L’année 2020 sera gravée dans les annales comme celle où les libertés et droits fondamentaux ont été restreints avec une intensité inégalée en temps de paix à l’échelle mondiale. Les bouleversements majeurs produits par la crise sanitaire de Covid-19, dont toutes les conséquences semblent encore inconnues, sont d’une telle ampleur qu’il ne serait pas exagéré d’inverser la formule fameuse du commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions sur l’arrêt Baldy du 10 août 1917 dans le sens où, en 2020, « la restriction (de police) est la règle, la liberté est l’exception ».
Pour la première fois, une menace épidémiologique affecte de manière simultanée l’ensemble de la population mondiale en s’attaquant directement aux traits biologiques communs de notre condition humaine. Pourtant il serait naïf de sous-estimer la place particulière qu’occupe chaque individu dans la configuration sociale puisqu’elle conditionne et détermine en grande partie son exposition au virus. De fait, la Covid-19 est venue s’installer dans des sociétés qui souffraient déjà, bien qu’à des degrés divers selon les pays, d’une forte inégalité sociale et économique. La crise sanitaire a dévoilé sans ambiguïté, et a montré à ceux qui les ignoraient, les conditions de vie, voire de subsistance, souvent extrêmement difficiles qu’endure une partie importante de la population mondiale.
Dans ce contexte, un nouveau clivage s’est produit dans les États qui ont mis en place des confinements généralisés en séparant d’un côté ceux qui ont pu s’organiser pour quitter le moins possible leur domicile, et rester à l’abri du virus, et de l’autre ceux qui n’ont eu d’autre choix que de se confronter directement à celui-ci pour pourvoir aux besoins essentiels de la société. Ce clivage de type conjoncturel n’est en réalité que la partie émergée d’un iceberg d’inégalités beaucoup plus profond, alimenté par une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent. C’est à juste titre que le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a affirmé en juillet 2020 que : « bien que le nouveau coronavirus affecte chaque personne et communauté, il ne le fait pas de façon très égale. Il a plutôt révélé et exacerbé les inégalités et les injustices existantes »[1]. Le caractère global de la pandémie ne doit pas occulter le fait que toutes et tous ne sommes pas affectés de la même manière par cette crise sanitaire mondiale[2].
La présente contribution s’intéresse concrètement à la situation des droits des migrants en période de Covid-19. De manière générale, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme a souligné qu’« à travers le monde, les migrants peuvent être particulièrement vulnérables à la stigmatisation et à la discrimination et peuvent être exclus de l’accès aux droits par la loi, les politiques et la pratique, y compris dans le contexte de politiques de réponse de santé publique au COVID-19 et de relance »[3]. En particulier, sept aspects ont été identifiés comme névralgiques : 1) l’accès aux établissements de santé, aux biens et aux services ; 2) la situation des migrants vivant dans les camps ou dans les conditions dangereuses ; 3) le droit à un travail décent et à la protection sociale ; 4) le droit à l’éducation ; 5) la détention des migrants ; 6) la gestion des frontières ; et 7) la lutte contre la xénophobie. Les droits des migrants sont percutés de plein fouet et de manière transversale par la pandémie de coronavirus. Une analyse portant sur l’ensemble de ces problématiques dépasserait largement l’objectif de cette contribution. Notre propos est en réalité beaucoup plus modeste dans le sens où il s’agit ici d’analyser si les cours régionales de protection des droits de l’Homme, tant en Europe qu’en Amérique latine, sont susceptibles d’intervenir, en pleine pandémie, afin de protéger des personnes migrantes en situation de vulnérabilité extrême[4]. Cette étude trouve son origine dans un constat factuel : l’édiction par les cours régionales d’une série de mesures provisoires concernant les droits des migrants des deux côtés de l’Atlantique[5].
En droit, une mesure provisoire peut être définie comme « une mesure prise pour la durée d’un procès afin de régler momentanément une situation urgente en attendant une décision définitive »[6]. Les systèmes régionaux de protection des droits de l’Homme ont conçu les mesures provisoires comme un dispositif d’urgence, face à des situations d’extrême gravité, en vue d’éviter des dommages irréparables sur les personnes[7]. La Cour interaméricaine[8] et la Cour européenne[9] sont ainsi autorisées à ordonner aux États de prendre des mesures précises pour prévenir ou mettre un terme aux atteintes graves et irréparables aux droits de l’Homme. Alors que dans la pratique ces mesures sont dictées de manière tout à fait exceptionnelle, leur utilisation commune par ces deux cours régionales pour assurer la protection des migrants lors de la pandémie de Covid-19 interroge. S’agit-il d’une simple coïncidence ou, au contraire, ce phénomène révèle-t-il la capacité des cours supranationales de participer à la protection des droits dans un contexte de crise sanitaire globale ? En ce sens, l’analyse proposée ici se différencie d’une partie des études réalisées par la doctrine française, laquelle s’est particulièrement concentrée sur le recours au droit de dérogation prévu dans les conventions régionales des droits de l’Homme face au coronavirus[10]. Ces discussions ont tourné autour des choix politiques opérés par les États parties en donnant l’impression, sans le dire expressément, que les cours régionales ne pouvaient ni agir durant la pandémie, ni influencer de quelque façon ces choix étatiques[11]. L’hypothèse selon laquelle ces cours régionales peuvent jouer un rôle actif, même s’il est limité à des situations d’extrême urgence, semble pouvoir être défendue à partir de l’exemple des droits des migrants.
La présente contribution se propose donc d’étudier les mesures provisoires accordées par les cours régionales des droits de l’Homme[12] face aux risques particuliers de certains migrants en période de pandémie (I). L’importance de ces mesures sera évaluée en fonction de leur capacité à s’attaquer à des situations de vulnérabilité extrême, accentuées par la crise sanitaire (II).
I. L’adoption des mesures provisoires par les cours régionales en faveur de certains migrants en période de pandémie
Le jour même où le président de la République française, Emmanuel Macron, annonçait le confinement de la France entière (le 16 mars 2020), la Cour de Strasbourg prenait des mesures exceptionnelles pour assurer la continuité de ses activités essentielles, y compris « des procédures (…) pour que les demandes urgentes de mesures provisoires en application de l’article 39 du règlement de la Cour puissent être examinées »[13]. De l’autre côté de l’Atlantique, le 17 mars 2020, la Cour de San José décidait de suspendre tous les délais impartis dans les procédures pendantes devant elle, à l’exception des délais relatifs aux mesures provisoires[14].
Le mécanisme des mesures provisoires a fait preuve de toute son utilité dans la protection en urgence des migrants en situation de vulnérabilité extrême face au coronavirus (A). Les mesures provisoires adoptées par les cours régionales des droits de l’Homme montrent qu’en réalité la pandémie n’a fait qu’aggraver une situation de vulnérabilité préexistante (B).
A. La situation de vulnérabilité extrême de certains migrants face au coronavirus
Rester à la maison, pratiquer la distanciation physique, maintenir une hygiène stricte, se laver fréquemment les mains, en utilisant de l’eau et du savon, voilà quelques indications en apparence simples préconisées par les gouvernements pour désamorcer la courbe de contamination et lutter contre la pandémie du coronavirus. Il est néanmoins choquant de constater qu’en 2020 ces mesures sont impossibles à respecter pour des milliers de personnes à cause de leur situation de migration[15]. Plusieurs experts ont signalé que « les trois quarts des réfugiés et de nombreux migrants à travers le monde se trouvent dans des régions en développement où les systèmes de santé sont souvent insuffisants et déjà surchargés. Beaucoup vivent dans des camps, des sites d’installation, des abris de fortune ou des centres d’accueil surpeuplés, où ils n’ont pas d’accès satisfaisant aux services de santé, à l’eau potable et à un système d’assainissement adéquat »[16]. En fait, l’absence de mesures effectives de la part de certains États pour protéger les migrants vulnérables face au coronavirus a conduit ces derniers à faire appel aux cours régionales pour qu’elles interviennent en urgence afin de prévenir des dommages graves et irréparables à leur encontre.
La Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après, « Cour EDH » ou « Cour européenne ») a été sollicitée très vite et à plusieurs reprises dans le cadre de l’article 39 de son règlement. En effet, lors du dialogue virtuel entre les trois Cours régionales des droits de l’Homme sur l’impact de la Covid-19 qui a eu lieu le 9 juillet 2020[17], le Juge Arfinn Barsen a affirmé qu’environ 220 demandes en indication de mesures provisoires liées à la crise sanitaire ont été envoyées à la Cour EDH. Il est néanmoins extrêmement difficile d’établir le nombre exact de sollicitations relatives aux droits de migrants en raison de l’obscurité absolue et du manque d’information détaillée sur le système des mesures provisoires de la Cour européenne. La quasi-totalité de ces décisions ne sont ni rendues publiques ni disponibles sur la base de données de jurisprudence HUDOC. En outre, le tableau statistique publié sur le site web de la Cour EDH[18] fait seulement état du nombre de mesures provisoires acceptées (au total 109) et refusées (au total 397), entre le 1er janvier et 30 juin 2020, sans préciser leur objet. Sur la base d’un ensemble d’informations éparpillées, principalement obtenues des sites web d’ONG et d’associations veillant à la protection des droits de migrants, il a été possible de reconstruire un aperçu, certes incomplet mais représentatif, des mesures provisoires accordées pendant la pandémie. Ces mesures concernent l’extradition d’une personne détenue au Royaume-Uni, un mineur étranger non accompagné en France et les camps de migrants en Grèce.
En premier lieu, le 24 mars 2020, la Cour EDH a suspendu provisoirement l’extradition aux États-Unis d’Amérique d’un homme de 60 ans souffrant de plusieurs problèmes de santé dont le diabète et l’asthme[19]. Le requérant a été arrêté à Londres en 2017 à la suite d’une demande d’extradition du gouvernement des Etats-Unis pour trafic de stupéfiants. Il conteste la décision de l’extrader en arguant pouvoir être exposé à un risque de traitement inhumain et dégradant dans l’État d’accueil en raison des « conditions de détention inadéquates du fait de la pandémie de Covid-19 » et d’une possible réclusion à perpétuité.
