N. 21 - 2023

La nature juridique de la Déclaration universelle

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René Cassin avait souligné dans le recueil des cours de l’Académie de droit international publié en 1951 que « [l]a Déclaration de 1948, universelle à la fois par son origine et ses buts et capable de survivre à la Charte des Nations-Unies, même si celle-ci devait avoir un jour le sort du Pacte de la Société des Nations, n’a pas tardé de même à manifester son potentiel sur le plan international et son influence politique sur les constitutions et législations nationales »[1].

La lecture de René Cassin était loin d’être évidente quelques années à peine après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (ci-après, « DUDH » ou « Déclaration universelle »), alors que certaines délégations, avaient souligné son caractère exclusivement moral ou l’impossibilité de réaliser les droits qu’elle énonce.

Dès son adoption, la nature juridique de la Déclaration universelle a suscité des interrogations, des représentants d’États et des juristes ont exprimé l’espoir ou la crainte d’un caractère obligatoire. Son statut juridique international a évolué à la faveur de la doctrine des publicistes, mais aussi de la jurisprudence de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale qui ont donné raison à ceux qui espéraient ou qui craignaient de la voir devenir la matrice du droit international des droits de l’Homme. Enfin, dans les ordres internes, son statut juridique continue également d’évoluer par l’adoption de Constitutions, législations et de jurisprudences qui lui permettent de devenir un socle juridique de référence pour l’interprétation d’autres dispositions internationales ou nationales.

I. LA NATURE JURIDIQUE LORS DE SON ADOPTION

A. Une résolution non contraignante

En ce qui concerne tout d’abord sa nature juridique, lors des débats qui ont précédé son adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, dans l’annexe A de la résolution 217 (III), elle a été considérée par certaines délégations comme étant uniquement un idéal commun sans force obligatoire.

Les représentants des États anglo-saxons, les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, ont soutenu qu’il ne s’agit pas d’un traité, qu’elle est insuffisamment précise pour comporter des obligations et qu’elle n’a ainsi pas de caractère contraignant pour les États qui voteraient en faveur de son adoption. La représentante des Etats-Unis, Eleanor Roosevelt, a affirmé le 10 décembre 1948 que la Déclaration universelle « n’est pas et ne prétend pas être une déclaration de principes fondamentaux du droit ou une obligation juridique »[2] et le ministre des affaires étrangères du Canada Lester B. Pearson a déclaré : « le projet de déclaration, qui est un simple énoncé de principe, a souvent été rédigé dans un langage vague et imprécis. (…) Au Canada, on s’abstient de légiférer dans les cas où il n’est pas possible d’indiquer avec une précision suffisante les obligations qui incombent aux citoyens »[3].

Les délégations soviétiques ont également argumenté que la Déclaration universelle constitue un texte qui ne peut pas être mis en application, car il ne définit pas les moyens économiques et sociaux permettant la réalisation des droits qu’elle énonce. Ainsi, le 9 décembre 1948, Andreï Vychinski, représentant de l’URSS, a déclaré : « Le texte de Genève n’était pas sans qualités, mais il avait aussi de grands défauts, au nombre desquels une forme trop juridique et l’absence de dispositions en vue de la réalisation concrètes des principes énoncés. Malgré les révisions successives du projet de Genève, ces défauts se retrouvent encore dans le texte soumis à l’Assemblée »[4].

B. La force juridique d’une résolution adoptée sans opposition

Il convient néanmoins de souligner, que la Déclaration universelle, ayant été adoptée à la Troisième Commission par 29 votes en faveur et sept abstentions[5] et à l’Assemblée générale par 48 votes en faveur et huit abstentions[6], a acquis la force juridique d’une résolution adoptée sans opposition.

