concerne que des cas extrêmes. En réalité, ils restent très prudents et sont moins enclins à condamner sur le volet matériel des droits protégés dans le souci de respecter les choix politiques des États sur des sujets qui relèvent de leur compétence souveraine. En outre, à part dans le cas particulier des arrêts pilotes, la Cour peut prononcer des sanctions relatives à la situation individuelle du requérant, mais elle ne peut obliger l’État défendeur à prendre des mesures de portée générale sans porter atteinte au principe de subsidiarité dans les domaines qui relèvent de la politique nationale. Les mesures préventives dans le domaine de la santé publique se trouvent donc hors du champ de compétence de la Cour EDH, alors qu’elles sont à l’inverse couvertes par la Charte sociale européenne et les activités de suivi du Comité européen des droits sociaux (CEDS).

2. La protection de la santé dans la Charte sociale

Contrairement au texte de la Conv. EDH, la protection de la santé est inscrite dans le texte même de la Charte sociale. Même s’ils ne seront pas traités dans cet article, cette dernière consacre, en particulier dans sa version révisée de 1996, un certain nombre de droits touchant à des déterminants essentiels de la santé dont la protection favorise l’atteinte ou le maintien d’un meilleur état de santé, tels que le droit à la sécurité sociale[28], le droit à l’assistance sociale et médicale[29], le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale[30] ou encore le droit au logement[31]. Surtout, l’article 11 de la Charte sociale engage les États parties à prendre les mesures appropriées visant : « 1) à éliminer, dans la mesure du possible, les causes d’une santé déficiente ; 2) à prévoir des services de consultation et d’éducation pour ce qui concerne l’amélioration de la santé et le développement du sens de la responsabilité individuelle en matière de santé ; 3) à prévenir, dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres, ainsi que les accidents ».

Le système même de la Charte sociale est néanmoins très différent de celui de la Conv. EDH, à plusieurs égards. Pour commencer, ce système est à la carte : les États ne s’engagent pas sur l’ensemble du texte mais seulement sur un nombre minimal de ses dispositions. 34 des 35 États ayant ratifié la Charte sociale révisée ont néanmoins choisi de s’engager à protéger l’article 11 relatif à la santé[32]. Ensuite, le mécanisme de suivi offert par le CEDS diffère de celui de la Cour, ne serait-ce que par sa composition, des experts indépendants et non des juges. Ces experts interviennent dans deux types de procédures de suivi : les rapports périodiques des États d’une part, qui décrivent l’application de la Charte dans le droit interne, et les réclamations collectives d’autre part, qui peuvent être présentées par des organisations internationales, des syndicats nationaux ou encore par certaines organisations nationales non gouvernementales. Le CEDS est à bien des égards plus audacieux que la Cour EDH dans la protection de la santé, mais ce niveau d’exigence ne doit pas masquer les limites inhérentes à la justiciabilité des droits sociaux[33] et au système de suivi de la Charte[34]. Il est contraignant pour les États parties de participer au système de suivi de la Charte sociale, mais les conclusions et décisions du CEDS en elles-mêmes ne sont pas contraignantes, de sorte que l’impact de la Charte est toujours resté bien en deçà de celui de la Conv. EDH[35]. À l’inverse, la Charte sociale telle qu’interprétée par le CEDS peut aussi servir d’outil d’interprétation de la Conv. EDH par les juges de la Cour.

Or, à mesure de ses conclusions et décisions, le CEDS a précisé et développé le contenu de la protection de la santé[36]. Tout d’abord, il considère que les soins de santé sont « un préalable essentiel à la préservation de la dignité humaine », valeur fondamentale au cœur du système de la Convention comme de la Charte[37]. Ensuite, il considère que l’article 11 de la Charte sociale vient compléter les articles 2 et 3 de la Conv. EDH en édictant des obligations positives à la charge des États destinées à rendre effectif l’exercice de ces droits[38]. Cela peut être l’obligation d’établir et de maintenir « un dispositif sanitaire apte à réagir de manière appropriée aux risques sanitaires évitables, c’est-à-dire contrôlables par l’homme »[39], celle de proposer des consultations médicales régulières et gratuites pour les femmes enceintes et les enfants[40] ou encore celle de mettre en place des mesures de prévention contre le tabac, l’alcool, ou la drogue[41]. Enfin, le CEDS insiste sur l’importance, « afin d’évaluer l’exercice effectif du droit à la protection de la santé » et de veiller à l’exigence de non-discrimination dictée par l’article E de la Charte, de prêter une attention particulière « à la situation des catégories défavorisées et vulnérables », notamment dans l’accès aux soins de santé[42]. Mais plus encore, la Charte sociale, comme d’ailleurs la Conv. EDH, protègent des atteintes à la santé humaine en dehors du seul domaine médical ou hospitalier pour couvrir d’autres déterminants de la santé et ainsi la protéger des atteintes qui sont le fait d’animaux ou de pollutions environnementales.

B. Les atteintes à la santé humaine du fait des animaux et de la pollution de l’environnement

On peut déceler, dans le cadre juridique du Conseil de l’Europe, une étape primordiale et indispensable, même si ce n’est que la première, de la prise en compte de l’approche One Health. En effet, par ses instruments conventionnels dédiés, comme par la jurisprudence de la Cour EDH et du Comité européen des droits sociaux, le Conseil de l’Europe prend en compte l’interdépendance entre santés humaine, animale et environnementale en protégeant la santé humaine des atteintes résultant des animaux (1) ou de l’environnement (2).

1. La protection contre les atteintes à la santé du fait des animaux

Le Conseil de l’Europe a été pionnier sur la scène internationale dans le domaine de la protection des animaux puisqu’il a adopté une série de conventions dès la fin des années 80 pour améliorer et harmoniser la protection de leur santé et bien-être. Toutefois, cette protection s’y arrête dès qu’elle entre en contradiction avec les intérêts humains, et a fortiori la santé humaine. En effet dans ces conventions, la promotion des intérêts humains justifie l’abattage des animaux d’élevage pour la consommation humaine[43], l’abattage des animaux errants en cas de surpopulation pour l’hygiène et la sécurité humaine[44], ou encore l’infliction de traitements expérimentaux mutilants pour les progrès de la médecine humaine[45]. D’ailleurs, la Cour EDH comme le CEDS ont eu l’occasion de traiter de la question de la santé humaine lorsqu’elle est remise en cause par le fait d’animaux dangereux ou d’animaux malades[46].

En premier lieu, les animaux errants peuvent constituer une menace pour la vie, la santé et la sécurité des humains. Par exemple dans l’affaire Berü contre Turquie[47], une fillette avait trouvé la mort à la suite de l’attaque de chiens errants. En 2011, la Cour a conclu à la non-violation de l’article 2 en estimant que le danger n’était pas assez caractérisé pour exiger la mise en place de mesures préventives par les autorités locales, sans quoi cela aurait constitué « un fardeau insupportable ou excessif »[48]. En revanche, la Cour précise qu’elle ne peut « totalement exclure l’existence d’une obligation positive pour l’État à prendre des mesures préventives lorsque les autorités savaient ou auraient dû savoir que des animaux sauvages constituent un risque réel et immédiat contre la vie ou l’intégrité physique des personnes »[49]. La même année, une affaire similaire – Georgel et Georgeta Stoicescu contre Roumanie – a en revanche conduit les juges à conclure à la violation de l’article 8 sur le droit à la vie privée[50]. Les blessures de la victime n’avaient pas été mortelles mais à l’inverse, l’attaque subie était révélatrice d’un danger de plus grande ampleur puisque les chiens errants en question allaient attaquer plusieurs milliers de personnes en quelques mois[51]. L’État n’ayant pas pris de mesures pour atténuer le danger que ces chiens représentaient pour la santé publique et l’intégrité physique de la population, la Cour a conclu à la violation de l’article 8[52].