En deuxième lieu, le 30 mars 2020, une demande en indication de mesures provisoires a été envoyée à la Cour EDH en faveur d’un mineur non accompagné de nationalité guinéenne qui se trouvait sans domicile en pleine crise sanitaire de Covid-19. En effet, il a été laissé à la rue à la suite d’une décision administrative de refus de prise en charge adoptée le 9 mars, juste avant la mise en place du confinement en France, par le Conseil départemental de la Haute-Vienne[20]. Au niveau interne, le Tribunal administratif de Limoges, saisi en référé liberté, a décidé le 27 mars que cette décision administrative ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale aux droits fondamentaux du requérant[21]. Face à l’urgence de la situation et au risque imminent lié au coronavirus, l’avocat de ce dernier s’adresse au juge supranational pour lui demander « d’enjoindre l’État de mettre le requérant à l’abri sans délai, sous forme d’hébergement, vêture, nourriture et accès aux soins médicaux, jusqu’à ce que la Cour ait statué ou, subsidiairement, jusqu’à ce que le juge des enfants ait statué ou [jusqu’à] la fin de l’état d’urgence sanitaire en France ». Faisant preuve d’une grande réactivité, la Cour EDH ordonne à la France, le 30 mars, « dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, d’assurer le logement et l’alimentation du requérant jusqu’à la fin du confinement imposé à la population »[22].
En troisième lieu, les conditions de vie indignes et insalubres qui caractérisent les « centres d’accueil et d’identification » de migrants en Grèce ont occupé une grande partie du travail de la Cour européenne en période de pandémie. Le 17 mars, le gouvernement grec a pris les premières mesures visant à empêcher la propagation du coronavirus dans ces centres comme, par exemple, la limitation des sorties, la suspension d’activités collectives et l’interdiction d’accès aux visiteurs. Le 27 mars, dans le cadre d’une demande en indication de mesures provisoires, l’exécutif grec a informé la Cour EDH des dispositions générales qu’il avait prises pour lutter contre la pandémie dans les camps de migrants et a annoncé de nouvelles mesures comme, par exemple, le nettoyage quotidien des espaces intérieurs et communs et une campagne d’information sur les gestes barrières dans différentes langues. Le 29 mars, la Cour européenne a ordonné au gouvernement grec à la fois de préciser les mesures prises en relation avec le camp de Samos et de prendre des mesures pour protéger un certain nombre de demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité, notamment deux mères et leurs nouveau-nés, une femme enceinte, une femme nécessitant une intervention chirurgicale vitale et un mineur non accompagné souffrant de graves problèmes de santé mentale[23].
Quelques jours plus tard, le 1er avril 2020, la Refugee Law Clinic Berlin e.V. (RLCB) a signalé à la Cour EDH l’insuffisance des mesures gouvernementales par rapport à une affaire pendante devant elle, relative à une mère et son nouveau-né situés au camp de Samos. En l’espèce, la RLCB a demandé à la Cour d’ordonner « the evacuation of individuals residing in and around the RIC Samos, with priority given to vulnerable individuals such as the applicant and her new-born baby, is the only measure that is adequate to protect such individuals from the risks arising from the spread of Covid-19. The vulnerable applicant and her new-born child therefore should be transferred immediately and provided with appropriate and safe accommodation and living conditions as per the Court’s indicated measures »[24]. Pourtant, le 3 avril 2020, la Cour EDH a évalué de manière positive les mesures prises par le gouvernement et a rejeté cette demande de mesures provisoires en signalant : « It further trust that the Gouvernement continue their efforts to find solutions to reduce overcrowding in the R.I.C.s and camps »[25].
L’attitude de la Cour européenne face au gouvernement grec va évoluer rapidement compte tenu de la dégradation extrême de la situation des migrants dans les camps[26]. En effet, début avril, deux des 38 camps installés sur le territoire grec ont été placés en quarantaine après l’apparition de plusieurs cas de Covid-19[27]. Le surpeuplement excessif des camps[28], la pénurie de masques et de tests de dépistage ainsi que le manque chronique d’accès aux services fondamentaux – notamment en matière d’eau, d’assainissement, de produits d’hygiène et de soins de santé – ont aggravé la situation, décuplant le risque de contagion pour les migrants résidant dans ces camps[29]. Avec l’aide financière d’urgence de l’Union européenne[30], le gouvernement grec a proposé un plan pour décongestionner les camps de migrants en donnant la priorité à l’évacuation d’un nombre réduit de personnes de plus de 60 ans, de malades et de membres de leurs familles[31]. Ces mesures gouvernementales se sont montrées très insuffisantes face à l’ampleur de la crise sanitaire et humanitaire.
C’est pourquoi, à partir d’avril 2020, une série de mesures provisoires relatives à plusieurs camps de migrants en Grèce sera adoptée par la Cour EDH. Sans pouvoir être exhaustif, il a été possible d’en repérer au moins six : 1) le 7 avril, la Cour européenne ordonna aux autorités grecques de transférer un vieil homme souffrant de problèmes de santé hors du camps de Vial et de lui fournir des soins et une assistance adéquats[32] ; 2) le 9 avril, la Cour ordonna le transfert d’une femme enceinte située au camp de Samos dans un logement offrant des conditions de vie compatibles avec l’article 3 de la Convention et les besoins particuliers de la requérante[33] ; 3) le 16 avril, la Cour ordonna le transfert immédiat de plusieurs personnes vulnérables hors de Moria[34], où les résidents sont confrontés à de graves risques pour leur santé[35] ; 4) une décision similaire a été prise dans l’affaire E.I. et autres c. Grèce pour assurer le transfert de plusieurs personnes hors du camp de Moria[36] ; 5) le 29 avril, la Cour ordonna le transfert de sept mineurs non accompagnés hors du camp de Samos[37] ; 6) le 27 mai, la Cour ordonna à la Grèce d’assurer des soins de santé et des conditions de vie adéquats à une femme enceinte vivant au camp de Pyli sur l’île de Kos[38]. En juillet 2020, un plan de relogement a été mis en place pour transférer 1 600 mineurs non accompagnés résidant dans les camps de migrants vers une dizaine de pays. En outre, le 8 septembre, le gouvernement grec a décidé d’imposer un « confinement sanitaire total » dans trois camps de migrants face à l’apparition de nouveaux cas de Covid-19. Malgré nos recherches, il n’a pas été possible d’identifier l’adoption d’autres mesures provisoires plus récentes par la Cour EDH.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’intervention de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (ci-après, « Cour IADH » ou « Cour interaméricaine ») a été beaucoup plus ponctuelle mais non moins importante. En effet, conformément à l’article 27.6 du Règlement de la Cour, une ordonnance de mesures urgentes[39] a été adoptée le 26 mai 2020 dans l’affaire Vélez Loor concernant deux « centres d’accueil pour migrants », ‘La Peñita’ et ‘Laja Blanca’, au Panama[40]. La Présidente de la Cour IADH, Elizabeth Odio Benito, a ordonné à l’État de protéger le droit à la santé, à la vie et à l’intégrité personnelle de tous les migrants retenus dans ces deux centres face aux risques élevés de contamination par la Covid-19 en raison, notamment, des conditions de surpeuplement[41], du manque de services de santé adéquats et de la durée des rétentions administratives, la fermeture des frontières et les restrictions de mouvement ayant eu un impact sur leur prolongation. Le 15 juin, de manière tout à fait originale[42], la Cour a convoqué les parties à une audience publique virtuelle qui a eu lieu le 9 juillet dans le cadre de la 135e période ordinaire de sessions du tribunal. Le 29 juillet, conformément à l’article 63.2 de la Convention américaine et à l’article 27.3 de son Règlement, la Cour IADH a accordé des mesures provisoires en ratifiant l’ordonnance de sa Présidente du 26 mai 2020[43].
Toutes ces mesures provisoires adoptées par les cours régionales des droits de l’Homme montrent la situation de vulnérabilité extrême de certains migrants face au coronavirus. Il est clair qu’en période de pandémie les obligations conventionnelles des États envers ces personnes ne font que se renforcer. Il convient pourtant de préciser que cette situation de vulnérabilité n’est pas nouvelle puisqu’elle existait déjà bien avant la crise sanitaire. En réalité, elle n’a fait que s’aggraver par les effets du virus.
B. L’aggravation par le virus d’une situation de vulnérabilité préexistante
Les mesures provisoires des cours régionales des droits de l’Homme gardent un lien étroit avec la protection des droits des migrants en situation de vulnérabilité[44]. Depuis longtemps, il a été constaté une croissance exponentielle de l’utilisation de ces mesures en vue de protéger la vie et l’intégrité physique des personnes migrantes en Europe[45]. Il convient de noter que toutes les mesures provisoires évoquées précédemment, adoptées durant la pandémie, semblent faire écho à des situations antérieures déjà bien connues par les cours régionales. Il s’agit en effet d’un facteur fondamental qui pourrait expliquer l’intervention rapide de ces cours dans un contexte de crise sanitaire très complexe et plein d’incertitudes.
En premier lieu, la jurisprudence de la Cour européenne est constante par rapport aux procédures d’expulsion ou d’extradition des migrants lorsqu’il existe un risque réel de subir un traitement inhumain ou dégradant en violation de l’article 3 de la Convention[46]. Dans de telles circonstances, la Cour EDH impose l’obligation aux États de ne pas expulser ou extrader la personne concernée vers le pays d’accueil. L’originalité de la mesure provisoire ordonnée le 24 mars 2020 dans l’affaire Muhammed Asif Hafeez c. le Royaume-Uni tient au fait que la Cour EDH prend très au sérieux l’éventuel risque de contamination par la Covid-19 et n’hésite pas à demander aux parties : « Having particular regard to the ongoing Covid-19 pandemic, if the applicant were to be extradited would there be a real risk of a breach of Article 3 of the Convention on account of the conditions of detention he would face on arrival ? »[47]. La Cour considère donc que cette nouvelle problématique nécessite un examen plus approfondi quant à l’impact du coronavirus sur les conditions de détention d’un requérant âgé et malade[48]. Lorsqu’elle demande à l’État de présenter ses observations écrites, la Cour EDH admet implicitement que la requête n’est pas, à première vue, infondée[49]. La décision de la Cour dans cette affaire peut avoir des implications importantes dans d’autres affaires d’extradition ou d’expulsion d’étrangers, s’agissant notamment de l’impact du coronavirus sur leurs conditions de détention au sein des États d’accueil.