Les publicistes ont souligné que l’adoption d’une résolution sans opposition atteste de l’adhésion de l’ensemble des États. Antonio Cassese a ainsi souligné que l’adoption par consensus reflète la « conviction générale » que « les dispositions ont un statut juridiquement contraignant »[7].  De manière similaire, Louis B. Sohn argumente que l’adoption par consensus ou par une « majorité écrasante » d’un texte traduit l’expression d’une opinio juris selon laquelle les dispositions qu’il comporte sont généralement acceptable et reconnues[8].

C. L’interprétation autorisée de la Charte des Nations Unies

La Déclaration universelle a été également, dès son adoption, considérée comme étant l’interprétation autorisée de la Charte des Nations Unies, lui conférant, suivant cette logique, une nature juridique similaire à celle conventionnelle de la Charte.

C’est la position soutenue par le représentant de la France, René Cassin, qui a adressé le 25 avril 1948 une lettre au ministère français des Affaires étrangères dans laquelle il a écrit : « La déclaration des Droits de l’Homme est un complément de la Charte des Nations Unies. Elle n’a pas pu être insérée dans cette Charte parce qu’elle nécessitait une longue étude préparatoire ; Elle éclaire la Charte et constitue un tout organique des Nations Unies possédant toute la valeur juridique d’un tel acte »[9]. Il a exprimé publiquement sa position, qui devient celle de la France, tout d’abord, devant la Troisième Commission, le 2 octobre 1948, puis le 9 décembre 1948, devant l’Assemblée générale, en affirmant que « si elle n’est pas aussi puissante et astreignante qu’une convention, elle n’en a pas moins une valeur juridique, car elle est formulée dans une résolution de l’Assemblée qui a une valeur juridique de recommandation ; elle est le développement de la Charte qui a incorporé les droits de l’homme dans le droit international positif »[10]. Sa conception selon laquelle la Déclaration universelle constitue une définition autorisée de la Charte, est partagée par d’autres délégués, comme le représentant le Liban, Charles Malik, qui l’a exprimé devant l’Assemblée générale le 9 décembre 1948[11]. Le ministère de la justice des États-Unis a souligné qu’il ne partageait pas l’analyse de sa représentante Eleanor Roosevelt dans une note de ce ministère qui a souligné que « nous ne pouvons pas ignorer la possibilité que, bien que la déclaration n’est pas proposée comme un instrument juridiquement contraignant, elle a sans doute un effet ou une signification juridique »[12].

D’autres délégations ont exprimé leurs craintes de voir la Déclaration universelle devenir l’interprétation autorisée de la Charte. Ainsi, la délégation de l’Union sud-africaine, qui s’est abstenue lors de son adoption, a souligné le 10 décembre 1948 : « [L]a déclaration, tout en n’ayant pas le caractère d’une convention internationale, n’en imposerait pas moins certaines obligations aux États Membres si elle était acceptée par l’Assemblée, car on y verrait probablement une définition autorisée des droits et libertés essentiels dont parle la Charte sans les définir »[13].

Cette lecture, selon laquelle la DUDH pourrait être considérée comme étant l’interprétation autorisée de la Charte des Nations Unies, lui conférant, suivant cette logique, une nature juridique similaire est fondée sur deux éléments.

En premier lieu, cette lecture repose sur les termes employés par la Déclaration universelle dans son préambule et à son article 29. En effet, comme l’a souligné le juriste sri lankais Nihal Jayawickrama, en indiquant, dans le préambule, que « les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et « qu’une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement », il est suggéré que les droits de l’Homme auxquels la Charte fait référence sont ceux établis par la Déclaration universelle[14]. Concernant l’article 29 de la DUDH, selon lequel « [c]es droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies » fait selon René Cassin « une référence claire et même extensive à l’engagement juridique des États-Membres contenu dans l’art. 56 du Pacte »[15].