De manière complémentaire et préventive, le CEDS avait commencé dès 2005 à réclamer de la part des États des informations relatives aux accidents causés par les animaux et aux mesures de prévention mises en place pour endiguer les risques. En effet, dans le cadre de ses activités de suivi des rapports périodiques des États parties quant à la mise en œuvre de la Charte sociale, et plus particulièrement de son article 11 § 3, le CEDS considère que l’engagement des États à prendre des mesures appropriées pour prévenir les maladies et les accidents inclut la prévention des accidents causés par les animaux[53].

En second lieu, les animaux malades peuvent également constituer une menace pour la vie et la santé des humains. En effet, en réaction à la crise dite de la vache folle, le CEDS a commencé à s’intéresser aux mesures étatiques concernant la sécurité alimentaire au titre de l’article 11 : « Vu la menace pour la santé que représentent les maladies d’origine alimentaire et les récentes flambées de telles maladies, en particulier la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, ainsi que l’apparition de produits alimentaires dérivés des biotechnologies, le Comité décide d’examiner les mesures prises en vue de garantir la sécurité alimentaire au sein de tous les États parties à la Charte » [54]. Les États « doivent, au niveau national, imposer par voie législative des normes d’hygiène alimentaire qui tiennent compte des données scientifiques en la matière et mettre en place et entretenir des mécanismes pour surveiller le respect de ces normes tout au long de la chaîne alimentaire, élaborer, appliquer et actualiser des mesures systématiques de prévention, notamment par la voie de l’étiquetage, et de surveillance de l’apparition des maladies d’origine alimentaire »[55].

En outre, la Cour EDH a aussi eu à connaître de mesures nationales d’autorités sanitaires ordonnant l’abattage de troupeaux entiers, sans distinction entre animaux malades et animaux sains, en cas de risque de contagion à l’humain. Dans l’arrêt Chagnon et Fournier contre France[56], il s’agissait de l’abattage en masse de bovins importés du Royaume-Uni en février 2001 pendant la crise de la fièvre aphteuse, peu après la crise de la vache folle. Ces mesures drastiques ayant cependant été accompagnées d’une indemnisation jugée conséquente, la Cour a estimé qu’elles ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l’article 1er du Premier Protocole additionnel, les États disposant d’une large marge d’appréciation en matière de protection de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Plus récemment, en 2019, la Cour a rendu une solution similaire dans l’arrêt S.A. Bio d’Ardennes contre Belgique et ce, alors même que certains éleveurs avaient été privés d’indemnisation en représailles de multiples manquements aux obligations sanitaires. Certains auteurs critiqueront cette solution qui ferait « ressortir le peu de cas que le droit européen des droits de l’homme accorde aux bêtes de boucherie malades ou susceptibles de l’être dont la mise à mort n’est rien d’autre et rien de plus qu’une variable d’ajustement sanitaire et économique »[57].

2. La protection contre les atteintes à la santé du fait de la pollution de l’environnement

La Cour EDH protège aussi la santé humaine des dangers issus de la pollution de l’environnement par les activités humaines, notamment grâce à l’interprétation large des articles 2 et 8 de la Conv. EDH[58]. Elle va définir des obligations à charge des États, mais ces derniers doivent également s’assurer que les opérateurs publics comme privés mettent également en œuvre ces obligations[59].

Pour commencer, dans l’affaire Brincat et autres c. Malte[60], la Cour a conclu à la violation de l’article 2 relatif au droit à la vie à la suite du décès d’un employé résultant de l’exposition prolongée à l’amiante dans un chantier naval géré par le Gouvernement. La Cour a en effet estimé que l’État, ne pouvant pas ignorer le danger d’une telle exposition, avait manqué à son obligation de réglementer ce type d’activités et d’assurer une protection efficace des employés contre le risque inhérent d’exposition à l’amiante[61]. On note toutefois les possibles difficultés pour les requérants de prouver le lien entre une nuisance environnementale et l’impact sur la santé. En effet, dans l’affaire Smaltini contre Italie[62], la requérante alléguait que la leucémie dont elle décèdera plus tard était due aux émissions polluantes d’une usine sidérurgique voisine. L’expertise ordonnée par les autorités a conclu à l’absence de lien de causalité entre le cancer de la requérante et les émissions de l’usine, émissions qu’ils admettent néanmoins ne pas être sans conséquence pour la santé. La Cour EDH a ainsi déclaré la requête irrecevable en considérant, « sans préjudice des résultats des études scientifiques à venir », que les autorités n’avaient pas, à l’époque des faits, les connaissances disponibles pour établir ce lien de causalité[63]. Certains auteurs estiment ainsi qu’une « plus grande équité probatoire supposerait un renversement de la charge de la preuve que la Cour n’admet cependant pas »[64]. En revanche, quelques années plus tard et à l’appui de nouveaux rapports, 180 requérants de la même ville obtiendront gain de cause puisque la Cour, ne pouvant que « constater la prolongation d’une situation de pollution environnementale mettant en danger la santé des requérants et, plus généralement, celle de l’ensemble de la population résidant dans les zones à risque », conclura à la violation, non pas de l’article 2 mais de l’article 8 de la Conv. EDH dans l’affaire Cordella et autres contre Italie[65].

En effet, depuis son arrêt López Ostra contre Espagne[66], la Cour considère que « des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée »[67]. Les affaires Fadeïeva contre Russie[68] ou, très récemment, Pavlov contre Russie[69] sont des illustrations de ce pan de la jurisprudence. Dans cette dernière affaire, la Cour a reconnu la violation de l’article 8 de la Conv. EDH car les autorités n’avaient pas pris de mesures adéquates pour réduire les effets d’une pollution atmosphérique industrielle dépassant les seuils légaux, et ce alors qu’elle exposait les habitants à des risques accrus pour leur santé et qu’il était établi que les autorités ne pouvaient pas ne pas en avoir conscience[70].

La Charte sociale européenne protège également la santé humaine contre les dangers présents dans l’environnement par une interprétation large de son article 11 relatif à la protection de la santé[71]. Dans ses premières observations interprétatives en 1969, le CEDS a pu considérer que les États devaient justifier de l’existence d’une organisation médicale et sanitaire comportant des mesures générales tendant par exemple à la protection contre les substances radioactives ou à la lutte contre le bruit[72]. Il a aussi pu considérer que les États devaient interdire l’utilisation, la production et la vente d’amiante[73]. Petit-à-petit, les États devront justifier des mesures en place pour pallier les risques pour la santé issus de l’environnement[74]. Dans sa décision Fondation Marangopoulos pour les Droits de l’Homme (FMDH) c. Grèce du 6 décembre 2006[75], le CEDS a reconnu le « droit à un environnement sain » sur le fondement de l’article 11 de la Charte sociale. Elle estimait que l’État avait l’obligation d’encadrer les activités polluantes des acteurs privés, en l’occurrence des entreprises qui avaient été autorisées à exploiter de la lignite, source avérée de pollution nuisible pour la santé humaine. Même si cette autorisation était motivée par des objectifs d’autonomies énergétique et économique[76], l’État n’avait pas pris de mesures suffisantes pour réduire la pollution à particules alors qu’elle dépassait les seuils légaux maximums depuis des années[77].