En deuxième lieu, les défaillances des autorités françaises face aux droits des mineurs étrangers non accompagnés ne trouvent pas leur origine avec le coronavirus[50]. De nombreux mineurs sont abandonnés à leur sort en France et sont systématiquement exposés aux dangers de la rue et à des conditions de vie dégradantes[51]. Deux problèmes majeurs du dispositif français de prise en charge des mineurs isolés étrangers peuvent être signalés : d’une part, l’absence de recours suspensif contre la décision administrative provisoire de refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance ; d’autre part, le non-respect de la présomption de minorité[52]. Ces problématiques font l’objet d’un contentieux pendant devant la Cour EDH dans l’affaire SMK, qui concerne une mineure isolée d’origine camerounaise qui a été contrainte de vivre dans des conditions d’extrême précarité entre fin septembre 2018 et fin janvier 2019[53]. Le 15 mars 2019, bien avant la pandémie de coronavirus, la Cour européenne avait ordonné des mesures provisoires afin que cette mineure puisse bénéficier d’une prise en charge dans l’attente de l’examen de son recours devant le juge des enfants et la Cour d’appel[54].
Par ailleurs, le 28 févier 2019, la France a été condamnée pour violation de l’article 3 de la Convention dans l’affaire Khan pour n’avoir pas pris toutes les mesures raisonnables pour protéger un mineur afghan non accompagné[55]. En l’espèce, la Cour EDH a souligné l’extrême vulnérabilité du requérant, un enfant qui a vécu pendant des mois dans la précarité et a été exposé en permanence à la menace de subir des violences physiques et notamment sexuelles. La Cour EDH affirme que, « dans les affaires relatives à l’accueil d’étrangers mineurs, accompagnés ou non accompagnés, il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal »[56]. Le point commun de ces affaires avec la situation des mineurs migrants étrangers en période de pandémie réside dans le renforcement des obligations positives des États pour ne pas les exposer à des conditions de vie dégradantes, dangereuses et précaires.
En troisième lieu, les mesures provisoires des cours régionales des droits de l’Homme relatives aux camps de migrants en Grèce et au Panama pointent du doigt l’aggravation sans précèdent d’une crise humanitaire qui dure depuis longtemps.
En effet, les mesures provisoires de la Cour interaméricaine relatives aux deux « centres d’accueil pour migrants » au Panama ont la particularité d’avoir été prononcées dans le cadre de l’exécution de l’arrêt[57] Vélez Loor du 23 novembre 2010[58]. Cette affaire portait sur les conditions d’arrestation et de détention d’un migrant en situation irrégulière entre 2002 et 2003 au Panama[59]. En l’espèce, la Cour IADH déclara la violation de différents droits consacrés dans la Convention américaine, notamment la liberté personnelle, les garanties judiciaires, l’intégrité personnelle, l’accès à la justice sans discrimination, ainsi que les articles 1, 6 et 8 de la Convention interaméricaine pour prévenir et sanctionner la torture. Dans le point 15 du dispositif de son arrêt de 2010, la Cour IADH imposa à l’État de procéder à la mise en adéquation des établissements destinés à la détention des personnes pour des motifs migratoires aux standards internationaux. Il s’agit pour la Cour IADH d’une garantie de non-répétition qui dépasse le seul intérêt de la victime en l’espèce. Elle cherche à éviter plus largement le fait que d’autres personnes puissent souffrir des mêmes violations. C’est donc dans ce cadre que, le 7 mai 2020, les représentants de M. Vélez Loor ont demandé à la Cour IADH les mesures provisoires « en faveur des personnes migrantes placées dans le centre ‘La Peñita’ », alors même que leur client n’était pas directement concerné. Par ailleurs, la Cour IADH a élargi muto propio les bénéficiaires de la demande de mesures provisoires aux personnes placées dans le Centre ‘Lajas Blancas’[60]. Le lien entre la situation des migrants retenus en période de pandémie et l’affaire initiale a été soigneusement établi par la Cour IADH. Pour elle, un tel lien existe dans la mesure où la demande en indication de mesures provisoires concerne à la fois une mesure de réparation ordonnée par la Cour dans son arrêt de 2010 et les conditions que devaient remplir les centres de détention de migrants dans cette région en 2020[61].
En Europe, la tragique crise humanitaire des migrants a retenu l’attention de la Cour européenne depuis quelques années, notamment par rapport à la Grèce. Avant même l’arrivée de la Covid-19, le gouvernement grec a été accusé systématiquement de ne pas respecter ses obligations internationales en matière de conditions de vie digne, de soins de santé, de nutrition, d’accès à l’eau, d’assainissement et de literie pour les migrants[62]. La Cour EDH a déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur la situation critique des migrants en Grèce[63], notamment celle des mineurs[64] non accompagnés retenus dans les postes de police[65] et celle des femmes enceintes, des jeunes mères et de leurs nouveau-nés[66]. Il convient d’étudier en particulier deux arrêts récents dans lesquels la Cour EDH s’est spécifiquement penchée sur les conditions des migrants au sein des centres d’accueil sous l’angle de l’article 3 de la Convention.
Dans son arrêt du 25 janvier 2018 (affaire J.R. et autres c. Grèce), la Cour EDH reconnaît la situation d’urgence à laquelle ont dû faire face les autorités grecques en 2016 à la suite d’un fort afflux de migrants et les difficultés matérielles qui en ont découlé[67]. Dans cet arrêt, « la Cour rappelle que, eu égard au caractère absolu de l’article 3, les facteurs liés à un afflux croissant de migrants ne peuvent pas exonérer les États de leurs obligations d’assurer à toute personne privée de sa liberté des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine ». Pourtant, bien qu’ayant constaté les conditions précaires et les carences matérielles des migrants dans le camp de Vial, la Cour EDH ne déclare pas la violation de l’article 3 puisqu’elle estime que le seuil de gravité pour que leur détention soit qualifiée de traitement inhumain ou dégradant n’a pas été atteint[68]. Ensuite, dans l’arrêt du 3 octobre 2019 (affaire Kaak et autres c. Grèce), la Cour EDH a également conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention concernant les conditions de détention des requérants. La Cour a jugé que les conditions de détention au camp de Souda n’avaient pas constitué un traitement inhumain ou dégradant[69]. Bien que peu probable, il serait intéressant de voir si la jurisprudence de la Cour va évoluer vers une déclaration de violation de l’article 3 de la Convention face aux conditions des migrants au sein des camps pendant la pandémie de Covid-19.
Au regard de ces éléments de contexte, il est possible d’affirmer que la situation de certains migrants n’a fait que s’aggraver en raison de la pandémie de coronavirus. La question se pose désormais de savoir à quel point les mesures provisoires adoptées par les cours régionales pour les protéger peuvent remédier à une situation de vulnérabilité extrême qui semble être structurelle.
II. La portée préventive des mesures provisoires relatives aux migrants en situation de vulnérabilité extrême
Les cours régionales des droits de l’Homme n’indiquent des mesures provisoires aux États que lorsqu’elles considèrent que le requérant est exposé à un risque réel et immédiat de dommages graves et irréparables en l’absence de telles mesures. Ce mécanisme de protection est de type exceptionnel et ne peut pas se confondre avec le litige principal qui se déroule en général de manière indépendante et parallèle. En effet, l’édiction ou non de mesures ne détermine ni la recevabilité ni le fond des affaires soumises aux cours régionales.
Le contexte de pandémie ne change en rien la nature des mesures provisoires. Leur portée se borne exclusivement à prévenir les risques immédiats produits par le coronavirus (A). Celles-ci disposent d’un caractère palliatif pour s’attaquer, autant que faire se peut, à des problèmes d’ordre structurel beaucoup plus profonds (B).
A. L’adéquation circonstanciée des mesures provisoires par rapport aux risques produits par le coronavirus
Le trait caractéristique des mesures provisoires réside dans leur fonction préventive. Dans cette logique, les cours régionales des droits de l’Homme indiquent généralement aux États deux types d’injonctions. D’une part, s’abstenir de certaines actions susceptibles de violer les droits du requérant. Par exemple, dans les affaires d’extradition ou d’expulsion, les cours peuvent demander aux États de ne pas extrader[70] ou de ne pas expulser[71] le requérant avant de décider si une telle mesure constitue une atteinte aux droits de l’Homme. D’autre part, d’entreprendre certaines actions positives pour améliorer la situation du requérant ou protéger un élément essentiel pour l’examen d’une requête. Par exemple, les cours peuvent demander aux États de transférer le requérant vers un hôpital ou de lui fournir des soins médicaux[72].
Le contexte de crise sanitaire n’a pas bouleversé la nature préventive des mesures provisoires. En effet, les injonctions prononcées par les cours régionales ont visé à éviter des dommages irréparables aux droits des migrants en situation de vulnérabilité extrême. La Cour IADH a protégé leurs droits à la santé, à la vie et à l’intégrité personnelle consacrés aux articles 26, 4 et 5 de la Convention américaine. La Cour EDH s’est prononcée par rapport à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants sous l’angle de l’article 3 de la Convention européenne. Les deux cours régionales des droits de l’Homme ont circonscrit leur intervention durant la pandémie de coronavirus à un cadre classique en matière d’injonctions adressées aux États.
