N. 18 - 2020

La protection des groupes vulnérables en Europe face à la pandémie de la Covid-19

Télécharger l'article au format PDF

Si[1] la pandémie de la Covid-19 affecte l’ensemble de la population à travers la planète ce sont les personnes vulnérables qui sont les plus exposées. Ainsi, dès le début de la pandémie en Europe, la Covid-19 a eu, selon l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, un impact particulier sur les personnes vivant en milieu institutionnel (prisons, maisons de retraite, camps des réfugiés etc.), les personnes handicapées, les personnes âgées, les sans-abri, les Roms et les Gens du voyage, les femmes et les enfants en risque de violence domestique, les enfants dont la scolarisation a été interrompue, les travailleurs en situation précaire et les migrants[2]. Un exemple illustratif est celui de la Grèce, qui a été l’Etat membre le plus durement frappé par la crise économique et la crise migratoire précédente, mais a eu la chance de sortir de la première phase de la crise sanitaire sans pertes humaines graves par rapport aux chiffres mondiaux. Toutefois, trois régions du pays sont restées hors du cadre de cette « réussite ». Cette situation ne concernait que des groupes vulnérables, et plus précisément la minorité musulmane de Thrace, une communauté des Roms et un centre d’accueil des demandeurs d’asile[3]. Par la suite, le démarrage de la deuxième phase a été marqué par l’incendie au plus grand hotspot de l’Europe, celui de Moria à Lesbos, qui a été totalement dévasté[4]. Les conditions déplorables couplées avec le manque d’information dans ces milieux défavorisés ont facilité la propagation du virus, ce qui a ensuite eu de graves conséquences pour l’ensemble du pays. Ces exemples démontrent assez clairement que la gestion des crises ne peut jamais vraiment réussir, sans garantir d’abord la protection des droits des plus vulnérables.

Avant de procéder à cette analyse, il est nécessaire de préciser que les cas de vulnérabilité examinés ci-après ne sont pas exhaustifs. Il s’agit plus particulièrement des groupes de personnes qui, d’une part, présentent une ou plusieurs vulnérabilités et dont les droits, d’autre part, ont déjà été violés pendant la pandémie ou connaissent un risque élevé d’être violés. Dans ces termes, il faudrait souligner qu’il n’y a pas de définition juridique de la « personne vulnérable »[5] mais la notion désigne « un individu dont la faiblesse et/ou la situation particulière le prédispose à la réalisation d’un risque grave »[6]. Ainsi, le droit international accepte de considérer la vulnérabilité d’une personne si celle-ci trouve son origine dans une faiblesse sans exclure a priori aucune origine de vulnérabilité[7].

En effet, suite à la Conférence de Vienne de 1993[8] la notion de vulnérabilité est de plus en plus souvent utilisée dans le droit international mais le terme n’est pas employé de façon uniforme. Sur le même sujet, les approches peuvent varier non seulement parmi les différentes juridictions et organisations internationales, mais parfois même au sein de la même institution d’une seule organisation. Par exemple, en ce qui concerne la protection des demandeurs d’asile au sein de l’Union Européenne, les personnes appartenant aux groupes vulnérables varient selon ses diverses Directives. S’agissant de leur accueil et de la reconnaissance de leur statut, sont cités comme vulnérables les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes ayant subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, à l’instar des victimes de mutilation génitale féminine[9]. En même temps, deux groupes parmi eux, les familles monoparentales et les victimes de la traite des êtres humains, ne figurent pas parmi les demandeurs ayant besoin des garanties procédurales spéciales cités par la Directive relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale[10]. En revanche, cette dernière mentionne explicitement le sexe, l’orientation sexuelle ainsi que l’identité de genre, qui n’existent pas dans les dispositions susmentionnées des deux autres Directive[11]. Sur la même problématique, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme adopte une approche différente en précisant que les situations de vulnérabilité des migrants « peuvent évoluer au fil du temps, au gré des circonstances ».[12] D’un côté, l’identification des vulnérabilités spécifiques permet l’offre d’une protection plus adaptée aux besoins de chaque personne concernée. En d’autres termes, « la plasticité de la notion permet une protection fonctionnelle de l’individu, adaptable selon ses besoins »[13]. Cependant, l’inexistence d’une définition précise présente un risque d’exclusion arbitraire de certaines personnes, ou groupes, de la protection spéciale à laquelle ils ont droit. Ce risque s’aggrave en temps de crises car elles servent souvent d’excuse pour exclure certaines catégories en soutenant que la priorité doit être accordée à ceux qui sont encore plus vulnérables[14].

Dans ce contexte, la présente contribution accorde une importance particulière aux personnes vulnérables et marginalisées dont les besoins de protection sont plus élevés pendant la pandémie, pourtant susceptibles d’être ignorées et subir de nouvelles violations de leurs droits. Ainsi, l’analyse qui suit vise à examiner, d’abord, l’obligation de protection du droit à la santé sans discrimination et en toutes circonstances, même en temps de crise (I). Ensuite, elle met l’accent sur l’indivisibilité des droits de l’homme ainsi que l’importance de la coopération internationale pour assurer la protection des personnes vulnérables pendant la pandémie de la Covid-19 (II).

I. L’obligation de protection du droit à la santé sans discrimination et en toutes circonstances

La pandémie a démontré que, malgré l’existence d’un cadre de protection bien établi, la mise en œuvre effective du droit à la santé se heurte à des obstacles qui sont surtout liées aux mesures d’austérité prises par plusieurs gouvernements européens. Les conséquences de ces politiques ont été particulièrement dures pour les groupes vulnérables dont les droits ont été violés à nouveau lors de la crise sanitaire.

A. L’affirmation de l’universalité du droit à la santé pendant la pandémie

Le droit à la santé[15] est reconnu dans plusieurs instruments internationaux et régionaux. Parmi les premiers, il faudrait citer l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme[16], l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[17], l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant[18], l’article 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[19], l’article 25 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées[20], l’article 28 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille[21] et l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[22].

D’ailleurs, le principe de non-discrimination est fondamental dans le système onusien de protection des droits de l’homme. Il est présent dans la Charte[23] et la Déclaration universelle des droits de l’homme[24], ainsi que dans l’ensemble des traités des droits de l’homme[25] mais également dans des traités spécifiques à la non-discrimination[26]. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a précisé dans son Observation générale n° 14 que les installations, les biens et les services en matière de santé doivent être accessibles à tous, en particulier aux groupes de populations « les plus vulnérables ou marginalisés » ; avant de souligner qu’en vertu du paragraphe 2 de son article 2 et de son article 3, le Pacte proscrit toute discrimination dans l’accès aux soins de santé et aux éléments déterminants de la santé, ainsi qu’aux moyens et titres permettant de se les procurer, qu’elle soit fondée sur « la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap physique ou mental, l’état de santé, l’orientation sexuelle, la situation civile, politique, sociale ou autre, dans l’intention ou avec pour effet de contrarier ou de rendre impossible l’exercice sur un pied d’égalité du droit à la santé »[27]. En outre, dans son Observation générale n° 20, après avoir reconnu que la discrimination varie selon les contextes et les époques, le Comité établit une liste non-exhaustive des motifs de discrimination comparables à ceux qui sont explicitement cités par le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Selon le Comité, ces motifs « sont généralement connus lorsqu’ils reflètent l’expérience de groupes sociaux vulnérables qui ont été marginalisés ou continuent de subir une marginalisation ». La liste inclut le handicap, l’âge, la nationalité, la situation matrimoniale et familiale, le lieu de résidence (domicile) et la situation économique et sociale[28]. La Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé est également basée sur le principe que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ».