Ainsi, l’outil des droits de l’homme semble tout à fait apte et enclin à reconnaître l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale et à en tirer des conséquences. La protection des droits civils et politiques offerte par l’interprétation de la Conv. EDH par la Cour ainsi que la protection des droits sociaux offerte par la Charte sociale telle qu’interprétée par le CEDS en témoignent déjà. Il n’y a pas eu besoin de l’émergence de l’approche One Health pour que les outils du Conseil de l’Europe soient, malgré toutes les limites qui sont les leurs, interprétés et appliqués de manière à protéger la santé humaine d’une diversité d’atteintes, incluant celles du fait de l’environnement ou des animaux. Là où l’outil des droits de l’homme pourrait être moins bien adapté ou adaptable au concept One Health, qui est avant tout un concept de santé publique, c’est dans la perspective non plus d’une simple protection contre les atteintes mais d’une véritable promotion de la santé humaine, par l’amélioration de la santé animale et environnementale. La question qui se pose alors est celle de savoir quels leviers de l’appareil normatif du Conseil de l’Europe mobiliser pour une approche non plus curative mais préventive.

II. La promotion de la santé animale et de l’environnement en vue de la santé humaine

Le constat opéré par l’approche One Health, celui de l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale, participe de la prise de conscience de l’individu de ses devoirs à la fois envers le vivant, y compris non humain, et les générations futures et appelle un principe de précaution voire d’anticipation[78]. Lorsque les atteintes à la santé animale ou à l’environnement ont des conséquences diffuses, irréversibles et à long terme, le système de réparation des dommages et de satisfaction équitable paraît finalement peu adapté au concept One Health dont l’approche se veut préventive[79]. Il s’agit non seulement de prévenir ou d’atténuer les conséquences négatives d’une atteinte (préconiser le port du masque) mais aussi et surtout d’empêcher que l’atteinte ne se produise en agissant directement sur ses causes (prévenir l’apparition même d’une maladie infectieuse), on parle alors de « prévention profonde » (ou « deep prevention »[80]).

Il est difficile, mais possible, de trouver, dans le cadre juridique du Conseil de l’Europe, quelques timides leviers au soutien d’une promotion directe de l’approche One Health qui permettent non plus de seulement protéger mais aussi de prévenir les risques de dommages à la santé humaine du fait des animaux ou de l’environnement (A). Mais finalement, ce sont d’autres leviers qui pourraient servir, bien qu’indirectement, l’approche One Health en se basant sur d’autres fondements que ceux qui protègent la santé (B).

A. La promotion directe de One Health: la prévention des risques de dommages à la santé humaine issus des animaux et de l’environnement

Le Conseil de l’Europe dispose d’une série de conventions pertinentes pour l’approche One Health. La Convention sur le paysage reconnaît que ce dernier est un « élément essentiel du bien-être individuel et social » [81]. La Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement reconnaît que la promotion d’un environnement naturel, sain et agréable contribue à la qualité de vie des personnes[82]. La Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel, ou convention de Berne, reconnaît « le rôle essentiel de la flore et de la faune sauvages dans le maintien des équilibres biologiques » [83] et le fait que « la conservation des habitats naturels est l’un des éléments essentiels de la protection et de la préservation de la flore et de la faune sauvages »[84].

Malgré le caractère obligatoire de ces traités pour les États les ayant ratifiés, il est difficile d’assurer le respect de leurs dispositions, même quand ils sont accompagnés d’un comité d’expert ou système de suivi dans la mesure où ces mécanismes de suivi ne sont pas contraignants[85]. En outre, si ces traités sont pris en compte autant que possible par la Cour quand elle interprète la Conv. EDH, les juges n’en n’ont aucune obligation pour autant[86]. Et en effet, s’ils imposent des obligations de prévention et appliquent le principe de précaution dans nombre d’affaires relatives au droit à un environnement sain (1), il semble prématuré d’attendre des juges qu’ils promeuvent l’idée d’un droit à une faune saine et diverse (2).

1. Les obligations de prévention et le principe de précaution liés au droit à un environnement sain

Comme il a été précédemment exposé, la Cour EDH et le CEDS protègent des effets néfastes pour la santé de la pollution issue de l’activité humaine, notamment industrielle, des États comme des acteurs privés. Toutefois, la Cour EDH et le CEDS vont parfois plus loin et imposent des obligations de prévenir et anticiper les effets néfastes découlant de la réalisation des risques d’accidents, même incertains.

C’est ainsi sur le terrain des catastrophes industrielles ou naturelles que la Cour a été « la plus audacieuse »[87]. Dans l’affaire Boudaïeva contre Russie[88], elle conclut à la violation de l’article 2 relatif au droit à la vie en raison du manquement des autorités à prendre des mesures d’aménagement du territoire pour protéger la vie des requérants et atténuer les effets des coulées de boues ayant décimé un village entier alors même que le danger était imminent et clairement identifiable[89]. De même, dans un arrêt de Grande Chambre Öneryıldız contre Turquie[90], une solution similaire a été rendue après le constat du manquement des autorités à agir préventivement pour atténuer les effets d’un risque avéré d’explosion de méthane dans une décharge, explosion qui a conduit à la mort de neuf personnes qui occupaient un bidonville illégalement installé à proximité[91]. Pour évaluer si les États ont pris des mesures adéquates, la Cour examinera divers éléments tels que la gravité potentielle du risque, la capacité de l’État à anticiper ce risque, ainsi que la possibilité de le réduire[92]. Le CEDS a également considéré, notamment dans sa décision Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) c. Grèce, que « compte tenu des incertitudes scientifiques quant aux problèmes de santé dus à l’ingestion de Cr-6 », un métal lourd, les autorités grecques auraient dû faire des analyses régulières de l’eau, conduire des recherches scientifiques étudiant la potentielle dangerosité pour la santé humaine de l’ingestion de métaux lourds, conduire des études épidémiologiques, et même prendre des mesures d’urgence dans les zones directement touchées[93].

Enfin, cette obligation positive de prévenir les risques concerne à la fois les risques connus et certains, mais aussi les risques incertains : la Cour comme le CEDS appliquent ici le principe de précaution. C’est ce que le CEDS a rappelé dans cette même affaire FIDH c. Grèce : « lorsqu’une évaluation scientifique préliminaire montre qu’il y a raisonnablement lieu de s’inquiéter de certains effets potentiellement dangereux sur la santé humaine, l’État doit prendre des mesures de précaution adaptées au niveau élevé de protection prévu par l’article 11 »[94]. La Cour EDH a aussi pu faire référence au principe de précaution, par exemple dans l’affaire Tătar contre Roumanie[95]. Les requérants, un père et son fils asthmatique, craignaient pour leur vie en raison de l’utilisation de cyanure de sodium par une société exploitant une mine d’or proche de leur domicile. En 2000, un accident écologique libéra d’importantes quantités de cyanure. Les autorités n’ont pas réagi malgré les plaintes du père. Les juges concluront à la violation de l’article 8 de la Conv. EDH mais surtout, ils noteront que même si les requérants n’avaient pas réussi à prouver le lien de causalité entre l’aggravation de l’asthme du fils et l’exposition au cyanure de sodium, le principe de précaution aurait dû s’appliquer : l’État ne peut se fonder sur l’absence de certitudes scientifiques pour retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées[96].

2. L’inexistence d’un droit à une faune saine et diverse

En revanche, les juges et experts du Conseil de l’Europe semblent plus prudents lorsqu’il s’agit de promouvoir la santé animale et la biodiversité. Il s’agirait de trouver les fondements d’un devoir de promotion de la santé animale et des écosystèmes, non pas pour des raisons éthiques, mais comme moyen préventif de préserver la santé humaine de menaces sanitaires liées aux animaux et aux écosystèmes.