En ce qui concerne les « obligations négatives », dans l’affaire Muhammed Asif Hafeez, la Cour EDH a ordonné au Royaume-Uni de s’abstenir d’extrader le requérant en raison de l’incertitude concernant l’impact de la Covid-19 sur les conditions de détention au sein de l’État d’accueil. Quant aux « obligations positives », la Cour EDH a cherché à extraire physiquement les requérants des endroits où ils étaient particulièrement exposés au virus et à leur garantir des conditions de vie compatibles avec la dignité humaine. D’un côté, la France a dû assurer le logement et l’alimentation d’un mineur étranger non accompagné qui avait été laissé à la rue et cela « jusqu’à la fin du confinement imposé à la population »[73]. De l’autre, les autorités grecques sont systématiquement requises de transférer les requérants retenus au sein de centres d’accueil de migrants dans des logements compatibles avec leur état de santé. Les conditions de précarité extrême des camps de migrants en Grèce font que la seule mesure efficace pour prévenir des dommages graves résultant de la Covid-19 est l’évacuation immédiate des personnes vulnérables. S’agissant des personnes âgées, des malades, des femmes enceintes ou de celles qui ont récemment accouché, la Cour EDH a également ordonné à l’État de garantir un accès rapide, approprié et sans entrave à des soins de santé adéquats en priorisant l’évaluation des personnes en fonction de leur état de vulnérabilité. Dans toutes les ordonnances relatives aux camps de migrants en Grèce, la Cour EDH prend le soin d’établir le lien précis entre les mesures provisoires qu’elle ordonne et le contexte de crise sanitaire. La Cour EDH insiste sur le fait que l’État doit veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour tenter de protéger les requérants du risque de la Covid-19. En particulier, « [f]or the Court, it is also indispensable that all necessary measures be taken to provide the applicant with basic items such as sufficient food, water, soap, in order for the applicant to be able to comply with personal hygiene requirements »[74].
Les mesures provisoires accordées par la Cour interaméricaine convergent avec celles de la Cour européenne dans le sens où l’État, en l’occurrence le Panama, doit garantir, immédiatement, efficacement et sans discrimination, l’accès aux services de santé essentiels, y compris la détection précoce et le traitement de la Covid-19. De manière beaucoup plus audacieuse, la Cour IADH consacre plusieurs paragraphes de son ordonnance (§§ 22-35) à l’établissement d’un cadre juridique très précis pour que l’État puisse, en période de pandémie, « continuer à prendre toutes les mesures adéquates pour protéger efficacement » toutes les personnes qui se trouvent dans les centres d’accueil de migrants ‘La Peñita’ et ‘Laja Blanca’ dans la province du Darién[75]. La Cour IADH précise que les « circonstances exceptionnelles » dues à la pandémie impliquent pour les États l’obligation de prendre des « mesures additionnelles et adéquates » pour protéger les personnes de la Covid-19. Dans ce cadre, la Cour affirme que « toutes les personnes, y compris celles qui sont en situation de mobilité humaine, quelque soit leur situation migratoire, doivent être prises en compte dans les réponses [destinées à faire face] à la crise actuelle et aux inégalités préexistantes, exacerbées par la propagation du virus »[76].
Ce rappel de la Cour IADH est fort utile dans la mesure où la crise sanitaire ne peut se transformer en excuse pour exonérer les États de leurs obligations internationales. Comme l’affirment Maxime Leardini et Mathias Petel, « au-delà du risque pour la santé encourue par ces populations face au virus, la réaction des autorités – ou leur absence de mesures bien plus souvent – peuvent exacerber les menaces pour les droits fondamentaux des personnes vulnérables. Se créent alors des citoyens de seconde zone, délaissés par les autorités et dont les besoins sont oubliés dans la gestion de crise. Il n’est jamais inutile de rappeler qu’en temps de crise, les droits fondamentaux et particulièrement ceux des plus vulnérables, constituent une priorité et non un accessoire »[77]. Dans cette logique, et compte tenue de la position de garant de l’État face aux personnes retenues dans les centres d’accueil de migrants, la Cour interaméricaine n’hésite pas à dresser un catalogue très détaillé de 15 « mesures rigoureuses » qui doivent être prises par le Panama pour faire face à la Covid-19[78]. Avec une approche intersectionnelle, la Cour IADH ordonne, entre autres, de réduire au maximum la surpopulation au sein des centres de migrants, de faire en sorte que les gestes barrières et les mesures sanitaires puissent être respectés, de garantir des conditions de vie dignes pour les migrants, d’établir des protocoles et plans de prévention, de fournir l’information et les éléments matériels nécessaires pour lutter contre la contagion du coronavirus et de faciliter la prise en charge des migrants malades et l’accès gratuit aux services médicaux.
Contrairement à son homologue européenne, la Cour interaméricaine saisit l’occasion pour s’attaquer directement et avec force à une situation structurelle de vulnérabilité extrême des migrants, accentuée dramatiquement par la pandémie. Cette différence d’approche s’explique principalement par deux facteurs : d’une part, l’ampleur démesurée de la crise humanitaire des migrants en Grèce n’est pas comparable à celle du Panama ; d’autre part, la configuration propre qui distingue chaque système régional de protection des droits de l’Homme[79]. Il convient en effet de noter que la Cour interaméricaine n’est pas un tribunal permanent et que, selon l’article 63.2 de la Convention américaine, elle ne peut être saisie d’une demande en indication de mesures provisoires que dans deux circonstances : soit « à l’occasion d’une espèce dont elle est saisie », sachant qu’il faut d’abord passer par la Commission interaméricaine avant d’arriver éventuellement devant la Cour[80] ; soit, « s’il s’agit d’une affaire dont elle n’a pas encore été saisie, elle pourra prendre de telles mesures sur requête de la Commission ». Avec l’affaire Vélez Loor, c’est dans la première hypothèse que la Cour IADH intervient puisqu’elle le fait au stade de la surveillance de l’exécution d’un arrêt prononcé en 2010. Tandis que les bénéficiaires des mesures provisoires accordées par la Cour européenne sont individualisés et ne concernent que quelques personnes clairement identifiées, la Cour interaméricaine couvre un ensemble des personnes potentiellement identifiables, car placées dans deux centres d’accueil de migrants pris en charge par l’État. Par conséquent, la technique de la Cour interaméricaine ne consiste pas à les faire sortir une par une des camps de migrants, au gré des requêtes et selon leur condition particulière comme semble procéder la Cour européenne, mais de changer profondément les conditions de séjour des migrants retenus dans ces camps pour que l’État remplisse correctement ses obligations internationales. Il s’agit donc d’une garantie de non-répétition par rapport à une série de violations de la Convention constatée par le passé. Dans son approche universaliste, la Cour interaméricaine s’adresse principalement au Panama, mais aussi indirectement à l’ensemble des États américains et au-delà.
Malgré toutes ces différences, il nous semble que les mesures provisoires accordées pour faire face à la situation de vulnérabilité extrême des migrants face au coronavirus convergent dans leur finalité préventive. Dans le contexte de crise sanitaire, les deux cours régionales des droits de l’Homme sont confrontées à des problèmes structurels très complexes et profonds. Leurs mesures provisoires bien qu’importantes n’ont en réalité qu’un caractère palliatif très limité.
B. Le caractère palliatif des mesures provisoires face à des problèmes d’ordre structurel plus profonds
Les mesures provisoires des cours régionales des droits de l’Homme sont venues renforcer la protection en urgence des migrants en situation de vulnérabilité extrême face au coronavirus. Ces mesures ont été accordées dans un contexte particulier de pandémie totalement inconnu pour tous, y compris pour les États et pour les cours régionales. En effet, ce contexte se caractérise par un ensemble d’incertitudes et de contradictions scientifiques qui n’ont pas encore été élucidées. Les États sont alors confrontés à des défis d’une grande complexité dans le cadre d’une crise sanitaire, sociale, économique et humanitaire sans précédent. Il convient donc de s’interroger sur la pertinence et l’effectivité des mesures provisoires en période de pandémie.
D’un point de vue théorique, le Professeur Kanstantsin Dzehtsiarou affirme que : « although interim measures can be effective in some extreme cases, they cannot change the situation strategically. This current crisis is clearly not the right case for using “sweeping” interim measures as the Court did in some recent inter-state cases. I do not think that the Court has legitimacy, mandate and expertise to stop the state from certain practical measures unless these measures are manifestly in violation of the convention »[81]. Au regard des mesures provisoires étudiées précédemment, on ne peut que confirmer la conclusion du Professeur Dzehtsiarou dans le sens où l’intervention des cours régionales n’a qu’un caractère palliatif et ne peut pas changer structuralement la situation de vulnérabilité extrême des migrants face au coronavirus. Pourtant, nous ne partageons pas les trois raisons liées à la légitimité, au mandat et à l’expertise des cours régionales de protection des droits de l’Homme qui semblent soutenir son analyse.
Tout d’abord, en ce qui concerne la légitimité des cours régionales, il convient de noter que les mesures provisoires ont été accordées conformément au principe de subsidiarité, en prenant en compte, au cas par cas, les difficultés du contexte de crise sanitaire ainsi que les mesures mises en place par les États pour lutter contre la pandémie. Les deux cours régionales n’ont point agi en voulant se substituer aux États dans la prise des décisions, mais ont simplement alerté des vides et des carences des politiques publiques étatiques par rapport à la situation d’extrême gravité et d’urgence de certains migrants.
En effet, la Cour EDH a précisé systématiquement dans toutes ses ordonnances relatives aux camps de migrants en Grèce : « The Court is very conscious of the difficulties faced by Greece in protecting its population, as well as all those are on its territory, from the spread of Covid-19 in the context of the present health crisis. The Court notes that a series of measures have been adopted by the Greek authorities against the appearance and spread of covid-19 in reception and identification centres (R.I.C.) throughout the territory as well as in refugee camps. In particular, a possibility of hospitalization and isolation of any eventual covid-19 case has been organized, and extra supplies for protection (masks, gloves, disinfectants) have been requested. The Court would stress that the actual availability of these supplies in the R.I.C.s is essential. It further trusts that the Government continue their efforts to find solutions to reduce overcrowding in the R.I.C.s and camps. As far as the applicant is concerned, the Court trusts that, within the general framework mentioned above, the Greek authorities will ensure that all necessary measures be taken in order to attempt protecting the applicant from Covid-19 risk ».