Au niveau européen, selon l’article 11 de la Charte Sociale Européenne «  en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection de la santé, les Parties s’engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques et privées, des mesures appropriées tendant notamment: à éliminer, dans la mesure du possible, les causes d’une santé déficiente; à prévoir des services de consultation et d’éducation pour ce qui concerne l’amélioration de la santé et le développement du sens de la responsabilité individuelle en matière de santé; à prévenir, dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres, ainsi que les accidents ». En outre, l’article 13 de la Charte consacre le droit à l’assistance sociale et médicale en mettant particulièrement l’accent sur les personnes dépourvues de ressources suffisantes et l’article E contient une clause de non-discrimination. Ensuite, malgré le fait que la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne contienne pas une disposition spécifique, la jurisprudence de la Cour a interprété le droit à la santé comme faisant partie intégrante du droit à la vie (article 2), de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants (article 3) et sous certaines conditions du respect de la vie privée et familiale (article 8)[29]. En même temps, l’article 14 de la Convention qui est rattaché à des droits garantis par celle-ci interdit toute discrimination dans leur exercice et l’article 1 du Protocole 12 introduit une interdiction générale de discrimination étendue à tous les droits institués par la loi. En outre, le principe de l’équité d’accès aux soins de santé est  énoncé à l’article 3 de la Convention d’Oviedo sur les Droits de l’Homme et la biomédecine. En ce qui concerne l’Union Européenne, non seulement la Charte des Droits Fondamentaux prévoit dans son article 35 la protection de la santé[30], mais aussi le Traité de Lisbonne contient plusieurs références. Parmi eux, l’article 9 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne dispose que dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à un niveau élevé de protection de la santé humaine[31]. En outre, la Charte prévoit le droit à la non-discrimination dans son article 21[32].

Malgré ce cadre de protection bien établi, les personnes vulnérables n’ont pas souvent accès aux droits, surtout aux droits sociaux. Ainsi, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, dans ces Principes directeurs concernant la Covid-19 a rappelé que « les traitements doivent être accessibles à tous sans discrimination, y compris aux personnes les plus vulnérables et marginalisées » en soulignant l’importance de la prise en compte des personnes « susceptibles d’être ignorées ou exclues, comme les minorités nationales, ethniques ou religieuses, les peuples autochtones, les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés, les personnes âgées, les personnes handicapées, les femmes, les personnes LGBTI, les enfants, et les personnes touchées par la pauvreté extrême » dans les efforts concernant la diffusion d’information et la lutte contre la pandémie[33]. En effet, il est possible que certains groupes vulnérables soient formellement exclus du champ d’application personnel des législations nationales ou encore des instruments régionaux de protection en ce qui concerne les droits sociaux. Une telle exclusion pendant la pandémie entraînerait des conséquences graves non seulement pour la santé des personnes touchées mais aussi pour toute la communauté (qu’elle soit locale, nationale et internationale) et devrait donc être évitée à tout prix. Ainsi, il convient de citer à titre d’exemple la position du Comité européen des droits sociaux quant à l’exclusion des sans papiers du champs d’application de la Charte Sociale Européenne[34]. Le Comité a interprété la protection de certaines dispositions de la Charte, notamment en ce qui concerne le droit à la santé et le droit à l’assistance sociale et médicale, le droit au logement et la protection contre l’extrême pauvreté et l’exclusion sociale, comme s’étendant aux mineurs étrangers sans papiers, accompagnés ou non, et aux migrants adultes sans papiers[35]. En outre, le Comité a élaboré une Observation interprétative sur les droits des réfugiés au regard de la Charte qui souligne le « besoin urgent et inconditionnel de traiter avec solidarité et dignité les hommes, les femmes et les enfants qui arrivent sur le territoire européen et qui ont droit à la protection » et met l’accent sur le fait que chaque individu doit être traité avec dignité et sans discrimination pour réitérer que « les réfugiés doivent jouir autant que possible des droits qui sont garantis par la Charte »[36].

Du point de vue médical, la Covid-19 ne fait pas de discrimination concernant ses victimes car toute personne peut être contaminée. En outre, nous sommes tous vulnérables devant les maladies. Pourtant, la capacité de prise des mesures de précaution contre ce virus ainsi que la possibilité d’accès aux soins ne sont pas les mêmes pour tous indépendamment de l’âge, de l’état de santé, du statut socioéconomique etc. Autrement dit, certaines personnes sont plus vulnérables que les autres, ce qui n’est pas nouveau. Cependant, s’agissant d’une pandémie, la lutte contre les inégalités ne peut pas rester au niveau théorique. Si les plus vulnérables, ceux qui peuvent tomber malades plus facilement, ne sont pas protégés, la pandémie se propage plus largement, « sans frontières » et le risque s’aggrave pour tous. En d’autres termes, aucune personne et aucun pays ne peut rester à l’abri. Dans ces circonstances, il y a nécessité de réaffirmer l’universalité du droit à la santé. Ainsi, non seulement il n’y pas de place pour les discriminations, mais des actions positives au profit des plus vulnérables sont aussi exigées[37]. Ce qui est d’ailleurs nécessaire pour prévenir des nouvelles crises.

B. L’importance de la protection des personnes vulnérables pour la prévention et l’élimination des crises

Outre la nécessité de respecter le droit à la santé sans discrimination, la pandémie a également rappelé qu’un tel droit fondamental doit être protégé en toutes circonstances. Par ailleurs, le droit à la santé est étroitement lié au droit à la vie, qui ne permet aucune dérogation -même en temps de crise-, et impose aux Etats d’assurer que les individus soient protégés des actes et omissions qui sont censés causer ou sont susceptibles de causer un décès non naturel ou prématuré[38]. Sans négliger le fait que les Etats ont l’obligation d’employer le maximum de ressources disponibles pour assurer la jouissance effective des droits sociaux[39], il est vrai que la pandémie a trouvé l’Europe déjà fragilisée par une série des crises. La crise économique, surtout, a touché l’ensemble des Etats européens même si ses répercussions diffèrent largement d’un pays à l’autre. Les conséquences de cette crise ont affecté l’ensemble des droits mais les effets des mesures d’austérité ont été directement liés à l’affaiblissement des droits économiques et sociaux et notamment des personnes vulnérables. Ceci étant dit, les crises précédentes (économique, politique et migratoire)[40] ne sauraient en aucune façon servir d’excuse pour ne pas protéger au maximum les groupes de personnes vulnérables pendant la pandémie. En outre, si les situations de crise rendent la prise de mesures positives plus difficile, l’absence d’action positive accentue les crises existantes et crée de nouvelles crises à son tour[41]. Par exemple, la Grèce qui a été gravement touchée par la crise économique et ensuite par la crise migratoire dans la dernière décennie, doit éviter aujourd’hui la propagation du virus dans les hotspots où la crise humanitaire était présente plusieurs années avant l’arrivée de la crise sanitaire[42]. En même temps, presque l’ensemble de la population est menacé par les conséquences économiques de la pandémie dont les effets sont déjà graves pour les groupes vulnérables tels que les chômeurs et les migrants. Ainsi, en plus de la prévention des crises en tant que telle, il est indispensable de renforcer les droits avant, ou au moins au début de celles-ci sans tarder, en mettant l’accent sur les groupes de personnes vulnérables[43].