Il semble ambitieux, en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour EDH, d’espérer voir les juges définir des obligations positives de promotion de la santé des animaux dans l’expectative de bénéfices futurs pour la santé humaine. Depuis 1976, la Cour refuse d’étendre le droit à la vie privée aux liens particuliers entre humains et animaux domestiques : « on ne saurait admettre que la protection reconnue par l’article 8 de la Convention s’étend aux rapports de l’individu avec la totalité de son entourage immédiat dans la mesure où ces rapports ne concernent pas des êtres humains et abstraction faite du désir de l’individu de maintenir ces rapports dans le domaine de l’intimité »[97]. La Cour tranchera dans un sens similaire en 2003 à propos d’animaux sauvages dans son arrêt Kyrtatos contre Grèce[98]. Dans cette affaire, elle va considérer que l’ingérence dans les conditions de la vie animale, via l’accord de permis de construire pour des aménagements urbains dans un marécage, ne pouvait être considérée en l’espèce comme pouvant nuire au droit à la vie privée des résidents voisins qui n’avaient pas réussi à démontrer l’atteinte à leur vie privée[99].

Une telle ambition de voir émerger des obligations positives de promotion de la santé des animaux pour l’impact bénéfique qu’elle aurait sur la santé humaine est également prématurée dans le système de la Charte sociale révisée. Certes, son article 11 § 3 impose aux États de prendre les mesures appropriées visant à « prévenir dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres, ainsi que les accidents ». Sur cette base, le CEDS estime que, pour certaines maladies infectieuses répandues, les États doivent maintenir un taux de couverture vaccinale élevée, pour réduire la propagation de la maladie et « neutraliser le réservoir de virus »[100]. Théoriquement, on pourrait donc imaginer que cette obligation de neutraliser le réservoir du virus puisse viser la vaccination des animaux dans la mesure où 75% des maladies infectieuses sont des zoonoses, c’est-à-dire des infections se propageant de l’animal (surtout sauvage) vers l’humain[101]. En outre, le CEDS a pu préciser que les systèmes de santé devaient être organisés de manière à répondre de manière appropriée aux risques de santé qui sont évitables, c’est-à-dire ceux qui dépendent de l’action humaine[102]. Or les risques évitables incluent les risques qui résultent de menaces environnementales et à ce titre, le Comité précise que l’article 11 § 1 selon lequel les États s’engagent « à éliminer, dans la mesure du possible, les causes d’une santé déficiente », garantit le droit à un environnement sain[103].

Que se passe-t-il alors si les causes d’une santé déficiente sont liées à la diminution de la biodiversité ? Les pollutions environnementales qui diminuent la biodiversité augmentent indirectement les zoonoses. Elles ne portent pas directement atteinte à la santé, mais leurs conséquences vont empêcher une potentielle maladie infectieuse de se « diluer » au sein d’une diversité d’espèces. En privant ainsi l’écosystème d’une fonction vitale (la dilution des infections), la pollution environnementale crée un contexte favorable à la propagation des infections et à leur transformation en zoonose[104]. L’atteinte au droit à la vie privée ou au droit à la vie peut-elle alors résulter non pas d’une perturbation en elle-même, mais de la perte (conséquente à la perturbation) d’éléments importants pour la préservation de sa santé[105]? Une réponse positive à ces questions pourrait conduire à affirmer que la promotion active de la santé des animaux et des écosystèmes devrait être considérée comme un moyen essentiel de prévenir les maladies infectieuses chez l’homme.

À ce titre, il est particulièrement intéressant de mentionner une dernière convention du Conseil de l’Europe adoptée en 1998, constatant qu’il était « nécessaire de protéger la vie et la santé des êtres humains, le milieu naturel ainsi que la flore et la faune par tous les moyens possibles » [106]. Le texte qualifiait d’infractions pénales toute une série de comportements intentionnels causant des dommages aux personnes, ou susceptibles de causer la mort ou des blessures graves à toute personne ou des dommages substantiels à la qualité de l’air, du sol, de l’eau, des animaux ou des plantes[107]. Si ce traité n’est jamais entré en vigueur à défaut de ratifications, le Comité des ministres a mis en place en novembre 2022 un comité d’experts chargé d’en élaborer une nouvelle version[108]. Or, lors de la première réunion de ce comité d’experts, une alliance internationale auditionnée, la Global Initiative to End Wildlife Crime, a souligné les graves conséquences du trafic illégal d’espèces sauvages pour la biodiversité, le climat et les écosystèmes, ainsi que pour la santé humaine et animale[109].

En guise de conclusion, même si les négociations aboutissaient à l’élaboration d’un texte ambitieux, ce texte ne serait malgré tout pas nécessairement protégé par la jurisprudence de la Cour EDH ou du CEDS. L’approche One Health suppose d’adopter une politique de santé publique et de prévention des risques, de prévention profonde qui implique des choix politiques nationaux que la Cour « ne s’aventure pas à remettre en cause frontalement » [110]. Elle n’osera le faire qu’en cas d’émergence d’un consensus européen autour de mesures concrètes promouvant l’approche One Health. Ce consensus peut être tiré du droit international, du droit de l’Union européenne ou encore des traités négociés au sein du Conseil de l’Europe. Dans l’attente, l’approche One Health a plus de chances de profiter d’abord d’une promotion indirecte, en faveur notamment d’obligations procédurales ou de la protection d’autres droits de la Conv. EDH que ceux susceptibles de protéger la santé.

B. La promotion indirecte de One Health: les autres outils du Conseil de l’Europe

La Cour déploie d’autres moyens, au soutien de causes liées à One Health. Comme il a pu être remarqué en ce qui concerne le droit à un environnement sain, la Cour se place en « auxiliaire de la mise en œuvre » [111] plutôt qu’en garante de la promotion des intérêts One Health. C’est par exemple le cas lorsqu’elle reconnaît la protection des animaux ou de l’environnement comme un objectif d’intérêt général et qu’elle l’interprète en faveur de la biodiversité (1). C’est aussi le cas lorsqu’elle continue de développer des obligations procédurales qui lui permettent d’exercer un contrôle exigeant, tout en respectant le principe de subsidiarité et les choix politiques nationaux (2).

1. Le droit de propriété au soutien d’objectifs d’intérêt général : le cas de la biodiversité

La Cour EDH a très tôt pris en compte le fait que « la société d’aujourd’hui se soucie sans cesse davantage de préserver l’environnement »[112]. Dans son arrêt Hamer contre Belgique, elle considérera même l’environnement comme « une valeur dont la défense suscite dans l’opinion publique, et par conséquent auprès des pouvoirs publics, un intérêt constant et soutenu. Des impératifs économiques et même certains droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à la protection de l’environnement, en particulier lorsque l’État a légiféré en la matière »[113]. Ainsi, plus cette valeur prendra d’importance, plus elle pèsera dans le contrôle de proportionnalité de mesures de promotion de l’environnement qui porteraient atteinte à d’autres droits de la Conv. EDH[114]. Et justement, la Cour semble utiliser le droit de propriété comme un outil de protection de la biodiversité, qu’il s’agisse de la protection du patrimoine cynégétique (faune) contre la chasse ou de la protection du patrimoine naturel contre les aménagements urbains.