La Cour IADH a fait de même dans ses deux ordonnances relatives au Panama. En premier lieu, le 26 mai 2020, « [l]a présidente [de la Cour] apprécie les actions entreprises par l’État du Panama dans le cadre de la situation actuelle de la pandémie de Covid-19 pour « minimiser les risques et les vulnérabilités sociales » des personnes détenues à La Peñita ainsi que « [pour] pouvoir donner assistance humanitaire ». Il est positif que le Panama considère les migrants comme un groupe pour lequel il faut diriger des actions sanitaires afin d’atténuer l’impact de ladite maladie infectieuse, d’autant plus que cette maladie augmente leur situation de vulnérabilité »[82]. En second lieu, le 29 juillet 2020, « la Cour reconnaît les difficultés que l’État du Panama a connues du fait de la fermeture des frontières quant à la prise en charge des migrants qui doivent continuer à transiter vers d’autres pays, ainsi que ses efforts pour apporter une réponse à ladite situation au sein de sa juridiction »[83].
Ensuite, par rapport au mandat des cours régionales, la discussion dépasse évidemment la compétence d’adopter des mesures provisoires, reconnue de longue date et qui n’est d’ailleurs pas remise en cause[84]. Le débat se situe, semble-t-il, sur la possibilité des cours régionales d’ordonner des mesures pour faire face au coronavirus en pleine période de pandémie. À ce propos, il convient de noter que les mesures provisoires n’ont fait que rappeler aux États leurs obligations conventionnelles. Pour résumer, « les États ont, dans un premier temps, l’obligation négative de ne pas exposer les migrants aux conséquences de la pandémie. Ils ont aussi, dans un second temps, celle – positive – de prendre soin d’eux pendant cette période de confinement et d’assurer le respect de leurs droits fondamentaux »[85]. En tout état de cause, ces mesures provisoires n’ont pas créé des nouvelles obligations pour les États, mais les ont juste adaptées aux exigences de la crise sanitaire dans une logique préventive. Si les cours régionales ont dû intervenir en pleine période de pandémie, c’est seulement parce que les États n’ont pas réussi à garantir les droits de certains migrants en situation de vulnérabilité et, au contraire, les ont exposés à des risques susceptibles de porter une atteinte grave et irréparable à leurs droits fondamentaux. Il ne faut pas oublier que les cours régionales sont le dernier espoir pour des milliers des personnes qui ne trouvent pas satisfaction à leurs demandes de protection au niveau interne. En cela consiste précisément la raison fondamentale qui justifie l’existence des cours régionales de protection des droits de l’Homme.
Enfin, concernant l’expertise des cours régionales, il semble tout à fait possible de douter de la capacité des juges de Strasbourg et de San José de trouver les réponses épidémiologiques les plus appropriées pour lutter contre une pandémie, alors que le contexte global est empreint de nombreuses incertitudes. Pourtant, à la lecture des ordonnances dictées par les cours régionales, il est possible de constater que les mesures provisoires ordonnées aux États reprennent exactement les recommandations les plus consensuelles préconisées par des experts nationaux et internationaux en matière de distanciation physique, de gestes barrières et de conditions adéquates de vie et d’hygiène personnelle. Ces mesures se sont montrées impossibles à respecter pour des milliers des personnes en raison de leur situation de migration. En effet, toutes les personnes ne sont pas touchées de la même manière par la crise sanitaire et c’est pour essayer de pallier les situations les plus urgentes que les cours régionales ont agi dans le cadre des mesures provisoires. En outre, il a été également démontré que la situation de vulnérabilité des migrants précédait la crise sanitaire ; la Covid-19 n’a fait que l’accentuer. En effet, les deux cours régionales s’étaient déjà prononcées à plusieurs reprises sur les droits des migrants dans les États concernés par les mesures provisoires, notamment la France, la Grèce, le Royaume-Uni et le Panama. C’est précisément cette expertise acquise et consolidée par le passé qui a permis aux cours régionales d’intervenir rapidement en période de pandémie.
De manière générale, il est admis que la garantie des droits des migrants est confrontée depuis des années à des problèmes d’ordre structurel très complexes et profonds qui dépassent largement le simple cadre étatique[86], comme l’illustre la crise sanitaire actuelle. L’aspect palliatif des mesures provisoires tient précisément à l’impossibilité des cours régionales de résoudre ces problèmes structurels en période de pandémie. Ce n’est pas en ordonnant individuellement à certains États de prendre quelques mesures concrètes que les cours régionales peuvent s’attaquer à une crise humanitaire globale en matière de migration[87]. La Cour interaméricaine l’a très bien compris lorsqu’elle exhorte le Panama à continuer à promouvoir des dialogues multilatéraux avec les autres États, les organisations internationales et la société civile en vue de trouver des synergies, de la solidarité et une réponse régionale et globale aux défis résultant de la pandémie. En effet, « [à] la lumière du principe de responsabilité partagée et compte tenu des dimensions complexes et transfrontalières du phénomène migratoire, aggravées par la situation pandémique, la Cour juge pertinent de rappeler l’importance de promouvoir des dialogues aux niveaux national, bilatéral et régional pour générer les conditions qui permettront un transit sûr, ordonné et régulier, dans lequel les droits des personnes en situation de mobilité soient effectivement garantis »[88]. C’est pourquoi la Cour interaméricaine décide de communiquer son ordonnance de mesures provisoires au Secrétaire général de l’Organisation des États américains « afin que, dans le cadre de ses pouvoirs conformément à la Charte de l’OEA, il contribue à promouvoir le dialogue indiqué et à promouvoir des solutions régionales à [cette] situation »[89].
Une telle démarche serait bienvenue et fortement recommandée en Europe. Les États membres du Conseil de l’Europe, et ceux de l’Union européenne en particulier, devraient soutenir les efforts des États les plus confrontés et mis en difficulté par la double crise sanitaire et migratoire. La mise en place d’un système coordonné et permanent de partage des responsabilités semble nécessaire et urgente. Une des premières mesures à envisager serait de garantir des conditions dignes et humaines pour des milliers des personnes placées dans les camps de migrants ainsi que les moyens suffisants pour prévenir et lutter contre la Covid-19. La Cour européenne des droits de l’Homme pourrait, avec un peu d’audace et de courage, aider à construire les bases juridiques d’un tel projet en indiquant aux États, que ce soit dans le cadre contentieux, consultatif[90] ou des mesures provisoires[91], les standards minimums ainsi que les mesures urgentes à mettre en place pour protéger les migrants en situation de vulnérabilité extrême face au coronavirus.
Il est essentiel de rester attentif à l’évolution de la pandémie au niveau global et aux politiques publiques qui seront mises en œuvre par les États pour y faire face. Les systèmes régionaux sont amenés à maintenir une vigilance accrue sur les possibles atteintes aux droits de l’Homme en cette période inédite. En cas d’urgence, les mesures provisoires des cours régionales des droits de l’Homme peuvent continuer à jouer un rôle important afin d’éviter des dommages graves et irréparables sur les droits des personnes.
[1] Voir, https://www.un.org/development/desa/fr/news/sustainable/sustainable-development-goals-report-2020.html
[2] Les effets de la pandémie semblent frapper plus fortement et de manière disproportionnée les personnes en situation de marginalisation, les plus pauvres et les plus vulnérables, notamment les femmes victimes de violence conjugale, les enfants, les personnes porteuses d’handicaps, les peuples autochtones, les personnes âgées, les personnes détenues, les migrants et les réfugiés.
[3] OHCHR, La Covid-19 et les droits de l’Homme des migrants : guide, 7 avril 2020.
[4] « Migratory vulnerability describes a cluster of objective, socially induced, and temporary characteristics that affect persons to varying extents and in different forms. It therefore should be conceptualized neither as group membership nor as a purely individual characteristic, but rather determined on a case-by-case basis and in reference to identifiable social processes » : M. Baumgärtel, « Facing the challenge of migratory vulnerability in the European Court of Human Rights », Netherlands Quarterly of Human Rights, vol. 38(1), 2020, p. 12.
[5] A notre connaissance, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples n’a pas encore édicté des mesures provisoires relatives aux droits des migrants pendant la pandémie de coronavirus. Voir, https://fr.african-court.org/index.php/54-list-of-cases-with-provisional-measures/448-liste-des-affaires-ayant-fait-l-objet-d-ordonnances-de-mesures-provisoires Selon l’article 27(2) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, « dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s’avère d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes ». L’article 51(1) de son Règlement intérieur précise que « la Cour peut, soit à la demande d’une partie ou de la Commission, soit d’office, indiquer aux parties toutes mesures provisoires qu’elle estime devoir être adoptées dans l’intérêt des parties ou de la justice ».
[6] G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2016, 11e éd., p. 657.
[7] Voir, H. Ruiz-Fabri et J-M. Sorel (dir.), Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le contentieux devant les juridictions internationales, regards croisés, Paris, Pedone, 2001 ; G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss (dir.) Mesures conservatoires et droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2005, 311 p.
[8] L’article 63(2) de la Convention Américaine sur les Droits de l’Homme prévoit que : « Dans les cas d’extrême gravité requérant la plus grande célérité dans l’action, et lorsqu’il s’avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour pourra, à l’occasion d’une espèce dont elle est saisie, ordonner les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes. S’il s’agit d’une affaire dont elle n’a pas encore été saisie, elle pourra prendre de telles mesures sur requête de la Commission ». Voir, C. Burbano Herrera, Provisional measures in the case law of the Inter-American Court of Human Rights, Antwerpen, Intersentia, 2010, 228 p. ; A. Cançado Trindade, « Les mesures provisoires de protection dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme », in G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss (dir.), Mesures conservatoires et droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 145-163.
[9] En vertu de l’article 39 de son règlement, la Cour peut indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’elle estime devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure devant elle. Voir, S. Watthee, Les mesures provisoires devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La protection préventive des droits conventionnels en puissance ?, Limal, Bruxelles, Anthémis, Nemesis, 2014, 512 p.