Dès le début de la crise mondiale, le Conseil des droits de l’homme a rappelé aux Etats membres de l’ONU que la crise n’entame « en rien la responsabilité qui incombe aux autorités nationales et à la communauté internationale d’assurer la réalisation des droits de l’homme » [44]. Dans ce contexte, le Conseil a appelé les Etats à aider en particulier les personnes les plus vulnérables et la communauté internationale à « soutenir les efforts des pays tendant notamment à mettre et maintenir en place des filets de sécurité sociale pour protéger les couches les plus vulnérables de la société »[45]. Il convient également de noter qu’en 2012 le Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a adressé une lettre aux Etats Parties avec des lignes directrices sur l’interprétation et l’application du Pacte en temps de crise économique et financière en mettant l’accent sur le principe de non-régression[46]. En outre, la lettre souligne qu’en vertu du Pacte les Etats parties devraient éviter en toutes circonstances de prendre des décisions susceptibles d’entraîner le refus ou la violation des droits économiques, sociaux et culturels. Car outre la violation de leurs obligations en vertu du Pacte, une telle pratique peut conduire à l’insécurité sociale et à l’instabilité politique avec des impacts négatifs importants, notamment sur les individus et groupes défavorisés et marginalisés, tels que les pauvres, les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les personnes âgées, les personnes VIH séropositives, les peuples autochtones, les minorités ethniques, les migrants et les réfugiés.

La crise économique et financière de 2008 a porté atteinte aux droits de l’homme en Europe et notamment dans certains pays comme la Grèce, Chypre, le Portugal, l’Irlande etc. à cause de la mise en œuvre des mesures d’austérité. Les personnes vulnérables ont été encore les plus durement touchées par les politiques d’austérité. L’Assemblée Parlementaire était la première parmi les organes du Conseil de l’Europe qui a répondu de façon concrète et cohérente aux nouvelles données en critiquant les mesures adoptées par plusieurs de ses Etats membres.  Dès 2009, tout en reconnaissant l’importance de la sortie de la crise aussi rapidement que possible, elle leur a rappelé qu’il était de leur responsabilité de protéger les droits sociaux et humains en compensant les effets de la récession économique[47]. En 2012, l’Assemblé a critiqué explicitement les coupes budgétaires dans les dépenses sociales en remarquant qu’elles « aggravent plus encore la crise et nuisent aux droits sociaux puisqu’elles touchent principalement les classes aux plus bas revenus et les catégories les plus vulnérables de la population » au lieu de consolider les budgets publics et en recommandant leur réorientation profonde « pour mettre fin à l’accent quasi exclusif mis sur la réduction des dépenses dans des domaines sociaux comme les retraites, les services de santé ou les allocations familiales »[48].

Il est aussi intéressant de relever que cinq ans avant la crise migratoire, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe avait signalé les conséquences négatives de la crise économique sur les droits des migrants en soulignant que les migrants étaient parmi les premiers qui ont perdu leurs postes parce qu’il étaient employés dans les secteurs les plus touchés (construction, industrie manufacturière etc.), leurs contrats étaient précaires, leur formation était limitée et leurs compétences linguistiques étaient faibles[49]. Elle a donc appelé à les mettre au cœur des stratégies visant à atténuer les conséquences de la crise, le chômage dû à celle-ci ayant mis un grand nombre de migrants réguliers en situation irrégulière et l’adoption des politiques d’immigration restrictives risquait d’amoindrir leurs droits et d’affaiblir leur protection sociale. L’Assemblée a exprimé encore sa préoccupation du fait que la hausse du chômage rendait les migrants vulnérables à la stigmatisation, à la xénophobie et à la discrimination. Ainsi, elle a invité ses Etats membres et également l’Union Européenne et la communauté internationale à « analyser les facteurs multiples et interconnectés de la crise » et à prendre des mesures pour garantir, notamment la protection des droits fondamentaux et de ceux concernant les conditions de travail et de vie des migrants, ainsi qu’une protection « adéquate par des moyens juridiques et administratifs appropriés afin de combattre la violence raciste et la xénophobie, compte tenu en particulier de leur vulnérabilité à la stigmatisation »[50]. Par ailleurs le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a fourni une analyse globale et détaillée ainsi que les decommandations sur la protection des  droits de l’homme en temps de crise économique, publiées en 2014, qui s’inscrivent dans la même direction[51].

Quant à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il est intéressant de noter qu’une position négative a été adoptée dans la plupart des recours relatifs à la violation des droits à cause des mesures prises par les Etats parties à la Convention pendant la crise économique (même si les affaires examinées par celle-ci ne concernaient ni des personnes vulnérables[52] stricto sensu, ni des droits sociaux). La Cour, qui a été saisie dans plusieurs affaires pour statuer sur des violations proclamées de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) liées aux mesures d’austérité, a conclu soit à l’irrecevabilité des recours soit à la non-violation des dispositions de la Convention en mettant l’accent sur l’intérêt général des Etats et sur leur marge d’appréciation concernant la prise des mesures liées à la crise[53]. Malgré cette position décevante de la Cour (qui n’est toutefois pas directement liée aux droits sociaux), il s’avère que l’obligation de protection du droit à la santé ainsi que des autres droits sociaux en temps de crises est bien établie. Sans aucun doute, les conséquences de la pandémie ne seraient pas si désastreuses si ces droits n’étaient pas affaiblis lors de la crise économique précédente. Ainsi, les Etats sont appelés à investir dans les droits sociaux dès maintenant, afin de faire face à la nouvelle crise économique qui va suivre celle de la Covid-19[54]. En outre, la prévention des nouvelles crises exige la protection de l’ensemble des droits et notamment des groupes vulnérables.

II. La pandémie révélatrice de l’indivisibilité des droits et de la nécessité de coopération internationale

Les conséquences dévastatrices de la pandémie sur les personnes dont l’accès aux droits était déjà restreint ont mis en lumière l’indivisibilité et interdépendance des droits de l’homme. En même temps, elles ont rappelé l’importance de la coopération internationale en matière de promotion et protection des droits de l’homme pour la prévention et la gestion des crises.

A. La nécessité de protection de l’ensemble des droits

Le droit à la santé est étroitement lié aux autres droits sociaux. Pour jouir du meilleur état de santé physique, il faut bien évidement une nourriture suffisante[55], un logement convenable[56], un emploi donnant accès à la sécurité sociale etc. Bien évidement, la pandémie a menacé la santé d’une partie de la population déjà vulnérabilisée qui ne jouissait pas pleinement des droits sociaux. Ceux qui étaient sans abri ou en logement précaire, logés dans des structures surpeuplées etc. avaient peu de chances de parvenir à garder la distance sociale recommandée afin d’éviter la transmission du virus. En outre, ceux qui travaillaient au noir n’ont reçu aucune allocation pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et maintenir leur dignité quand certains secteurs de l’économie ont vu leur activité baisser ou s’arrêter. Ainsi, la santé des personnes vulnérables a été exposée à un plus grand risque car elles étaient déjà privées de la jouissance de droits sociaux[57]. Dans ces termes, la pandémie a réaffirmé l’interdépendance des droits sociaux tant en ce qui concerne sa prévention que sa gestion.

En outre, l’accès aux droits sociaux doit être facilité pour les personnes vulnérables selon leurs besoins particuliers ou difficultés spécifiques dues à leur vulnérabilité. Par exemple, il ne suffit pas que les personnes vulnérables aient simplement accès aux soins médicaux. Compte tenu des besoins particuliers -de certains groupes au moins (personnes âgées, handicapées, réfugiés etc.)- ils devraient pouvoir bénéficier d’une prévention ainsi que d’un traitement spécialisé en raison des problèmes physiques et psychologiques dont ils souffrent souvent, liés aux situations difficiles et expériences traumatiques vécues à cause de leur vulnérabilité. Ceci est nécessaire non seulement pour la jouissance effective du droit à la santé, mais également pour l’ensemble des droits sociaux. Par exemple, l’obligation des Etats de promouvoir l’accès au marché du travail pour les personnes vulnérables en adoptant des mesures spéciales s’inscrit dans la même logique.