La question de la chasse est un thème important dans la jurisprudence traitant des relations entre droit de propriété et protection de la faune. Dans l’arrêt Chassagnou contre France[115], des propriétaires s’opposent à l’obligation légale d’inclure leur terrain au territoire de chasse. Si la Cour admet qu’il s’agit d’une ingérence dans leur droit de propriété, elle admet aussi que le but de cette ingérence est légitime : la gestion du patrimoine cynégétique – c’est-à-dire la gestion du nombre, de la variété et de la bonne santé des populations de gibier[116]. Elle ne conclura à la violation de l’article 1 du Premier Protocole additionnel que parce qu’aucune compensation ne venait dédommager cette atteinte[117]. Quelques années plus tard à propos de faits identiques dans l’affaire Herrmann contre Allemagne, la Grande Chambre de la Cour exprime finalement ses « réticences devant l’argument selon lequel des convictions personnelles profondément ancrées pourraient être échangées contre une indemnité annuelle censée compenser la perte de l’usage du bien, indemnité qui en tout état de cause apparaît très modique »[118]. Elle conclut alors qu’imposer à un propriétaire de tolérer la chasse sur son territoire, alors qu’il y serait opposé pour des raisons éthiques, constitue une charge disproportionnée et viole l’article 1 du Premier Protocole additionnel[119]. De manière implicite et en constatant que la chasse est principalement pratiquée à titre de loisir[120], la Grande Chambre remet aussi en cause l’idée que la chasse soit systématiquement un moyen adéquat pour l’objectif légitime et d’intérêt général que constitue la gestion du patrimoine cynégétique. Cette décision illustre comment les juges peuvent être amenés « à s’interroger sur la relation entre les êtres humains et le monde vivant qui les entoure » et ainsi à entrer « dans les subtilités qu’implique la conservation d’une biodiversité exploitée par l’être humain, choix qui, sans l’éloigner de sa mission, en renforce la légitimité »[121].

Ensuite, la question de la gestion du patrimoine naturel se pose à la Cour dans une situation inversée. Dans plusieurs affaires similaires[122], des propriétaires se plaignaient de l’impact de la protection de la biodiversité sur leur droit de propriété. En effet, les zones légales de protection de la nature entravent le droit de propriété car elles les empêchent de disposer de leur bien comme ils l’entendent. La réponse de la Cour est constante : il y a bien ingérence dans le droit de propriété, mais cette ingérence est justifiée par le but légitime et conforme à l’intérêt général que constitue la protection du patrimoine naturel, par exemple par la conservation d’un site d’une beauté naturelle exceptionnelle ou encore d’un site de ponte de tortues protégées[123]. En outre, cette ingérence est proportionnée tant que l’État offre une indemnisation dans les cas où l’atteinte serait excessive, or l’ingérence dans le droit de propriété pour la protection du patrimoine naturel n’est pas, par défaut, excessive et doit donc être appréciée in concreto[124]. Ainsi, les juges semblent protéger l’objectif d’intérêt général que constitue la protection de la biodiversité, que cet objectif vienne au soutien comme à l’encontre du droit de propriété. Dans le même esprit, les juges semblent utiliser les obligations procédurales autour de l’information et des opinions pour indirectement promouvoir des intérêts en faveur d’une prise de conscience et d’une diffusion de la dépendance de la santé humaine à celle de la santé animale et de la protection de l’environnement.

2. Les obligations procédurales autour de l’information relative à la santé environnementale et à la protection des animaux

Si la Cour est limitée dans la protection substantielle qu’elle peut procurer, sur la base des articles 2 et 8 de la Conv. EDH, à la santé humaine lorsqu’il lui est porté atteinte par des dégradations environnementales ou par le fait d’animaux, il lui est plus facile d’imposer des obligations procédurales, notamment d’information, de respect des opinions ou convictions, voire des obligations d’assurer l’inclusion de diverses opinions dans les processus décisionnels.

En premier lieu, diverses sources de droit du Conseil de l’Europe imposent aux États des obligations d’informer.

L’approche One Health pourrait tout d’abord bénéficier d’obligations auxquelles les États se sont engagés dans diverses conventions du Conseil de l’Europe pertinentes pour l’approche One Health, notamment les conventions de protection des animaux et de l’environnement. Ces engagements incluent notamment de promouvoir l’information, la formation et l’éducation relativement aux conséquences négatives pour la santé et le bien-être des animaux sauvages de leur acquisition ou introduction en tant qu’animaux de compagnie[125], à la valeur et au rôle des paysages[126] ou plus généralement de garantir l’accès aux informations en matière de protection de l’environnement[127]. En outre, l’article 11 de la Charte sociale relatif à la protection de la santé a été interprété par le CEDS, dans sa célèbre décision FIDH contre Grèce consacrant le droit à un environnement sain, comme contenant des obligations similaires pour les États d’informer, sensibiliser et éduquer le public aux problèmes environnementaux[128].

Ensuite, parmi les obligations positives à la charge des États dans la protection contre les atteintes à la santé, on trouve aussi des obligations d’enquête et d’information, notamment lorsqu’il s’agit de participer à des activités dangereuses, issues des volets procéduraux des articles 2 et 8 de la Conv. EDH[129]. Comme pour toute situation ayant entraîné le décès, les atteintes à la vie du fait des animaux ou de l’environnement entraînent pour l’État l’obligation de mener une enquête officielle pour déterminer les circonstances du décès et les chaînes de responsabilité[130]. De même, le volet procédural du droit au respect de la vie privée en matière environnementale impose de réaliser des enquêtes et études appropriées de manière à prévenir et évaluer à l’avance les effets des activités qui peuvent porter atteinte à l’environnement et aux droits des individus[131], et de donner accès à toutes les informations pertinentes aux personnes concernées comme au public[132]. Par exemple dans l’affaire précédemment citée Brincat contre Malte, la Cour a conclu à la violation de l’article 8 car le gouvernement n’avait pas légiféré ni pris aucune mesure pour que les requérants, des ouvriers de chantier naval exposés à l’amiante pendant une cinquantaine d’années, soient informés des risques auxquels ils étaient exposés, alors que l’État « savait ou aurait dû savoir » que la vie et la santé des ouvriers était mise en danger.

Enfin, l’obligation d’information a également pu être mobilisée, sur fondement de l’article 10 de la Conv. EDH relatif à la liberté d’expression, à propos du sort réservé aux animaux errants capturés par les autorités. Dans l’affaire Guseva contre Bulgarie, la Cour a accordé ce droit à l’accès à des informations détenues par les autorités publiques à la requérante, « membre d’une association active dans le domaine de la défense des animaux, [qui] a demandé l’accès à des informations sur le traitement des animaux afin d’exercer son rôle d’information du public sur cette question d’intérêt général et de contribuer au débat public »[133].

En second lieu, la Cour a parfois protégé les opinions de défenseurs des animaux ou de l’environnement sur le fondement des articles 9, 10 et 11 de la Conv. EDH relatifs à la liberté d’association, la liberté d’expression et la liberté d’association.

La question s’est posée dans les arrêts précédemment exposés relatifs à la chasse. En effet, était remise en cause l’obligation pour les propriétaires de fournir leurs terrains, du fait de l’obligation d’adhérer à l’association, pour l’activité de chasse alors même que cette dernière serait contraire à leurs convictions éthiques. Dans l’arrêt Chassagnou contre France[134], la Cour a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 9 sur la liberté de penser. En revanche, elle conclut à la violation de l’article 11 sur la liberté d’association en estimant que l’atteinte était disproportionnée par rapport au but poursuivi[135]. Curieusement, la Cour a aussi estimé dans l’arrêt Herrmann contre Allemagne[136] qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la question de la liberté de penser. Ceci est plus étonnant dans cette affaire puisque les juges y avaient justement exprimé leur réticence à accepter que le non-respect de l’objection de conscience du requérant à adhérer à l’association de chasse puisse, dans l’absolu, faire l’objet d’une indemnisation[137].