[10] Pour un aperçu général de cette ‘disputatio’ en France, voir : G. Gonzalez, « L’article 15 de la Convention européenne à l’épreuve du Covid19 ou l’ombre d’un doute », RDLF 2020 chron. n°43 (www.revuedlf.com). Sur ces mêmes débats dans le monde anglophone, voir en particulier trois billets du blog Strasbourg Observers : G. Epure, Strengthening the supervision of ECHR derogation regimes. A non-judicial avenue, 17 avril 2020 : https://strasbourgobservers.com/2020/04/17/strengthening-the-supervision-of-echr-derogation-regimes-a-non-judicial-avenue/ ; A. Geene, States should declare a State of Emergency using Article 15 ECHR to confront the Coronavirus Pandemic, 1 avril 2020 : https://strasbourgobservers.com/2020/04/01/states-should-declare-a-state-of-emergency-using-article-15-echr-to-confront-the-coronavirus-pandemic/ et K. Dzehtsiarou, COVID-19 and the European Convention on Human Rights, 27 mars 2020 : https://strasbourgobservers.com/2020/03/27/covid-19-and-the-european-convention-on-human-rights/
[11] Ce débat s’est posé autrement en Amérique Latine. En effet, la Cour interaméricaine a pris l’initiative de publier une déclaration concernant les défis posés par la Covid-19, dans laquelle elle exhorte les États parties à la Convention américaine à respecter les droits de l’homme : Cour interaméricaine des droits de l’Homme, Communiqué de presse I/ACourt H.R._PR-27/2020, Covid-19 and Human rights: the problems and challenges must be adressed from a Human rights respect and with respect for international obligations, 14 avril 2020. A ce propos, voir : M. Morales et S. Steininger, How to Protect Human Rights in Times of Corona? Lessons from the Inter-American Human Rights System, EJIL:Talk, 1er mai 2020 : https://www.ejiltalk.org/how-to-protect-human-rights-in-times-of-corona-lessons-from-the-inter-american-human-rights-system/
[12] Il convient de noter que la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) a aussi adopté des mesures conservatoires pendant la pandémie de coronavirus. Par exemple, la CIDH a demandé au Brésil de protéger les peuples autochtones Yanomami et Ye’kwana du risque continu et accru posé par la COVID-19 : CIDH, Membres des peuples autochtones Yanomami et Ye’kwana (Brésil), décision 35/2020, mesures conservatoires n° 563-20 du 17 juillet 2020. Par ailleurs, la CIDH a accordé des mesures conservatoires en faveur de plusieurs personnes privées de liberté au Venezuela qui ne pas recevaient pas de soins de santé adéquats et étaient exposées à contracter le coronavirus : CIDH, Emirlendris Carolina Benitez Rosales et sept autres personnes privées de liberté (Venezuela), décision 26/2020, mesures conservatoires n° 751-19 du 17 juin 2020 ; CIDH, Juan Antonio Planchart Márquez (Venezuela), décision 19/2020, mesures conservatoires n° 317-20 du 3 mai 2020.
[13] Voir, Communiqué de presse du 16 mars 2020, « La CEDH prend des mesures exceptionnelles ». Ces mesures ont été prolongées le 9 avril 2020 pour une période de deux mois avec seulement une courte interruption dans le traitement des demandes de mesures provisoires le 13 et 14 juillet 2020 en raison de l’absence de permanence de la Cour EDH.
[14] Cour IADH, Communiqué de presse CP-18/2020 du 17 mars 2020, « Corte Interamericana de Derechos Humanos acuerda suspender plazos por la emergencia en la salud causada por el covid-19 ». La Commission interaméricaine a également adapté ses modalités de travail afin de maintenir ses activités essentielles notamment en ce qui concerne les procédures relatives aux mesures de protection en urgence pendant la pandémie. Voir, Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH), IACHR Announces Work System during COVID-19 Pandemic, Communiqué de presse 059 du 19 mars 2020 : http://www.oas.org/en/iachr/media_center/PReleases/2020/059.asp ; la CIDH a aussi créé, le 27 mars 2020, l’Unité de coordination et réponse rapide et intégrée pour la gestion des crises pandémiques Covid-19 (appelée aussi SACROI COVID-19). Entre ses 10 objectifs, la SACROI doit « [f]ournir des informations et assurer la coordination avec le système de requêtes et de cas, ainsi que le mécanisme de mesures conservatoires et provisoires pour activer le fonctionnement du système interaméricain des droits de l’Homme en la matière ». Voir, CIDH, IACHR Implements Rapid and Integrated Response Coordination Unit for COVID-19 Pandemic Crisis Management, communiqué de presse 063 du 28 mars 2020 : http://www.oas.org/en/iachr/media_center/PReleases/2020/063.asp
[15] D’autres groupes vulnérables sont confrontés à des difficultés pour assurer une hygiène personnelle efficace et prévenir la contagion. Plusieurs experts de l’ONU calculent qu’environ 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à une eau en quantité suffisante et abordable, notamment « [l]es personnes vivant dans des établissements informels, les sans-abri, les populations rurales, les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés » : COVID-19 will not be stopped without providing safe water to people living in vulnerability – UN experts, 23 mars 2020 : https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25738
[16] Les droits et la santé des réfugiés, des migrants et des apatrides doivent être protégés dans le cadre des efforts de lutte contre le Covid-19, Communiqué de presse conjoint du HCDH, de l’OIM, du HCR et de l’OMS, 31 mars 2020 : https://www.unhcr.org/fr/news/press/2020/3/5e843e08a/droits-sante-refugies-migrants-apatrides-doivent-etre-proteges-cadre-efforts.html
[17] Cour IADH, Communiqué de presse CP-54/2020, 13 juillet 2020 : https://www.corteidh.or.cr/docs/comunicados/cp_54_2020.pdf
[18] Voir : https://www.echr.coe.int/Documents/Stats_art_39_02_ENG.pdf
[19] Cour EHD, 1ère section, Muhammed Asif Hafeez c. le Royaume-Uni, décision du 24 mars 2020, req. n° 14198/20.
[20] Il convient de noter qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. En effet, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a indiqué qu’un grand nombre de mineurs étrangers non accompagnés se sont trouvés à la rue pendant le confinement. Voir, CNCDH, Lettre de l’Observatoire, 15 avril 2020, p. 3 ; Human Rights Watch, C. Marquis, France : Des enfants livrés à eux-mêmes malgré le Covid-19, 26 mars 2020 : https://www.hrw.org/fr/news/2020/03/26/france-des-enfants-livres-eux-memes-malgre-le-covid-19
[21] Voir, Human Rights Watch, C. Marquis, La Cour européenne enjoint la France de protéger un enfant migrant non accompagné, 1er avril 2020 : https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/02/la-cour-europeenne-enjoint-la-france-de-proteger-un-enfant-migrant-non-accompagne
[22] Cour EDH, 5e section, X c. France, mesures provisoires du 31 mars 2020, req. n° 15457/20. Avec Julien Martin, « [o]n peut également regretter que la mesure provisoire indiquée au gouvernement français par la Cour ne s’applique que jusqu’à la fin du confinement et non jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire qui maintiendra inévitablement le requérant dans une situation de risque imminent de dommage irréparable tout au long de sa durée, voire au-delà » : https://www.village-justice.com/articles/article-reglement-cedh-contre-france-situation-des-mineurs-nonaccompagnes,34975.html
[23] Refugee Law Clinic Berlin, European Court of Human Rights has directed Greek Government to specify measures regarding Covid-19, 29 mars 2020 : https://www.rlc-berlin.org/post/european-court-of-human-rights-has-directed-greek-government-to-specify-measures-regarding-covid-19
[24] Voir la réponse de la Refugee Law Clinic Berlin, Leave no one behind!, 3 avril 2020 : https://www.rlc-berlin.org/post/leave-no-one-behind
[25] Cour EDH, X. c. Grèce, mesures provisoires du 3 avril 2020, ECHR-LE2.1cR mod. ALN:nva. Refugee Law Clinic Berlin, Response to Decision of Court not to Apply Interim Measures, 4 avril 2020 : https://www.rlc-berlin.org/post/response-to-decision-of-court-not-to-apply-interim-measures
[26] A ce propos, voir : European Council on Refugees and Exiles, Greece: Unrest Amid Intensifying Corona Threat, ECtHR Orders Measures for Vulnerable Groups, 24 avril 2020
[27] Le Figaro avec AFP, Coronavirus: la CEDH demande à la Grèce de prendre des mesures pour protéger des migrants, 9 avril 2020 : https://www.lefigaro.fr/international/coronavirus-la-cedh-demande-a-la-grece-de-prendre-des-mesures-pour-proteger-des-migrants-20200409
[28] Au 15 avril 2020, 34 875 migrants vivaient dans les camps des îles grecques de la mer Égée de Chios, Kos, Leros, Lesbos et Samos, alors que la capacité totale de ces camps est de 6 095 personnes.
[29] L’émission Panorama de la BBC One a produit une enquête spéciale et fort illustrative de cette situation dramatique : « Coronavirus Crisis: Europe’s Migrant Camps », diffusée le 18 mai 2020.
[30] Intervention (via video conference) in European Parliament LIBE Committee on the situation at the Union’s external borders in Greece, 2 avril 2020 : https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2019-2024/johansson/announcements/intervention-video-conference-european-parliament-libe-committee-situation-unions-external-borders_en
[31] Pour une analyse détaillée de la situation en Grèce, voir : Human Rights Watch, Greece: Island Camps Not Prepared for Covid-19. Government Neglect Puts Lives at Risk, 22 avril 2020 https://www.hrw.org/news/2020/04/22/greece-island-camps-not-prepared-covid-19
[32] Cour EDH, M.A. c. Grèce, mesures provisoires du 7 avril 2020, req. n° 15782/20 ; Equal Rights Beyond Borders, Clear Words by ECHR: Conditions in Vial violate Art. 3 ECHR for old man in times of COVID-19, 8 avril 2020 : https://www.equal-rights.org/post/clear-words-by-echr-conditions-in-vial-violate-art-3-echr-for-old-man-in-times-of-covid-19
[33] Cour EDH, X. c. Grèce, mesures provisoires du 9 avril 2020, ECHR-LE2.2cR mod. AGK/apg ; Refugee Law Clinic Berlin, ECHR has granted another request for interim measures on behalf of woman living on Samos, 10 avril 2020 : https://www.rlc-berlin.org/post/echr-has-granted-another-request-for-interim-measures-on-behalf-of-woman-living-on-samos
[34] Le 9 septembre 2020, le camp de Moria sur l’île de Lesbos a été dévasté par un incendie laissant sans abri plus de 12 000 migrants. La Commission européenne a annoncé qu’elle prenait en charge le transfert immédiat vers la Grèce continentale de 400 enfants et adolescents se trouvant dans ce camp.