En plus, les besoins spécifiques et le traitement respectif des personnes vulnérables en temps de pandémie affirment l’indivisibilité et l’interdépendance de l’ensemble des droits sociaux et civils[58]. Pendant celle-ci, la vie quotidienne des personnes vulnérables est devenue encore plus difficile à cause des mesures restrictives mises en œuvre pour la protection de la santé publique[59]. En ce qui concerne les groupes vulnérables dont les droits sont menacés par la pandémie, il faudrait examiner notamment la situation des détenus, des enfants, des femmes, des migrants et des personnes handicapées[60].

Les organisations internationales se sont mobilisées dès le début de la pandémie concernant les droits des personnes privées de leur liberté[61]. Car non seulement leur droit à la santé est plus menacé que jamais à cause du surpeuplement, des conditions d’hygiène problématiques etc., mais aussi les droits qui sont indispensables dans les lieux de privation de liberté, tels que les droits de communication, de visite et de promenade sont restreints pendant la pandémie[62]. S’agissant des droits des enfants, il faudrait noter que les nouvelles données du téléapprentissage ont changé radicalement le domaine de l’éducation. Ainsi, les élèves déjà défavorisés n’ont pas eu les moyens de continuer leur scolarisation à distance dans les mêmes conditions, en ce qui concerne l’accès aux ressources et à la technologie. Le Comité des droits de l’enfant a souligné que les Etats doivent protéger les enfants dont la vulnérabilité est encore accrue par les circonstances exceptionnelles causées par la pandémie en incluant ceux qui sont handicapés; vivant dans la pauvreté; en situation de rue; migrants, demandeurs d’asile, réfugiés et déplacés internes; minorités et autochtones; souffrant de problèmes de santé sous-jacents, notamment le VIH; privés de leur liberté et vivant en institution[63]. Le confinement à cause de la pandémie a également démontré que les enfants et les femmes affrontent un risque élevé de violence domestique sans être toujours capables d’accéder aux mécanismes de protection et à la justice[64]. Le risque de violation des droits pendant la pandémie a été également élevé pour les migrants. Outre les difficultés d’accès aux droits sociaux et la précarité générale de leur condition qui les expose à un grand risque de violation de leurs droits, la pandémie a suscité des attitudes xénophobes respectives (discours racistes, actes de violence, refus de services, actes d’intimidation, harcèlement etc.)[65].

Ainsi, il était d’abord encourageant que les plans de vaccination des Etats membres de l’UE aient donné la priorité non seulement aux professionnels de la santé, aux personnes âgées et à celles qui souffrent de pathologies préexistantes, mais également à celles exposées à un risque plus élevé en raison de leur environnement et de leurs conditions de vie (personnes vivant dans des établissements de soins, réfugiées et migrantes, incarcerées et sans-abri, Roms et Gens du voyage)[66]. Dans la pratique, cependant, les critères de définition des groupes prioritaires n’ont pas toujours pris en compte les vulnérabilités particulières de certains groupes et il y a eu des allégations de violations de l’ordre des priorités des bénéficiaires. En outre, divers groupes marginalisés, tels que les Roms et les Gens du voyage, les sans-abri et les toxicomanes n’ont pas été prioritaires et seul un tiers des Etats membres ont inclut les détenus en tant que groupe prioritaire dans leurs stratégies nationales de vaccination. Les ressortissants de pays tiers au statut de séjour précaire, tels que les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière ont aussi rencontré des difficultés pour accéder à la vaccination lorsque les régimes nationaux d’assurance maladie ne les couvraient pas. Enfin, les campagnes d’information sur la vaccination n’étaient que rarement adaptées aux spécificités des divers groupes vulnérables, qui sont souvent difficiles à atteindre. Par exemple, les informations n’ont pas été fournies dans différentes langues pour ceux qui ne parlent pas bien la langue nationale, comme les minorités ethniques, nationales ou linguistiques, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés[67]. Ces phénomènes affectent, plus ou moins, tous les pays de l’Europe et remettent également en cause les enjeux de la coopération internationale en matière de protection des droits de l’homme.

B. L’importance de la coopération internationale

Outre l’interdépendance entre les droits, la pandémie met également en avant l’interdépendance entre Etats. En effet, la coopération internationale est indispensable tant pour sa gestion que pour la prévention des nouvelles crises au lendemain de la crise sanitaire, en tenant compte qu’à l’époque de la mondialisation aucun Etat n’est à l’abri. Dans les circonstances actuelles, la coopération internationale est essentielle pour prévenir, traiter et suivre les effets de la pandémie dans le domaine médical, économique, social etc.[68]. Dans ces termes, la communauté internationale a une responsabilité collective face à cette pandémie qui est facilement transmissible au-delà des frontières[69]. Comme la protection du droit à la santé doit être absolue et sans aucune discrimination entre les individus, la communauté internationale ne doit laisser personne derrière et notamment pas celles qui appartiennent aux groupes vulnérables. La coopération internationale est indispensable pour veiller à l’absence de discrimination concernant leurs droits civils ainsi que pour assurer la jouissance de leurs droits sociaux. En effet, les ressources exigées pour la protection effective de leurs droits sont importantes car les besoins des personnes vulnérables sont plus élevés à cause de leurs besoins particuliers. Ainsi, il faudrait rappeler que selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, les Etats ont l’obligation de chercher la coopération et l’assistance internationale lorsque les ressources manquent au niveau national[70].

Le contexte actuel semble assez favorable pour la protection et la promotion des droits des personnes vulnérables tant au niveau universel qu’au niveau régional – européen. Ces objectifs sont bien intégrés dans les missions des organisations internationales et de leurs organes et s’inscrivent dans le centre de leurs futures actions. Ainsi, l’Agenda 2030 dont l’Objectif 3 est de « permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » est très sensible à ces questions et aspire à un monde « juste, équitable, tolérant et ouvert, où les sociétés ne fassent pas de laissés-pour-compte et où les besoins des plus vulnérables soient satisfaits »[71]. S’agissant des moyens de sa mise en œuvre, l’Agenda souligne que son programme appelle un « partenariat mondial revitalisé » qui « fonctionnera dans un esprit de solidarité mondiale, en particulier avec les plus pauvres et avec les personnes vulnérables »[72]. La résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies 74/270 (2020) sur la « Solidarité́ mondiale dans la lutte contre la maladie du coronavirus 2019 (Covid-19) »[73] ainsi que la Déclaration de Rome du Sommet du G20 adoptée en mai 2021 s’inscrivent, d’ailleurs, dans la même logique.