En outre, la Cour a aussi qualifié la question de la souffrance animale comme un « problème d’intérêt général légitime » en concluant à la violation de l’article 10 sur la liberté d’expression : un journal avait été condamné pour avoir publié un rapport dénonçant des actes de cruauté de l’équipage d’un navire de chasse aux phoques[138]. Ce type d’affaires est particulièrement intéressant dans l’optique de l’approche One Health lorsque les informations visées et constituant un « problème d’intérêt général légitime » concernent les conditions éthiques et sanitaires des animaux destinés à la consommation humaine. Il s’agit par exemple de la célèbre affaire Verein Gegen Tierfabriken Schweiz contre Suisse[139], dans laquelle une association militante avait créé une publicité comparant les conditions d’élevage des porcs à celles des camps de concentration[140], publicité que la Société suisse de télévision avait refusé de diffuser à cause de son caractère manifestement politique. La Cour EDH a conclu à la violation de l’article 10 car la Société n’avait pas fourni de motif pertinent à son refus de diffuser ce spot « ayant trait à la santé des consommateurs ainsi qu’à la protection des animaux et de l’environnement » et présentant donc « un intérêt public »[141]. Pour finir, la Cour est même allée plus loin puisque, malgré sa conclusion de non-violation de l’article 10 en l’espèce, l’arrêt de Grande Chambre Animal Defenders International contre Royaume-Uni du 22 avril 2013[142] reconnaît aux associations de protection des animaux « un rôle de chien de garde public semblable par son importance à celui de la presse »[143]. Cette mention permet ainsi d’octroyer à ce type d’organisation non gouvernementale militante un régime de protection privilégié de leur liberté d’expression, qui ne peut alors être limitée que dans des cas exceptionnels[144].

En troisième et dernier lieu, la Cour EDH impose aussi aux États d’inclure et de prendre en compte, dans les processus décisionnels, l’avis et les intérêts des personnes concernées en matière de santé environnementale[145], et ce, sur le fondement du volet procédural de l’article 8 de la Conv. EDH. Certains parlent même de « démocratie environnementale » [146]. Cette obligation est particulièrement intéressante dans la mesure ou cet avis sera nécessairement éclairé si l’État a respecté ses obligations positives procédurales en la matière, comme la conduite d’enquêtes appropriées et la diffusion des informations. Elle est aussi intéressante dans la mesure où elle se fonde sur le droit à la vie privée, fondement commun à de nombreuses obligations de protection de la santé dans la jurisprudence de la Cour EDH.

Ainsi, toutes ces obligations d’information, d’éducation, de respect et de représentation des opinions et intérêts favorisent indirectement la diffusion et la prise de conscience générale de l’ampleur de l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale pour un concept One Health qui, bien qu’ancien, n’a émergé dans le débat public que très récemment. Cette prise de conscience est un préalable indispensable, et donc un outil puissant à disposition du juge européen des droits de l’homme, au développement de tout consensus européen qui permettrait d’espérer une interprétation plus audacieuse encore de la Conv. EDH. Sans remettre en cause le nécessaire anthropocentrisme des droits de l’homme, l’approche One Health suggère de protéger l’animal et l’environnement car ils font partie intégrante, avec l’être humain, d’une variété d’espèces vivantes dont la survie et la santé sont interdépendantes. De ce point de vue, reconnaître et protéger la juste valeur de la vie non-humaine ne signifie pas de détourner le droit européen des droits de l’homme de sa fonction de protecteur de l’être humain, mais au contraire d’en approfondir la protection en garantissant un contexte préalable plus propice à leur jouissance effective.

[1] One Health High-Level Expert Panel (OHHLEP), Adisasmito W. B., Almuhairi S., Behravesh C. B., Bilivogui P., Bukachi S. A., et al., « One Health: A new definition for a sustainable and healthy future », PLoS Pathog, 2022, vol. 18, n° 6, p. e1010537.

[2] Roche B., Morand S., « Perte de biodiversité, prélude aux émergences virales », médecines/sciences, 2022, n° 38, pp. 1039-1042.

[3] OHHLEP, et al., « One Health: A new definition for a sustainable and healthy future », op. cit.

[4] FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) OMS (Organisation Mondiale de la Santé), OIE (Office international des épizooties désormais appelée Organisation Mondiale de la Santé animale), One Health Joint Plan of Action, 2022-2026, Working together for the health of humans, animals, plants and the environment, Rome, 2022.

[5] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions. Réforme de la législation pharmaceutique et mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens COM(2023) 190 final, Bruxelles, le 26 avril 2023 ; Commission européenne, A European One Health Action Plan against Antimicrobial Resistance (AMR), 2017, https://health.ec.europa.eu/system/files/2020-01/amr_2017_action-plan_0.pdf (accès le 15 juin 2023).

[6] Commission européenne, Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire, Organisational Chart, 1 juin 2023, https://commission.europa.eu/system/files/2023-06/organisation-chart_dg-sante_en.pdf  (accès le 15 juin 2023).

[7] FAO, OIE, WHO, ‘The FAO-OIE-WHO Collaboration. Sharing responsibilities and coordinating global activities to address health risks at the animal-human-ecosystems interface. A Tripartite Concept Note’ (April 2010), p. 5.

[8] En 2022, ils signeront un Memorandum of Understanding, https://www.fao.org/3/cb9403en/cb9403en.pdf (accès le 15 juin 2023).

[9] PACE, Enseignements à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19. Résolution 2329 (2020), § 10.

[10] PACE, Urgence de santé publique : la nécessité d’une approche holistique du multilatéralisme et des soins de santé. Résolution 2500 (2023), § 8 ; PACE, Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique. Résolution 2424 (2022), § 9621.

[11] Commissaire aux Droit de l’Homme, Protéger le droit à la santé grâce à des systèmes de santé inclusifs et résilients accessibles à tous, Document thématique, février 2021, p. 14.

[12] Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Manuel sur les droits de l’homme pour les élus locaux et régionaux Environnement et développement durable, CG(2022)43-20final, 26 octobre 2022, p. 6.

[13] De Pooter H., Table ronde en ligne « One Health and International Law », 8 mars 2022, Centre for International Law, National University of Singapore, disponible sous https://www.youtube.com/watch?v=vsJlBH117jc (accès le 29 avril 2023).

[14] Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, STCE n° 005, Rome, 4 novembre 1950.

[15] Charte sociale européenne, STE n° 035, Turin, 18 octobre 1961 ; Charte sociale européenne (révisée), STE n° 163, Strasbourg, 3 mai 1996.

[16] Verniers E., « One Health, One Welfare, One Right: Introducing Animal Rights in Europe », Journal for European Environmental & Planning Law, 2022, vol. 19, n° 4, pp. 277-310.

[17] Kurki V., « Can Nature Hold Rights? It’s Not as Easy as You Think », Transnational Environmental Law, 2022, vol. 11, n° 3, pp. 525-552.

[18] Ferrero J., « Conseil de l’Europe : cadre institutionnel », Répertoire de droit européen, juillet 2022, § 13.

[19] Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, STCE n° 164, Oviedo, 4 avril 1997.

[20] Cour EDH, GC, 8 avril 2021, Vavřička et autres c. République Tchèque, req. n°s 47621/13 et 5 autres.

[21] Pour une analyse complète : Bioy X., « La santé publique est-elle soluble dans les droits fondamentaux ? (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., Vavřička et autres c. République tchèque, 8 avril 2021) », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 2022, vol. 2, n° 130, pp. 305-329.