[35] European Council on Refugees and Exiles, Greece: Unrest Amid Intensifying Corona Threat, ECtHR Orders Measures for Vulnerable Groups, 24 avril 2020
[36] Ibid.
[37] Still I Rise Press Office, Advocacy | ECHR grants the interim measures for 7 UAMs from Samos hotspot, 29 avril 2020 : https://www.stillirisengo.org/en/news/advocacy-echr-uams-samos/
[38] Human Rights Watch, Margolis Hillary, Greece Migrant Camps Unfit for Pregnant People. Rights Court’s Instructions Show Urgent Need for Better Health Care, Conditions, 27 mai 2020 : https://www.hrw.org/news/2020/05/27/greece-migrant-camps-unfit-pregnant-people
[39] Les mesures urgentes sont accordées par le Président de la Cour quand celle-ci n’est pas réunie. La Cour IADH n’est pas un Tribunal permanent.
[40] Cour IADH, Vélez Loor c. Panama, ordonnance de la Présidente de la Cour sur l’adoption des mesures urgentes du 26 mai 2020.
[41] Selon les requérants, le Centre d’accueil ‘La Peñita’ héberge 1 766 migrants alors qu’il a une capacité de seulement 200 personnes. Pour l’État, la capacité du Centre est en réalité de 500 personnes mais reconnaît que, au 9 juillet 2020, il hébergeait 1534 personnes.
[42] Il convient de préciser que, le 2 juin 2020, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples avait déjà pris des Instructions de procédure relatives à ses sessions virtuelles.
[43] Cour IADH, Vélez Loor c. Panama, ordonnance sur l’adoption des mesures provisoires du 29 juillet 2020. La décision a été prise par six voix contre une. Voir, l’opinion séparée dissidente du juge Eduardo Vio Grossi.
[44] Voir, V. Tchen, Droit des étrangers, Paris, LexisNexis, 2020, pp. 226 et s. ; F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’Homme, Paris, PUF, 2019, 14e éd., pp. 909 et s. ; L. Burgorgue-Larsen et A. Ubeda de Torres, Les grandes décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 211 et s.
[45] N. Hervieu, « Pistes de solutions pour remédier à l’accroissement exponentiel des demandes de mesures provisoires », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, 12 février 2011, http://journals.openedition.org/revdh/3744
[46] Cour EDH, Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989 ; Cour EDH, Y.P. et L.P. c. France, arrêt du 2 septembre 2010, req. n° 32476/06. Voir, Cour EDH, Unité de la presse, Fiche thématique – les mesures provisoires, mars 2020.
[47] Cour EDH, 1ère section, Muhammed Asif Hafeez c. le Royaume-Uni, décision du 24 mars 2020, req. n° 14198/20.
[48] Voir, Cour EDH, GC, Kudla c. Pologne, arrêt du 26 octobre 2000, req. n° 30210/96 ; Cour EDH, Khokhlich c. Ukraine, arrêt du 29 avril 2003, req. n° 41707/98 ; Cour EDH, Babar Ahmad et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 10 avril 2012, req. n° 24027/07.
[49] A. Ewing, European Court of Human Rights to Consider Impact of Covid-19, 18 avril 2020 : https://ukhumanrightsblog.com/2020/04/18/european-court-of-human-rights-to-consider-impact-of-covid-19/
[50] Il convient de rappeler les difficultés qui ont suivi le démantèlement de la « jungle de Calais ». Voir, V. Tchen, Droit des étrangers, Paris, LexisNexis, 2020, pp. 788-789.
[51] Human Rights Watch, Le traitement des enfants migrants non-accompagnés en France critiqué, 29 novembre 2019 : https://www.hrw.org/fr/news/2019/11/19/le-traitement-des-enfants-migrants-non-accompagnes-en-france-critique ; Défenseur des droits de la République française, Enfance et violence : la part des institutions publiques, Rapport annuel sur les droits des enfants, 2019, 99 p.
[52] Voir, C. Bruggiamosca, « La présomption de minorité et l’accès à un recours effectif et suspensif. Problématique centrale pour les mineurs non accompagnés pendant la pandémie du Covid-19 », AJ Famille 2020 p. 418 ; Centre ressources sur les mineurs isolés étrangers, Mesure provisoire ordonnée pour la prise en charge d’un mineur isolé se retrouvant à la rue, en pleine épidémie de COVID-19, ayant fait l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance et ayant saisi le juge des enfants, 2 avril 2020 : http://www.infomie.net/spip.php?article5835
[53] Sur les obligations des États face aux mineurs non accompagnés, voir : Cour EDH, Rahimi c. Grèce, arrêt du 5 avril 2011, req. n° 8687/08 ; Comité européen des droits sociaux, EUROCEF c. France, 24 janvier 2008, communication n° 114/2015, décision sur le bien-fondé ; Comité des droits de l’enfant, M.T. c. Espagne, 18 septembre 2019, communication n° 17/2017, CRC/C/82/D/17/2017.
[54] Cour EDH, SMK c. France, mesures provisoires du 15 mars 2019, communiquées le 28 mars 2019, req. n° 14356/19,.
[55] Cour EDH, Khan c. France, arrêt du 28 février 2019, req. n° 12267/16. Récemment, le 25 juin 2020, la France a été condamnée dans l’affaire Moustahi relative à des jeunes mineurs isolés placés en rétention administrative, rattachés arbitrairement à un adulte tiers, et renvoyés sans précaution vers un État non-membre : Cour EDH, 5e section, Moustahi c. France, arrêt du 25 juin 2020, req. n° 9347/14.
[56] Ibid., § 74. Aussi, Cour EDH, N.T.P. et autres c. France, arrêt du 24 mai 2018, req. n° 68862/13, § 44.
[57] La Cour IADH avait déjà prononcé des mesures provisoires dans le cadre de l’exécution de ses arrêts : Cour IADH, Durand y Ugarte c. Perú, mesures provisoires du 8 février 2018, § 29 ; Cour IADH, Miembros de la Aldea Chichupac y comunidades vecinas del Municipio de Rabinal, Molina Theissen et autres 12 affaires relatifs au Guatemala, mesures provisoires du 12 mars 2019, § 15.
[58] Cour IADH, Vélez Loor c. Panama (exceptions préliminaires, fond et réparations), arrêt du 23 novembre 2010.
[59] Voir, M. Rota, « Chronique de jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme », CRDF, n° 9, 2011, pp. 155-169.
[60] Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020, § 32 ; Cour IADH, ordonnance précitée, 26 mai 2020, §§ 21-22.
[61] Cour IADH, ordonnance précitée, 26 mai 2020, §§ 15-17 ; Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020, §§ 17 -22. Voir, N. Carrillo, IACHR Decision in Vélez Loor v. Panama: COVID-19 and Human Rights in the Courts, 30 juillet 2020 : http://opiniojuris.org/2020/05/30/iachr-decision-in-velez-loor-v-panama-covid-19-and-human-rights-in-the-courts/
[62] Human Rights Watch, Greece: Island Camps Not Prepared for Covid-19. Government Neglect Puts Lives at Risk, 22 avril 2020 https://www.hrw.org/news/2020/04/22/greece-island-camps-not-prepared-covid-19
[63] Cour EDH, S.Z. c. Grèce, arrêt du 21 juin 2018, req. n° 66702/13 ; Cour EDH, HA.A. c. Grèce, arrêt du 21 avril 2016, req. n° 58387/11 ; Cour EDH, A.F. c. Grèce, arrêt du 13 juin 2013, req. n° 53709/11 ; Cour EDH, Mathloom c. Grèce, 24 avril 2012, req. n° 48883/07 ; Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, arrêt du 21 janvier 2011, req. n° 30696/09 ; Cour EDH, A.A. c. Grèce, arrêt du 22 juillet 2010, req. n° 12186/08 ; Cour EDH, S.D. c. Grèce, arrêt du 11 juin 2009, req. n° 53541/07 ; Cour EDH, Dougoz c. Grèce, arrêt du 6 juin 2001, req. n° 40907/98.
[64] Le 23 mai 2019, le Comité européen des droits sociaux a accordé des « mesures immédiates » par rapport à la gravité et l’urgence de la situation des enfants migrants en Grèce. Il a ordonné au gouvernement grec, entre autres, de fournir aux enfants migrants un abri, de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux appropriés. Voir, European Committee of Social Rights, International Commission of Jurists and European Council for Refugees and Exiles v. Greece, Decision on admissibility and immediate measures, 23 mai 2019.
[65] Cour EDH, Sh.D. et autres c. Grèce, Autriche, Croatie, Hongrie, Macédoine du Nord, Serbie et Slovénie, arrêt du 13 juin 2019, req. n° 14165/16 ; Cour EDH, H.A. et autres c. Grèce, arrêt du 28 février 2019, req. n° 19951/16 ; Cour EDH, Rahimi c. Grèce, arrêt du 5 avril 2011, req. no 8687/08 ; Refugee Support Aegean, European Court of Human Rights asks Greece to transfer two unaccompanied boys detained in police station to suitable shelter, 6 novembre 2019 : https://rsaegean.org/en/european-court-of-human-rights-asks-greece-to-transfer-two-unaccompanied-boys-detained-in-police-station-to-suitable-shelter/
[66] Cour EDH, Z.H. c. Grèce, mesures provisoires du 10 décembre 2019, req. n° 63074/19 ; Cour EDH, Mahmundi et autres c. Grèce, arrêt du 31 juillet 2012, req. n° 14902/10 ; Equal Rights Beyond Borders, 19 décembre 2019 : https://sw-ke.facebook.com/EqualRightsBB/posts/in-recent-interim-measures-proceedings-european-court-of-human-rights-echr-order/2640898832692558/
[67] Cour EDH, J.R. et autres c. Grèce, arrêt du 25 janvier 2018, req. n° 22696/16, §§ 136 et s.