Toutefois, il semble que le cadre actuel ne suffit pas pour que la responsabilité collective des Etats soit partagée de façon juste et efficace afin d’assurer la protection des personnes vulnérables face aux crises. L’expérience la plus récente de l’Europe face à la crise migratoire de 2015 a démontré que la responsabilité partagée pour la protection des personnes vulnérables s’avère une mission difficile[74]. Ceci devient plus regrettable du fait qu’il s’agit d’un groupe d’Etats qui partagent les mêmes intérêts et inquiétudes[75] et s’engagent à respecter une clause juridiquement contraignante qui impose la solidarité et le partage équitable de responsabilités entre les Etats membres de l’Union Européenne en matière d’asile [76]. Toutefois, sauf certaines exceptions, le traitement des personnes vulnérables pendant cette crise n’a pas pu dépasser l’intérêt national des Etats membres dont les frontières ont été franchies par les migrants et qui ont subi une pression directe. En outre, l’exigence du partage de la charge et des responsabilités dans ce domaine, soulignée également par le Pacte mondial sur les réfugiés adopté en 2018, n’est toujours pas mise en œuvre au niveau pratique.

Cependant, la nature de la crise sanitaire actuelle semble affecter l’humanité entière et ses effets secondaires seront d’une ampleur qui ne laissera pas aux Etats, européens au moins, le choix de ne pas assumer leur responsabilité collective quant à la protection des droits de l’homme. Indépendamment de leur volonté politique, réelle ou non, la coopération semble plus qu’imposée par les circonstances actuelles et les synergies entre Etats doivent mettre l’accent sur les droits des personnes vulnérables. En effet, la pandémie donne à la communauté internationale une chance unique d’être rassemblée autour des mêmes intérêts et inquiétudes en mettant au centre de cette coopération les droits de l’homme, ce qui pourrait limiter au minimum les éventuelles séquelles de cette crise et constituer un investissement d’avenir afin de prévenir des nouvelles crises.

Conclusion

Les droits de l’homme se trouvent sans aucun doute parmi les victimes du Covid-19 tant dans le monde qu’en Europe. La crise sanitaire a confirmé des choses déjà connues, mais négligées, tout en donnant lieu à de nouvelles réflexions autour de la gestion des crises et la place des droits. Ainsi, la crise récente a confirmé les inconvénients des politiques restrictives dont les premières et plus grandes victimes sont les personnes vulnérables et elle a aussi révélé les faiblesses des systèmes de protection. La pandémie a aussi rappelé l’importance des principes fondamentaux tels que l’universalité et l’indivisibilité des droits ainsi que de la coopération internationale pour leur mise en œuvre. En effet, la crise de la Covid-19 tire sa spécificité de son universalité. Ainsi, pour se concentrer sur la protection des personnes vulnérables en Europe pendant celle-ci, il faudrait prendre en compte qu’elle est différente des trois crises précédentes en Europe (économique, migratoire et politique), pourtant rendues plus dangereuses par leur convergence et leurs interactions du fait de la pandémie. D’abord, il est nécessaire que les personnes vulnérables soient mises au centre des efforts pas seulement pour leur propre protection mais aussi pour limiter la propagation du virus qui trouve un environnement favorable dans les milieux défavorisés. En d’autres termes, si les personnes qui sont plus exposées au risque ne sont pas protégées, le risque s’aggrave pour tous. Ensuite, la Covid-19 a démontré que chaque crise doit être résolue sans tarder et la protection des droits doit être la priorité absolue dans leur gestion car l’inaction accentue les crises existantes et crée des nouvelles crises à son tour. Si les crises des droits sont peut-être les pires, leur prévention reste possible si des mesures positives sont prises d’avance. Dans le même esprit, leurs conséquences sont plus limitées si l’accent est mis sur les personnes vulnérables dès le début de celles-ci. Enfin, les particularités de la crise actuelle encouragent les Etats à partager la responsabilité de protection des droits de l’homme de façon juste et équitable, ce qui n’a pas été le cas au cours des crises précédentes.

[1]Eleni Ktsouraki est docteure du C.R.D.H., chercheuse postdoctorale du Centre  Européen de Recherche et de Formation sur les Droits de l’Homme et l’Action Humanitaire de l’Université Panteion.

Sa recherche postdoctorale est cofinancée par la Grèce et l’Union Européenne (Fonds Social Européen – FSE) à travers le programme opérationnel « Développement des ressources humaines, éducation et apprentissage tout au long de la vie » dans le cadre du projet « Renforcement des chercheurs postdoctoraux – 2e cycle » (MIS -5033021), mis en œuvre par la Fondation de Bourses d’Etat grec (ΙΚΥ).

[2] Voir European Union Agency for Fundamental Rights, Coronavirus pandemic in the EUFundamental rights implications, Bulletin n° 1, 2020, disponible sous :  https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2020-coronavirus-pandemic-eu-bulletin_en.pdf [consulté le 10 Octobre 2020] pp. 25-36 et Coronavirus pandemic in the EUFundamental rights implications : with a focus on contacttracing apps, Bulletin n° 1, 2020, disponible sous : https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2020-coronavirus-pandemic-eu-bulletin-may_en.pdf  [consulté le 10 Octobre 2020] pp. 19-39.

[3] Voir à titre indicatif « Echinos village placed under quarantine due to spike of infections and deaths », disponible sous : https://www.keeptalkinggreece.com/2020/06/18/echinos-greece-coronavirus-quarantine/; « Concern over new infections at Roma camp », disponible sous : https://www.ekathimerini.com/252957/article/ekathimerini/news/concern-over-new-infections-at-roma-camp et «Coronavirus en Grèce : Une ville entière accueillant des migrants mise en quarantaine », disponible sous : https://www.20minutes.fr/monde/2765795-20200422-coronavirus-grece-ville-entiere-accueillant-migrants-mise-quarantaine [consultés le 10 Octobre 2020]

[4] Selon Médecins Sans Frontières l’incendie était le résultat « de plusieurs années de souffrances et de violences humaines produites par les politiques migratoires européennes et grecques […] Les départs d’incendies ont eu lieu alors que certains réfugiés protestaient contre les conditions de confinement qui étaient mises en place. ». MSF précisent également que les tensions dans le camp ont été «  exacerbées par les mesures de prévention et de contrôle des infections liées au coronavirus, inapplicables en raison de la surpopulation » : « Incendie dans le camp de Moria en Grèce : le résultat de cinq ans de traitements inhumains », disponible sous : https://www.msf.fr/actualites/incendie-dans-le-camp-de-moria-en-grece-le-resultat-de-cinq-ans-de-traitements-inhumains [consulté le 10 Octobre 2020].

[5] Voir la classification adoptée dans M. Blondel, La personne vulnérable en droit international, 2015, thèse disponible sous : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01424139/document [consulté le 10 Octobre 2020] p. 56 et suivantes (vulnérabilité intrinsèque liée à une faiblesse inhérente à la personne à cause d’un état physique ou psychologique et vulnérabilité extrinsèque découlant de sources qui lui sont extérieures lorsque elle se trouve dans un environnement hostile et subit des conditions de vie difficiles). Voir aussi à titre indicatif H. Biggs et C. Jones, « Legally Vulnerable : What is Vulnerability and Who is Vulnerable?», in M. Freeman, S. Hawks, B. Bennet (dir.), Law and global health. Current legal issues, Oxford, Oxford University Press, 2014, pp.133-148 et M. Ruof, « Vulnerability, Vulnerable populations and Policy », Bioethical Issues: Scope Notes Archive, Bioethics Research Library, Kennedy Institute of Ethics, Georgetown University, 2004, pp. 4-7 disponible sous: https://repository.library.georgetown.edu/handle/10822/556901 [consulté le 10 Octobre 2020].

[6] M. Blondel, op. cit., p. 147. Voir aussi A. Cole, « All of Us Are Vulnerable, But Some Are More Vulnerable than Others: The Political Ambiguity of Vulnerability Studies, an Ambivalent Critique », Critical Horizons, vol. 17, n° 2, 2016, 18 p.