En second lieu, cette lecture repose sur le fait que la Déclaration de 1948 apparaît comme étant l’énoncé des droits de l’Homme auxquels la Charte fait référence à sept reprises, sans les définir, les rédacteurs de la Charte ayant envisagé d’y intégrer une déclaration de droits, qui n’a pas pu l’être, par crainte que sa rédaction retarde l’adoption de la Charte[16]. En effet, si le projet de Charte des Nations Unies élaboré d’août à octobre 1944 à Dumberton Oaks ne prévoyait pas que la future organisation devrait protéger les droits de l’Homme, les délégations d’Amérique latine des Caraïbes avaient souhaité en avril 1945 inclure dans la Charte elle-même une déclaration des droits de l’Homme. Ce souhait avait également été exprimé par la Conférence inter-américaine qui s’était tenue à Mexico juste avant la conférence de San Francisco. Des propositions de déclarations de droit avaient également été soumises notamment par le Comité juif américain (American Jewish Committee) et l’Association du Barreau américain (American Bar Association). Cette lecture a ainsi conduit à ce que des projets de juridictions internationales chargées de faire appliquer les droits énoncés par la DUDH aient été envisagés par la France[17] et l’Australie[18]. Un nouveau projet de juridiction internationale, rédigé par un comité co-présidé par Mary Robinson et Paulo Sérgio Pinheiro, a été publié en 2010[19].

II. LA RECONNAISSANCE D’UN STATUT JURIDIQUE OBLIGATOIRE

Le statut juridique international de la Déclaration universelle découle, selon l’article 38 de la CIJ, notamment de la doctrine des publicistes les plus qualifiés et des décisions judiciaires.

A. La doctrine des publicistes les plus qualifiés

Le statut juridique contraignant de la DUDH a été reconnu par la plupart des publicistes. En effet, certains auteurs, Juan-Antonio Carrillo-Salcedo[20], Antoine Favre[21], Rhona Smith[22] ou William Schabas[23], parmi d’autres, ont considéré que la DUDH énonce des principes généraux de droit2. John Humphrey[24], Alexandre Kiss[25], Louis B. Sohn[26] Bruno Simma et Philip Alston ont considéré qu’elle fait aujourd’hui partie du droit coutumier international. Enfin, d’autres auteurs, comme Emmanuel Decaux, ont estimé qu’elle est en voie d’acquérir la valeur juridique d’une norme de jus cogens[27].

B. Les interprétations jurisprudentielles des instances judiciaires et quasi-judiciaires

En ce qui concerne les décisions des organes judiciaires et quasi-judiciaires, le Comité des droits de l’Homme, lui a conféré dans son observation générale n°26 adoptée en 1997 un statut spécifique au sein de la Charte internationale des droits de l’Homme, en estimant que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques constituait une « codification » de la Déclaration universelle, et qu’à ce titre, un Etat ne bénéficie pas du droit de dénonciation[28].

En ce qui concerne la Cour internationale de Justice (ci-après, « CIJ »), des juges – Paul Guggenheim en 1955[29], Kotaro Tanaka en 1966[30] et Fouad Amoun en 1971[31] – ont considéré à travers des opinions individuelles que la Déclaration universelle constitue une source de droit. La CIJ s’est elle-même référée à la DUDH dans l’arrêt sur le personnel diplomatique et consulaire du 24 mai 1980, en mentionnant l’obligation par les États de respecter les « droits fondamentaux énoncés par la Déclaration universelle »[32]. Plus récemment, la Cour s’est référée dans l’arrêt rendu le 20 juillet 2012 sur les Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader à la DUDH pour relever que l’interdiction de la torture a acquis le caractère d’une norme de jus cogens[33]. Enfin, dans l’arrêt du 4 février 2021 concernant l’application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, portant notamment sur les droits applicables aux étudiants qataris aux Émirats arabes unis, la CIJ s’est appuyée sur la DUDH pour déterminer le champ d’application de cette convention et en conclure qu’elle concerne le respect des droits de l’Homme sans distinction aucune entre les bénéficiaires[34].