[22] Voir Paillissé É., Le droit à la santé dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Thèse dactylographiée, Université de Perpignan Via Domitia, 2018, 658 p ; Voir Ziller J., « Le droit à la santé. Une perspective de droit comparé : Conseil de l’Europe », Étude, Service de recherche du Parlement européen, Unité Bibliothèque de droit comparé, PE 698.030 – Septembre 2021.

[23] Voir à cet effet l’exposé du juge dissident Pinto de Albuquerque dans l’affaire Lopes de Sousa Fernandes. Cour EDH, GC, arrêt du 19 décembre 2017, Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal, req. n° 56080/13, §§ 29-59.

[24] Cour EDH, GC, arrêt du 17 juillet 2014, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie, req. n° 47848/08.

[25] Voir là encore l’opinion du juge Pinto de Albuquerque dans l’affaire Lopes de Sousa Fernandes. Cour EDH, GC, Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal, précité, §§ 49-53.

[26] Cour EDH, GC, Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal, précité.

[27] Cour EDH, arrêt du 27 janvier 2015, Asiye Genç c. Turquie, req. n° 24109/07.

[28] Charte sociale européenne, op. cit., Article 12.

[29] Ibid., Article 13.

[30] Ibid, Article 30.

[31] Ibid, Article 31.

[32] Acceptation des dispositions de la Charte sociale européenne révisée (1996), disponible sous https://rm.coe.int/country-by-country-table-of-accepted-provisions/1680630742 (accès le 9 septembre 2023).

[33] Nivard C., La justiciabilité des droits sociaux. Étude de droit conventionnel européen, Bruylant, 2012.

[34] Breuer M., « Impact of the Council of Europe on national legal systems », in Schmahl S., Breuer M. (dir.), The Council of Europe. Its Law and Policies, Oxford University Press, 2017, § 36.33.

[35] Ibid., § 36.18.

[36] Pour un panorama plus complet : Ziller J., « Le droit à la santé. Une perspective de droit comparé : Conseil de l’Europe », op. cit.

[37] CEDS, décision du 8 septembre 2004, Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme c.  France, réclamation n° 14/2003.

[38] CEDS, observation interprétative relative à l’article 11, 2005, 2005_Ob_1-1/Ob/FR.

[39] CEDS, conclusions XV-2 (2001), Danemark, Article 11-1, 31 décembre 2001, XV-2/def/DNK/11/1/FR.

[40] CEDS, conclusions (2005), République de Moldavie, Article 11-2, 30 juin 2005, 2005/def/MDA/11/2/FR.

[41] CEDS, décision du 30 mars 2009, International Centre for the Legal Protection of Human Rights (INTERIGHTS) c. Croatie, réclamation n° 45/2007, § 43.

[42] CEDS, observation interprétative relative à l’article 11, 2005, 2005_Ob_1-1/Ob/FR ; Voir par exemple : CEDS, Décision sur le bien-fondé, Commission internationale de Juristes (CIJ) et Conseil européen sur les Réfugiés et Exilés (ECRE) c. Grèce, réclamation n° 173/2018, 26 janvier 2021, § 218.

[43] Convention européenne sur la protection des animaux d’abattage, STE n° 102, Strasbourg, 10 mai 1979.

[44] Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, STE n° 125, Strasbourg, 13 novembre 1987, Considérant 5.

[45] Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques, STE n° 123, Strasbourg, 18 mars 1986, Considérant 3.

[46] Pour une analyse de la jurisprudence de la Cour EDH en matière de protection contre les animaux, voir Marguénaud J.-P. et Maubernard C., « Animaux », Répertoire de droit européen, novembre 2022, §§ 10-13.

[47] Cour EDH, arrêt du 11 janvier 2011, Berü c. Turquie, req. n° 47304/07.

[48] Ibid., § 47.

[49] Ibid., § 46.

[50] Cour EDH, arrêt du 26 juillet 2011, Georgel et Georgeta Stoicescu c. Roumanie, req. no 9718/03.

[51] Ibid., §§ 34-36.

[52] Ibid., § 62.

[53] CEDS, conclusions (2005), Moldavie, Article 11-3, 30 juin 2005, 2005/def/MDA/11/3/FR.

[54] CEDS, conclusions XV-2, Italie, Article 11-3, 31 décembre 2001, XV-2/def/ITA/11/3/FR.

[55] Ibid.

[56] Cour EDH, arrêt du 15 juillet 2010, Chagnon et Fournier c. France, req. n° 44174/06.

[57] Marguénaud J.-P. et Maubernard C., « Animaux », op. cit., § 12.

[58] Pour une analyse synthétique : Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », Revue juridique de l’environnement, n° HS20, 2020, pp. 9-23.

[59] Cour EDH, GC, arrêt du 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, req. n° 36022/97, §§ 98 et 119.

[60] Cour EDH, arrêt du 24 juillet 2014, Brincat et autres c. Malte, req. n°60908/11, 62110/11, 62129/11, §§ 103-117.

[61] Ibid., §§ 106 et 111.

[62] Cour EDH, décision du 24 mars 2015, Smaltini c. Italie, req. n° 43961/09.

[63] Ibid., § 60.

[64] Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., § 17.

[65] Cour EDH, arrêt du 24 janvier 2019, Cordella et autres c. Italie, req. n°54414/13 et 54264/15, § 163 et §§ 172-173.

[66] Cour EDH, arrêt du 9 décembre 1994, López Ostra c. Espagne, req. n° 16798/90.

[67] Ibid., § 51.

[68] Cour EDH, arrêt du 9 juin 2005, Fadeïeva c. Russie, req. n° 55723/00.

[69] Cour EDH, arrêt du 11 octobre 2022, Pavlov et autres c. Russie, req. n° 31612/09.

[70] Ibid., § 91.

[71] CEDS, conclusions XV-2, Pologne, article 11-1, 31 décembre 2001, XV-2/def/POL/11/1/FR.

[72] CEDS, conclusions I, Observation interprétative, article 11, 31 décembre 1967, I_Ob_-43/Ob/FR.

[73] CEDS, conclusions XVII-2, Portugal, 30 juin 2005, XVII-2/def/PRT/11/3/FR.

[74] Sur ce sujet, voir Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., §§ 31-32.

[75] CEDS, décision du 6 décembre 2006, Fondation Marangopoulos pour les Droits de l’Homme (FMDH) c. Grèce, réclamation n° 30/2005.

[76] Ibid., § 198.

[77] Ibid., § 201 et § 209.

[78] À l’instar du dérèglement climatique. Delmas-Marty M., « Les droits de l’homme dans un monde en mouvement : anciennes et nouvelles limites, refus de toute limite », Droits Fondamentaux, n° 15, 2017, p. 3.

[79] Ce constat est à propos du droit à un environnement sain. Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., § 16.

[80] Vinuales J., Moon S., Le Moli G., Burci G.L., « A Global Pandemic Treaty Should Aim for Deep Prevention », The Lancet, vol. 397, n° 10287, 2021, pp. 1791-1792.

[81] Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage, STE n° 176, Florence, 20 octobre 2000, Considérant 9.

[82] Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, STE n° 150, Lugano, 21 juin 1993, Considérant 2.

[83] Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, STE n° 104, Berne, 19 septembre 1979, Considérant 4.

[84] Ibid., Considérant 6 et Article 1 § 1.

[85] Breuer M., « Impact of the Council of Europe on national legal systems », in Schmahl S., Breuer M. (dir.), The Council of Europe. Its Law and Policies, Oxford University Press, 2017, § 36.04.