[7] ibid. p. 103.

[8] Voir les paragraphes 24 « Il faut accorder une grande importance à la promotion et à la protection des droits des personnes appartenant à des groupes rendus vulnérables […] Les Etats ont l’obligation de prendre au niveau national des mesures appropriées et d’en assurer la continuité […] pour promouvoir et protéger les droits des personnes appartenant à des secteurs vulnérables de la population » et 67 « L’accent devrait être mis spécialement sur les mesures propres à contribuer […] à la protection des groupes qui ont été rendus vulnérables ».

[9] Article 21 de la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection international et article 20 de la Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

[10] Considérant 29 du Préambule de la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection international. Sur le même sujet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait déjà adopté une approche plus généreuse par rapport à celle du Régime d’Asile Européen Commun, en considérant que la vulnérabilité est inhérente à la qualité des demandeurs d’asile et que ces derniers constituent un « groupe de la population particulièrement défavorisé et vulnérable qui a besoin d’une protection spéciale » : Cour EDH, GC, M.S.S. c. Belgique et Grèce, arrêt du 21 janvier 2011, req. n° 30696/09, par. 233 et 251. Voir aussi C. Ruet, « La vulnérabilité dans la jurisprudence de la Cour Européenne  des droits de l’homme », Rev. trim. dr. h., vol. 26, n° 102, 2015, p. 318.

[11] ibid. par. 251 MSS. Voir aussi C. Ruet, « La vulnérabilité dans la jurisprudence de la Cour Européenne  des droits de l’homme », Rev. trim. dr. h., vol. 26, n° 102, 2015, p. 318.

[12]  « Un migrant peut se trouver en situation de vulnérabilité à cause des circonstances qui le poussent à quitter son pays d’origine, des faits qui surviennent pendant son déplacement et/ou d’un aspect particulier de son identité ou de sa situation. La vulnérabilité dans ce contexte peut donc être circonstancielle (externe) et/ou inhérente (interne). ». Conseil des droits de l’homme, Principes et directives pratiques sur la protection des droits de l’homme des migrants en situation de vulnérabilité; Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, 26 janvier 2017, par. 12, U.N. Doc. A/HRC/34/31, 14 janvier 2017.

[13] M. Blondel, op. cit., p. 601.

[14] Voir par exemple le traitement des demandeurs d’asile dans les hotspots selon leur degré de vulnérabilité. Voir à titre indicatif Conseil de l’Europe, Commissaire aux droits de l’homme, Report of the Commissioner for human rights of the Council of Europe Dunja Mijatovic following her visit to Greece from 25 to 29 June 2018, 2018, pp. 9-10, L. Tassin, « L’approche hotspots, une solution en trompe-l’œil. Compte-rendu d’enquêtes à Lesbos et Lampedusa. » in A. Lendaro, C. Rodier et Y. L. Vertongen (dir.), La crise de l’accueil, Paris, La Découverte, 2019, pp. 161-186 et N. Caicedo et A. Romano, « Vulnerability in the context of EU asylum policies: the challenges of identification and prioritisation » dans A. Petroff, G. Milios et M. Pérez M (dir.), Refugees on the move. political, legal and social challenges in times of turmoil, Bellaterra: Universitat Autònoma de Barcelona, CER-MIGRACIONS, Servei de Publicacions (Focus on International Migration, 5), 2018, pp. 78-91, disponible sous: https://ddd.uab.cat/pub/caplli/2017/194915/Focus_Petroff_a2018n5_Cap5.pdf [consulté le 10 Octobre 2020]. Voir aussi J. Y. Carlier, « Des droits de l’homme vulnérable à la vulnérabilité des droits de l’homme, la fragilité des équilibres », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 79, n° 2, 2017, 30 p.

[15] Voir la définition de la santé dans le Préambule de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.».

[16] « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires […] ».

[17] « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre. ».

[18] « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. ».

[19] « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé en vue de leur assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux […]. ».

[20] « Les Etats Parties reconnaissent que les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap […]. ».

[21] « Les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont le droit de recevoir tous les soins médicaux qui sont nécessaires d’urgence pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat en cause. De tels soins médicaux d’urgence ne leur sont pas refusés en raison d’une quelconque irrégularité en matière de séjour ou d’emploi. ».

[22] « Les Etats parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toute ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants : […] iv) Droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux. ».

[23] Articles 1, 55 et 76.

[24] Article 2.

[25] Voir par exemple article 2 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; article 2 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; article 2 de la Convention relative aux droits de l’enfant; article 4 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et article 7 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

[26] Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Convention relative aux droits de l’enfant, Convention relative aux droits des personnes handicapées.

[27] Observation générale n° 14, Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), E/C.12/2000/4, 11 août 2000.

[28] Observation générale n° 20, La non discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux  et culturels (art. 2, par. 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), E/C.12/GC/20, 2 juillet 2009. V. aussi A. Chapman et B. Carbonetti, « Human Rights Protections for Vulnerable and Disadvantaged Groups: The Contributions of the UN Committee on Economic, Social and Cultural Rights », Human Rights Quarterly, vol. 33, n° 3, 2011.

[29] Voir Cour Européenne des Droits de l’Homme, Thematic report: Health-related issues in the case-law of the European Court of Human Rights, 2015, 34 p., disponible sous: https://www.echr.coe.int/Documents/Research_report_health.pdf [consulté le 10 Octobre 2020].

[30] « Toute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. ».

[31] L’article 4 par. 2 (k) établit une compétence partagée avec les Etats membres s’agissant des « enjeux communs de sécurité en matière de santé publique». Cependant, l’article 6 (a) limite les compétences de l’UE à la réalisation d’actions visant à appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres en matière de protection et d’amélioration de la santé humaine.

[32] Outres les directives relatives à la non-discrimination il y a aussi plusieurs références dans les Traités. Voir aussi Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et Conseil de l’Europe, Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, 2011, 180 p.

[33]Principes directeurs concernant la Covid-19, 8 mai 2020, disponible sous:  https://www.ohchr.org/Documents/Press/COVIDPublicMessaginFR.pdf [consulté le 10 Octobre 2020].

[34] Selon son Annexe, la Charte ne s’applique aux étrangers que dans la mesure où ils sont des ressortissants des autres Etats Parties résidant légalement ou travaillant régulièrement sur le territoire des Etats Parties.

[35] Voir par exemple, Defence for Children International (DCI) v. Belgium, Collective Complaint n° 69/2011, 23 Octobre 2012; Conference of European Churches (CEC) v. the Netherlands, Complaint n° 90/2013, 1 juillet 2014; European Federation of National Organisations working with the Homeless (FEANTSA) v. the Netherlands, 2 juillet 2014. Les personnes en situation irrégulière sont explicitement mentionnées dans l’Observation interprétative sur le droit à la protection de la santé en temps de pandémie adoptée par le Comité le 21 avril 2020, disponible sous : https://rm.coe.int/observation-interpretative-sur-le-droit-a-la-protection-de-la-sante-en/16809e3641 [consulté le 30 Juillet 2021].

[36] Observation interprétative sur les droits des réfugiés au regard de la Charte sociale européenne (élaboré lors de la 280e session du Comité européen des Droits sociaux, Strasbourg 7-11 septembre 2015), 5 octobre 2015, disponible sous : https://rm.coe.int/09000016804894f8 [consulté le 10 Octobre 2020]. Voir par. 4: « Il rappelle avoir dit que certains des droits assurés par la Charte s’appliquent aux réfugiés et d’autres groupes vulnérables, notamment l’article 17 (Conclusions 2003, Bulgarie), l’article 13 (Conclusions 2013, Bosnie-Herzégovine) et l’article 31 (FEANTSA c. Pays-Bas, réclamation n° 86/2012, décision sur le bien-fondé du 2 juillet 2014). Il rappelle qu’il a déjà détaillé la protection des apatrides en vertu de la Charte (Conclusions 2013, Observation interprétative sur les droits des apatrides).».