[68] En effet, la Cour EDH a souligné que la détention des requérants a été brève, en l’espèce trente jours : si les requérants ont été placés dans le centre de Vial le 21 mars 2016, celui-ci est devenu une structure semi-ouverte le 21 avril 2016, ce qui leur permettait de quitter le centre pendant toute la journée et d’y revenir la nuit. Ibid., § 86 et § 145. Par ailleurs, « La Cour rappelle que, dans l’arrêt Khlaifia et autres ([GC], 16483/12, 15 décembre 2016), la Grande Chambre avait décidé de garder à l’esprit, parmi d’autres facteurs, que les difficultés et les désagréments indéniables que les requérants avaient dû endurer découlaient dans une mesure significative de la situation d’extrême difficulté à laquelle les autorités italiennes avaient dû faire face à l’époque litigieuse (§ 185). Sur la base de ces considérations, elle avait conclu que les conditions régnant au centre d’accueil de Lampedusa n’avaient pas atteint le seuil de gravité requis pour être qualifiées d’inhumaines ou de dégradantes : ibid., § 143.
[69] Cour EDH, Kaak et autres c. Grèce, arrêt du 3 octobre 2019, req. 34215/16. « Elle a considéré en particulier que les autorités avaient fait ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles au camp de Vial pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection des mineurs non accompagnés. Les autres requérants avaient été immédiatement – ou dans les dix jours – transférés du camp de Vial au camp de Souda ».
[70] Par exemple, Cour IADH, Wong Ho Wing, mesures provisoires relatives au Pérou, ordonnance du 28 mai 2010 ; Cour EDH, Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, req. n° 14038/88 ; Cour EDH, Nivette c. France, décision du 3 juillet 2001, req. n° 44190/98 ; Cour EDH, Babar Ahmad et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 10 avril 2012, req. n° n° 24027/07, 119/49/08, 36742/08, 66911/09, 67354/09.
[71] Par exemple, Cour IADH, affaire des Haïtiens et Dominicains d’origine haïtienne en République dominicaine, mesures provisoires relatives à la République dominicaine, ordonnance du 14 septembre 2000 ; Cour EDH, Abdollahi c. Turquie, décision du 3 novembre 2009, req. n° 23980/08 ; Cour EDH, F.H. c. Suède, arrêt du 20 janvier 2009, req. n° 32621/06 ; Cour EDH, Y.P. et L.P. c. France, arrêt du 1er septembre 2010, req. n° 32476/06.
[72] Par exemple, Cour IADH, B., mesures provisoires relatives au Salvador, ordonnance du 29 mai 2013 ; Cour EDH, Kotsaftis c. Grèce, arrêt du 12 juin 2008, req. n° 39780/06 ; Cour EDH, Alexanian c. Russie, arrêt du 22 décembre 2008, req. n° 46468/06.
[73] Cour EDH, 5e section, X c. France, mesures provisoires du 31 mars 2020, req. n° 15457/20.
[74] Par exemple, Cour EDH, M.A. c. Grèce, mesures provisoires du 7 avril 2020, req. n° 15782/20.
[75] Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020.
[76] Ibid., § 24.
[77] Voir, M. Leardini et M. Petel, « La Cour européenne des droits de l’Homme face au covid-19 : les droits fondamentaux des migrants immunisés face au virus ? », Cahiers de l’EDEM, mai 2020 : https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/juri/cedie/actualites/cour-eur-d-h-31-mars-2020-x-c-france-req-n-15457-20-mesures-provisoires.html
[78] « 1) réduire la surpopulation au niveau le plus bas possible afin de respecter les directives de distanciation sociale recommandées pour éviter la contagion du virus, en particulier en tenant compte les personnes qui présentent des facteurs de risque et en incluant la possibilité d’examiner des mesures alternatives et fondées dans la [vie en] communauté ; 2) déterminer, lorsqu’il soit possible et dans leur intérêt supérieur, l’accueil familial ou communautaire pour les enfants et les adolescents migrants non accompagnés ainsi que pour ceux qui sont avec leur famille en préservant l’unité familiale, conformément aux dispositions de l’avis consultatif OC-21/2014 ; 3) garantir le respect du principe de non-refoulement de toutes les personnes étrangères, lorsque leur vie, leur sécurité ou leur intégrité soit en danger, ainsi que l’accès des procédures d’asile efficaces le cas échéant ; 4) adopter des mesures pour prévenir le risque de violence, et en particulier celui de nature sexuelle, à laquelle les femmes et les enfants migrants sont exposés ; 5) établir des protocoles ou des plans d’action pour la prévention de la contagion de la covid-19 et la prise en charge des migrants infectés, selon les directives recommandées. Entre autres aspects, il faut s’assurer de réaliser des contrôles médicaux à chaque personne qui rentre dans l’établissement, en vérifiant si elle a de la fièvre ou des symptômes de la maladie ; prélever des échantillons biologiques de tous les cas qualifiés de ‘suspects’ et adopter des soins médicaux nécessaires, des mises en quarantaine ou/et d’isolements ; 6) fournir aux migrants un accès gratuit et sans discrimination aux services de soins de santé, y compris ceux nécessaires pour faire face à la maladie de covid-19, en garantissant des prestations médicales de qualité et efficaces, selon le même standard disponible dans la communauté ; 7) offrir aux femmes enceintes un accès gratuit aux services de santé sexuelle et reproductive ainsi qu’aux services de maternité, et faciliter l’accès aux services médicaux adéquats pour les enfants ; 8) adopter les mesures nécessaires pour surmonter les obstacles juridiques, de langue et culturels qui entravent l’accès [aux services de] santé et à l’information ; 9) adopter des mesures pour assurer une ventilation naturelle, une propreté maximale, la désinfection et collecte des déchets pour éviter que la maladie se propage ; 10) continuer avec la fourniture gratuite des masques, gants, alcool, serviettes jetables, papier toilette et sacs à ordures, entre autres éléments, pour la population qui se trouve dans les établissements ainsi que pour le personnel de sécurité et sanitaire ; 11) promouvoir, par la fourniture de produits et d’information nécessaires, les mesures d’hygiène personnelle recommandées par les autorités sanitaires, comme le lavage régulier des mains et du corps avec du savon et de l’eau afin d’éviter la propagation du virus et d’autres maladies infectieuses ; 12) fournir suffisamment de nourriture et d’eau potable pour la consommation personnelle, avec une attention particulière aux besoin nutritionnels prénatals et postnatals ; 13) permettre l’accès aux services de santé mentale pour les personnes qui en fassent la demande, en tenant compte de l’anxiété ou/et d’autres pathologies qui peuvent générer la peur causée par la situation de covid-19 ; 14) garantir l’accès aux Postes d’accueil de migrants du Défenseur des droits et d’autres mécanismes indépendants de surveillance, ainsi que d’organisations internationales et la société civile ; et 15) empêcher que les mesures qui soient adoptées puissent promouvoir la xénophobie, le racisme et tout autre forme de discrimination » : Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020, § 35 ; Cour IADH, ordonnance précitée, 26 mai 2020, § 30 (traduction propre).
[79] Voir, L. Burgorgue-Larsen, Les 3 Cours régionales des droits de l’homme in context. La justice qui n’allait pas de soi, Paris, Pedone, 2020, 586 p.
[80] Voir, L.M. Gutierrez, « Le litige stratégique dans le système interaméricain des droits de l’Homme », Revue générale du droit, numéro 49593, 2020 : www.revuegeneraledudroit.eu/?p=49593
[81] K. Dzehtsiarou, What Can the European Court of Human Rights Do in the Time of Crisis?, Strasbourg Observers, 14 avril 2020 : https://strasbourgobservers.com/2020/04/14/what-can-the-european-court-of-human-rights-do-in-the-time-of-crisis/
[82] Cour IADH, ordonnance précitée, 26 mai 2020, § 23.
[83] Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020, § 27.
[84] Le caractère obligatoire des mesures provisoires ne fait plus l’objet de discussions. La Cour européenne estime que le non-respect par l’État d’une mesure indiquée en vertu de l’article 39 de son règlement est constitutif d’une violation de l’article 34 de la Convention : Cour EDH, GC, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, arrêt du 4 février 2005, req. n° 46827/99 et 46951/99, §§ 99-129 ; Cour EDH, Amirov c. Russie, arrêt du 27 nov. 2014, req. n° 51857/13 ; CEDH, Trabelsi c. Belgique, arrêt du 4 sept. 2014, req. n° 140/10.
[85] Voir, M. Leardini et M. Petel, précité.
[86] Voir le dossier thématique de la Revue Droits fondamentaux du Centre de recherche sur les droits de l’homme et le droit humanitaire (CRDH) de Paris II, n° 17, 2019, Vers une gouvernance mondiale des migrations ? : https://www.crdh.fr/revue/n-17-2019/
[87] En France, la consécration de l’accès à un recours suspensif découlant de la présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés étrangers semble pouvoir régler les difficultés rencontrées dans leur prise en charge. Voir, C. Bruggiamosca, précité. Entre temps, la juridiction administrative peut jouer un rôle central dans le respect des obligations conventionnelles et de la jurisprudence de la Cour européenne concernant la prise en charge de mineurs non accompagnés, y compris dans la période de pandémie, comme l’illustrent plusieurs ordonnances en référé : TA Besançon, 31 mars 2020, réf. n° 2000570 ; TA Marseille, 3 avril 2020, réf. n° 20022809 ; TA Paris, 15 avr. 2020, réf. n° 2006177, n° 2006178, n° 2006223 et n° 2006241 ; TA Lyon, 17 avr. 2020, réf. n° 2002702, 2002719, 2002722 et 2002723 ; TA Bordeaux, 24 avr. 2020, réf. n° 2001841. Toutes ces ordonnances témoignent indirectement de l’importance des mesures provisoires accordées par la Cour européenne en raison de leur impact positif en droit interne.
[88] Cour IADH, ordonnance précitée, 29 juillet 2020, § 37.
[89] Ibid.
[90] Voir, Cour IADH, Rights and guarantees of children in the context of migration and/or in need of international protection, opinion consultative OC-21/14 du 19 août 2014, Série A n° 21 ; Cour IADH, Judicial condition and rights of the undocumented migrants, opinion consultative OC-18/03 du 17 septembre 2003, Série A n° 18.
[91] Il serait également important d’assurer la publicité des mesures provisoires accordées par la Cour EDH, en particulier celles relatives aux droits des migrants, pour donner une visibilité à son travail face aux risques exceptionnels des groupes vulnérables à cause de la pandémie.