[86] Ibid., §§ 36.89 à 36.91.

[87] Boisson de Chazournes L., « Droits de l’homme et environnement : une relation évolutive », in Dialogue entre Juges, Conseil de l’Europe, 2020, p. 5.

[88] Cour EDH, arrêt du 20 mars 2008, Boudaïeva et autres c. Russie, req. n°s 15339/02, 21166/02, 20058/02, 11673/02 et 15343/02.

[89] Ibid., § 137 et §§ 150-152.

[90] Cour EDH, GC, arrêt du 30 novembre 2014, Öneryıldız c. Turquie, req. n° 48939/99.

[91] Ibid., § 101.

[92] Cour EDH, Boudaïeva et autres c. Russie, précité, §§ 135 et 137 ; Boisson de Chazournes L., « Droits de l’homme et environnement : une relation évolutive », op. cit., p. 5.

[93] CEDS, décision du 23 janvier 2013, Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) c. Grèce, réclamation n° 72/2011, § 151.

[94] Ibid., §§ 150-154 ; Voir aussi CEDS, observation interprétative sur le droit à la protection de la santé en temps de pandémie, 21 avril 2020.

[95] Cour EDH, arrêt du 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, req. n° 67021/01.

[96] Ibid., § 67.

[97] Comm. EDH, décision du 18 mai 1976, X c. Islande, req. n° 6825/74 ; voir aussi Marguénaud J.-P. et Maubernard C., « Animaux », op. cit., § 15.

[98] Cour EDH, arrêt du 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, req. n° 41666/98.

[99] Ibid., § 53 ; Les requérants obtiendront gain de cause sur le fondement de l’article 6 (droit à un procès équitable), car la Grèce n’avait pas fait exécuter la décision de justice interne annulant, justement pour des motifs de conservation de la faune locale (oiseaux, poissons et tortures de mer), les permis de construire de ces aménagements urbains (§ 32).

[100] CEDS, conclusions XV-2, Belgique, Article 11-3, 31 décembre 2001, XV-2/def/BEL/11/3/FR.

[101] UNEP, Preventing the next pandemic – Zoonotic diseases and how to break the chain of transmission, Frontiers Report Series, rapport du 6 juillet 2020.

[102] CEDS, conclusions XV-2, Danemark, Article 11-1, 31 décembre 2001, XV-2/def/DNK/11/1/FR.

[103] CEDS, décision du 6 décembre 2016, Fondation Marangopoulos pour les Droits de l’Homme (FMDH) c. Grèce, réclamation n° 30/2005.

[104] Roche B., Morand S., « Perte de biodiversité, prélude aux émergences virales », médecines/sciences, 2022, n° 38, pp. 1039-1042.

[105] Voir Michallet I., « Cour européenne des droits de l’homme et biodiversité », in Robert L., L’environnement et la Convention européenne des droits de l’homme, Cahiers de droit international, Bruylant, 2013, p. 94.

[106] Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, STE n° 172, Strasbourg, 4 novembre 1998, Considérant 3.

[107] Ibid., Article 2.

[108] Comité des Ministres, Mandat du Comité d’experts sur la protection de l’environnement par le droit pénal (PC-ENV), CM(2022)148-add2final, 23 novembre 2022.

[109] End Wildlife Crime, 1ère réunion Comité d’experts sur la protection de l’environnement par le droit pénal (PC-ENV) Strasbourg, Conseil de l’Europe – 3-4 avril 2023.

[110] Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., § 25.

[111] Ibid., §24.

[112] Cour EDH, arrêt du 18 février 1991, Fredin c. Suède, req. n° 12033/86, § 48.

[113] Cour EDH, arrêt du 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, req. n° 21861/03, § 79.

[114] Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., § 27.

[115] Cour EDH, GC, arrêt du 29 avril 1999, Chassagnou et autres c. France, req. nos 25088/94, 28331/95 et 28444/95.

[116] Ibid., § 74 et § 79.

[117] Ibid., § 85.

[118] Cour EDH, GC, arrêt du 26 juin 2012, Herrmann c. Allemagne, req. n9300/07, § 91.

[119] Ibid., § 93.

[120] Ibid., § 84.

[121] Michallet I., « Cour européenne des droits de l’homme et biodiversité », op. cit., p. 98.

[122] Pour une présentation synthétique de ces affaires : Ibid., p. 99.

[123] Par exemple : Cour EDH, arrêt du 19 juillet 2011, Varfis c. Grèce, req. n40409/08, §§ 30-31 ; Cour EDH, arrêt du 11 décembre 2008, Theodoraki c. Grèce, req. n° 9368/06, § 61 ; Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2007, ZANTE – Marathonisi c. Grèce, req. n14216/03, § 50.

[124] Cour EDH, Varfis c. Grèce, précité, §§ 30-32 ; Cour EDH, Theodoraki c. Grèce, précité, § 66 ; Cour EDH, ZANTE – Marathonisi c. Grèce, précité, §§ 49 et s.

[125] Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, STE n° 125, Strasbourg, 13 novembre 1987, Article 14.c

[126] Convention sur le paysage, STE n° 176, Florence, 20 octobre 2000, Article 6

[127] Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, STE n° 150, Lugano, 21 juin 1993, Articles 14 à 16

[128] CEDS, FMDH c. Grèce, précitée, § 203.

[129] Nivard C. « Le droit à un environnement sain devant la Cour européenne des droits de l’Homme », op. cit., § 10.

[130] Cour EDH, GC, Öneryıldız c. Turquie, précité, §§ 91-94 ; Cour EDH, Boudaïeva c. Russie, précité, §§ 138-142.

[131] Cour EDH, arrêt du 10 novembre 2004, Taşkın et autres c. Turquie, req. n° 46117/99, § 114 ; voir également, Cour EDH, Tătar c. Roumanie, précité, § 101.

[132] Cour EDH, Tătar c. Roumanie, précité, § 101.

[133] Cour EDH, arrêt du 17 février 2015, Guseva c. Bulgarie, req. n° 6987/07, § 41.

[134] Cour EDH, GC, Chassagnou e.a. c. France, précité.

[135] Ibid., § 117.

[136] Cour EDH, GC, Herrmann c. Allemagne, précité.

[137] Ibid., § 91.

[138] Cour EDH, GC, arrêt du 20 mai 1999, Bladet Tromso et Stensaas c. Norvège, req. n° 21980/93.

[139] Cour EDH, GC, arrêt du 30 juin 2009, Verein Gegen Tierfabriken Schweiz c. Suisse , req. n32772/02.

[140] Pour des faits identiques en Allemagne, la Cour a à l’inverse considéré que l’interdiction était proportionnée au motif légitime de l’État allemand de vouloir protéger les juifs résidant en Allemagne, la comparaison avec l’holocauste étant trop forte. Cour EDH, arrêt du 8 novembre 2012, Peta Deutschland c. Allemagne, req. n° 43481/09.

[141] Ibid., § 92.

[142] Cour EDH, GC, arrêt du 22 avril 2013, Animal Defenders International contre Royaume-Uni, req. n° 48876/08.

[143] Ibid., § 103.

[144] Voir par exemple Cour EDH, arrêt du 16 janvier 2014, Tierberfreier c. Allemagne, req. n° 45192/09. Pour plus de développements : Marguénaud J.-P. et Maubernard C., « Animaux », op. cit., § 24.

[145] Cour EDH, Taşkın et autres c. Turquie, op. cit., § 114.

[146] Boisson de Chazournes L., « Droits de l’homme et environnement : une relation évolutive », op. cit., p. 6.