[37] Concernant la nécessité des mesures positives pour garantir les droits sociaux des groupes vulnérables en temps de crise Voir à titre indicatif Conseil de l’Europe, Commissaire aux Droits de l’Homme, Protéger les droits de l’homme en temps de crise économique, Document thématique, 2014, p. 35, Comité européen des droits sociaux, Déclaration sur la Covid-19 et les droits sociaux adoptée le 24 mars 2021, p. 2, disponible sous : https://rm.coe.int/09000016804894f8 [consulté le 30 Juillet 2021] et Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Déclaration sur la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et les droits économiques, sociaux et culturels, U.N. Doc. E/C.12/2020/1, 17 avril 2020, para. 14-15. Voir aussi R. Sijniensky, « From the Non-discrimination clause to the concept of vulnerability in International Human Rights Law-Advancing on the Need for Special Protection of Certain Groups and Individuals » dans Y. Haeck et B. McGonigle  Leyh, C. Burbano-Herrera, D. Contreras (dir.), The realisation of Human Rights: When Theory meets practice, Intersectia, 2014 pp. 259-272.

[38] Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 36 concernant le droit à la vie (article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), 2018, CCPR/C/GC/26, para. 3.

[39] Article 2 par. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Voir S. Skogly, « The requirement of using “the maximum of available resources” for human rights realisation: a question of quality as well as quantity? », Human Rights Law Review, vol. 12, n° 3, 2012, 27 p. et B. Warwick, « Socio-economic rights during economic crises: a changed approach to non-retrogression », International and Comparative Law Quarterly, vol. 65, n° 1, 2016, 16 p.

[40] Pour une analyse globale Voir M. Castells, O. Bouin, J. Caraça, G. Cardoso, J. Thompson et M. Wieviorka (dir.), Europes Crises, Polity Press, 2018, 476 p. Voir aussi J. Caporaso, « Europe’s Triple Crisis and the Uneven Role of Institutions: the Euro, Refugees and Brexit », Journal of Common Market Studies, vol. 56. n° 6, 2018, 17 p.

[41] Voir A. Bacigalupe et A. Escolar-Pujolar, « The impact of economic crises on social inequalities in health: what do we know so far? », International Journal for Equity in Health, 2014, 13:52, 6 p.

[42] Voir à titre indicatif Conseil de l’Europe, Commissaire aux droits de l’homme, Report of the Commissioner for human rights of the Council of Europe Dunja Mijatovic following her visit to Greece from 25 to 29 June 2018, précité, pp. 4-5.

[43] Voir aussi G. Kaplan, « Economic crises: Some thoughts on why, when and where they (might) matter for health – A tale of three countries », Social Science and Medicine, vol. 74, n° 5, 2012, 4 p et Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, « Looking back to look ahead: A rights-based approach to social protection in the post-COVID-19 economic recovery », 11 Septembre 2020.

[44] Conseil des droits de l’homme, Répercussions de la crise économique et de la crise financière mondiales sur la réalisation universelle et l’exercice effectif des droits de l’homme (S-10/1), 23 février 2009.

[45] ibid.

[46] U.N. Doc. HRC/NONE/2012/76, UN reference CESCR/48th/SP/MAB/SW. Pour une analyse détaillée de cette lettre Voir B. Warwick, précité.

[47] Résolution 1651 (2009), Conséquences de la crise financière mondiale.

[48] Résolution 1884 (2012), Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux.

[49] Résolution 1718 (2010), L’impact de la crise économique mondiale sur les migrations en Europe.

[50] Voir aussi la Recommandation 1910 (2010), L’impact de la crise économique mondiale sur les migrations en Europe ainsi que la Déclaration Commune de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, de l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale : L’austérité n’est pas une excuse pour le racisme, 21 mars 2013.

[51] Voir Conseil de l’Europe, Commissaire aux Droits de l’Homme, Protéger les droits de l’homme en temps de crise économique, précité, pp. 22-25 concernant les groupes défavorisés et marginalisés où le Commissaire cite parmi autres l’exemple de l’Espagne «En Espagne par exemple, à la suite des réformes liées à l’austérité, des soins de santé publique autrefois garantis sont désormais refusés aux migrants en situation irrégulière, les exposant ainsi aux risques sanitaires accrus associés aux récessions (Mesures d’urgence visant à garantir la viabilité du système national de santé et à améliorer la qualité et la sécurité des prêts, décret royal espagnol n° 16/2012) ».

[52] Voir L. Peroni et A. Timmer, « Vulnerable groups: The promise of an emerging concept in European Human Rights Convention law », International Journal of Constitutional Law, vol. 11, n° 4, 2013, 30 p.

[53]Voir, par exemple Cour EDH, Valkov et autres c. Bulgarie, arrêt du 25 octobre 2011, req. nos 2033/04, 19125/04, 19475/04, 19490/04, 19495/04, 19497/04, 24729/04, 171/05 et 2041/05) et Mamatas et autres c. Grèce, arrêt du 21 juillet 2016, req. nos 63066/14, 64297/14 et 66106/14. Pour une liste indicative des décisions sur l’irrecevabilité Voir Cour Européenne des Droits de l’Homme, Factsheet – Austerity measures, juillet 2018, disponible sous : https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Austerity_measures_ENG.pdf [consulté le 10 Octobre 2020]. Voir aussi les differéntes approches de la Cour EDH, Ioanna Koufaki c. Grèce
et ADEDY c. Grèce,
décision du 7 mai 2013, req. nos 57665/12 et 57657/12 et du Comité européen des droits sociaux, Confédération générale grecque du travail (GSEE) c. Grèce, Réclamation no 111/2014, décision sur la recevabilité du 19 mai 2015 et decision sur le bien-fondé le 23 mars 2017. Voir L. Mola, « The margin of appreciation accorded to States in times of economic crisis: an analysis of the decision by the European Committee of social rights and by the European Court of Human Rights on national austerity measures », Lex social: revista de los derechos sociales, vol. 5, n° 1, 2015, 21 p.

[54] Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, « Looking back to look ahead: A rights-based approach to social protection in the post-COVID-19 economic recovery », 11 Septembre 2020; Cadre des Nations Unies pour la réponse socio-économique immédiate à la COVID-19, Avril 2020; Comité européen des droits sociaux, Déclaration sur la Covid-19 et les droits sociaux adoptée le 24 mars 2021.

[55] Selon l’Observation générale n° 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : Le droit à une nourriture suffisante (Article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), U.N. Doc. E/C.12/1999/5, 12 mai 1999, le contenu essentiel du droit à une nourriture suffisante prévu par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels comprend la disponibilité de nourritures exemptées de substances nocives et acceptables par une culture déterminée, en quantité suffisante, d’une qualité propre à satisfaire les besoins alimentaires des individus, et accessible. Cette accessibilité est à la fois économique et physique. « L’accessibilité économique existe lorsque les dépenses d’une personne ou d’un ménage consacrées à l’acquisition des denrées nécessaires pour assurer un régime alimentaire adéquat soient telles qu’elles n’entravent pas la satisfaction des autres besoins élémentaires. Il se peut qu’il faille prêter attention dans le cadre de programmes spéciaux aux groupes socialement vulnérables […] L’accessibilité physique signifie que chacun, y compris les personnes physiquement vulnérables, comme les nourrissons et les jeunes enfants, les personnes âgées, les handicapés, les malades en phase terminale et les personnes qui ont des problèmes médicaux persistants, dont les malades mentaux, doit avoir accès à une nourriture suffisante. ».

[56] Selon l’Observation générale n° 4 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : Le droit à un

logement suffisant (article 11, paragraphe 1, du PIDESC), U.N. Doc. E/1992/23, 13 décembre 1991, il est important que les individus aient droit à un logement convenable sans distinction d’âge, de situation économique, d’appartenance à certains groupes ou autres entités ou encore de condition sociale. Selon le Comité, les groupes défavorisés tels que les personnes âgées, les enfants, les handicapés physiques, les incurables, les séropositifs, les personnes souffrant de problèmes médicaux chroniques, les malades mentaux, les victimes de catastrophes naturelles ou encore les personnes qui vivent dans des régions à risques naturels devraient bénéficier d’une certaine priorité en matière de logement. En outre, dans ses Directives générales révisées concernant la forme et le contenu des rapports, le Comité invite les Etats à donner « des renseignements détaillés sur les groupes qui, dans la société, sont vulnérables et désavantagés en ce qui concerne le logement ».

[57] Voir aussi la Déclaration du Comite de bioéthique du Conseil de l’Europe sur les considérations en matière de droits de l’Homme relatives à la pandémie de COVID-19 adoptée en avril 2020 où le Comité a souligné la nécessité d’allocation des ressources rares, de fourniture de l’assistance nécessaire à ceux qui en ont le plus besoin, ainsi que de protection et de soutien des personnes vulnérables lourdement touchées par les conséquences des mesures de confinement.

[58] Voir par exemple Conseil de l’Europe, Commissaire aux Droits de l’Homme, Protéger les droits de l’homme en temps de crise économique, précité, p. 25 « Les régressions des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques sont étroitement liées et ont des effets cumulés sur les personnes. Toute atteinte à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels a des répercussions sur la jouissance des droits civils et politiques. ».

[59]Voir Conseil de l’Europe, Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), Déclaration du Bureau de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) portant sur l’impact de la pandémie de Covid-19 et des réponses associées des gouvernements sur les groupes relevant du mandat de l’ECRI (Réunion du Bureau du 19 mai 2020), disponible sous : https://rm.coe.int/declaration-du-bureau-de-la-commission-europeenne-contre-le-racisme-et/16809ea6b7 [consulté le 10 Octobre 2020].

[60] Voir « Joint Statement: Persons with Disabilities and COVID-19 by the Chair of the United Nations Committee on the Rights of Persons with Disabilities, on behalf of the Committee on the Rights of Persons with Disabilities and the Special Envoy of the United Nations Secretary-General on Disability and Accessibility », 1 avril 2020.

[61] Voir par exemple « Advice of the Subcommittee on Prevention of Torture to States parties and national preventive mechanisms relating to the coronavirus disease (COVID-19) pandemic, CAT/OP/10, adopted by the Subcommittee on 25 March 2020, pursuant to article 11 (b) of the Optional Protocol to the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment », 7 avril 2020; Organisation Mondiale de la Santé, « Preparedness, prevention and control of COVID-19 in prisons and other places of detention: interim guidance », 15 mars 2020 et Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), « Statement of principles relating to the treatment of persons deprived of their liberty in the context of the coronavirus disease (COVID-19) pandemic », 20 mars 2020.

[62] Voir l’article de Claire Meric dans le présent volume.

[63] « The Committee on the Rights of the Child warns of the grave physical, emotional and psychological effect of the COVID-19 pandemic on children and calls on States to protect the rights of children », 8 avril 2020.

[64] Comité CEDAW, « Guidance Note on CEDAW and COVID-19 », 22 avril 2020.

[65] « Joint Guidance Note on the Impacts of the COVID-19 Pandemic on the Human Rights of Migrants by the UN Committee on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of their Families and the UN Special Rapporteur on the human rights of migrants », 26 mai 2020 et Déclaration du Bureau de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) portant sur l’impact de la pandémie de Covid-19 et des réponses associées des gouvernements sur les groupes relevant du mandat de l’ECRI, précitée.

[66] Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, La pandémie de coronavirus et les droits fondamentaux: rétrospective de l’année 2020, 10 juin 2021, p. 8. Voir aussi Conseil de l’Europe, Comité de bioéthique (2021), Vaccins contre la COVID19: il faut assurer un accès équitable à la vaccination, 22 janvier 2021.

[67] Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, « Coronavirus pandemic in the EU – fundamental rights implications: vaccine rollout and equality of access in the EU », 16 juin 2021.

[68] Voir Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, Avis sur la santé publique et la coopération internationale dans le contexte de la covid-19, 15 octobre 2020, pp. 22-23.

[69] Voir Internal HRTB toolkit of  treaty law perspectives and jurisprudence in the context of COVID-19, Genève, Mai 2020 (dernière mise à jour 15 juillet), pp. 7-8.

[70] Voir Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 19 : Le droit à la sécurité sociale (art. 9 du Pacte), U.N. Doc. E/C.12/GC/19, 4 février 2008, par. 55. En outre, dans sa déclaration sur le covid-19 et les droits économiques, sociaux et culturels, le Comité a souligné que la coopération des pays qui exportent des biens et équipements médicaux ou des denrées alimentaires ainsi que des pays de transit est essentielle et que les Etats parties devraient envisager l’assouplissement des sanctions économiques et l’allégement de la dette (Statement on COVID-19 and economic, social and cultural rights, 2020, par. 22).

[71] Par. 8 de la Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015, U.N. Doc. A/RES/70/1. Dans son paragraphe 23 l’Agenda 2030 souligne qu’il faut donner des moyens d’action aux groupes vulnérables en mentionnant que le Programme tient compte en particulier des besoins de tous les enfants, des jeunes, des personnes handicapées (dont plus de 80 pour cent vivent dans la pauvreté), des personnes vivant avec le VIH/sida, des personnes âgées, des autochtones, des réfugiés, des déplacés et des migrants.

[72] « Il facilitera un engagement mondial fort au service de la réalisation de tous les objectifs et cibles, rassemblant ainsi les gouvernements, le secteur privé, la société civile, le système des Nations Unies et les autres acteurs concernés et mobilisant toutes les ressources disponibles », par. 39.

[73] Adoptée le 2 avril 2020, U.N. Doc. A/RES/74/270.

[74] Le fait que les Etats membres de l’Union Européenne n’ont pas réagi assez vite à la demande d’équipement médical faite par l’Italie en février 2020 a rappelé d’ailleurs le manque de solidarité avec les pays qui ont reçu la plupart des réfugiés en 2015. Voir K. Bozorgmehr, V. Saint, A. Kaasch, D. Stuckler et A. Kentikelenis, « COVID and the convergence of three crises in Europe », The Lancet Public Health, vol. 5, n° 5, 2020, 2 p.

[75] Voir J.-F. Durieux, « Protection Where? – or When? First asylum, deflection policies and the significance of time », International Journal of Refugee Law, vol. 21, n° 1, 2009, p. 78.

[76] Selon l’article 67 du Traité sur le fonctionnement de l’UE « L’Union assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre Etats membres » et selon l’article 80 « Les politiques de l’Union visées au chapitre 2 (Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration) et leur mise en œuvre sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les Etats membres, y compris sur le plan financier ».