La Cour pénale internationale (ci-après, « CPI ») s’est, elle, référée dans de nombreuses décisions à la DUDH pour consacrer des principes généraux relatifs à la procédure. Ainsi, elle a mentionné l’article 5 de la DUDH relatif au droit de demander l’asile dans des décisions rendues concernant la présentation de témoins[35], l’article 8 relatif au droit à réparation[36], l’article 9 relatif à l’interdiction des arrestations, détentions et exils arbitraires[37], l’article 10 relatif à la notion de procès équitable[38] et l’article 11-1 relatif à la présomption d’innocence[39].

La CPI s’est récemment référée à la DUDH pour préciser les éléments constitutifs des crimes pour lesquels elle est compétente. En effet, la Chambre préliminaire de la CPI s’est référée à la DUDH pour définir « les graves dénis » des droits fondamentaux pouvant caractériser les actes de persécution constitutifs du crime contre l’humanité dans une décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête au Burundi du 25 octobre 2017[40] et dans une décision relative à la confirmation des charges portées contre Al Hassan du 30 septembre 2019[41]. La Chambre préliminaire s’est également référée aux articles 9 à 11 de la Déclaration universelle pour caractériser « l’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique » constitutif du crime contre l’humanité dans la décision mentionnée supra du 25 octobre 2017[42]. Elle s’est appuyée sur l’article 16 de la Déclaration universelle pour établir que la violation du droit fondamental de fonder une famille de manière consensuelle peut constituer l’un des « autres actes inhumains » constitutifs du crime contre l’humanité dans les décisions relatives à la confirmation des charges contre Dominic Ongwen du 23 mars 2016[43] et contre Al Hassan du 30 septembre 2019[44].

III. LES DYNAMIQUES DE RÉCEPTION DANS LES ORDRES INTERNES

La Déclaration universelle a été incorporée dans les ordres internes de quatre espaces transnationaux, définis par René David[45] : les ordres juridiques de common law, d’Amérique centrale et du sud, des États africains et de l’espace européen.

A. L’incorporation jurisprudentielle dans les ordres juridiques de Common Law

Dans les ordres juridiques de Common Law, des décisions rendues par les plus hautes juridictions, la Haute Cour du Royaume-Uni en 1999[46], la Haute Cour d’Irlande en 1995[47], la Cour suprême des Etats-Unis en 2004[48],  la Haute Cour d’Australie en 1949[49], la Cour suprême d’Inde en 1973[50] et la Cour suprême du Sri Lanka en 1982[51], ont indiqué que la Déclaration universelle ne présente pas de caractère obligatoire au sein de leur ordre interne.

À la faveur de caractéristiques propres aux ordres juridiques de Common Law, comme l’importance de la jurisprudence[52], la théorie de l’adoption ou de l’incorporation qui permet aux juges de s’appuyer sur des normes du droit international coutumier[53] ou le Clear statement ou interprétation favorable des lois au droit international, ces hautes juridictions se sont néanmoins référées à la DUDH pour interpréter des normes du droit international des droits de l’Homme ou des droits énoncés par des textes nationaux comme la Human Rights Act adoptée en 1998 au Royaume-Uni ou la Charte canadienne des droits et des libertés adoptée en 1982 au Canada[54]. A titre d’exemple, la Cour suprême canadienne s’est référée le 5 novembre 2020 à l’article 5 de DUDH pour établir que la protection contre les traitements ou peines cruels et inusités prévus par la Charte canadienne des droits et des libertés de 1982 n’était pas applicable à une personne morale[55].

B. L’incorporation dans les ordres juridiques d’Amérique centrale et du Sud

Au sein des ordres juridiques internes d’Amérique centrale et du Sud, les juges de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme se sont référées dans de nombreuses décisions à la DUDH qui est mentionnée à deux reprises dans le préambule de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme[56]. Les constitutions du Pérou de 1993, de l’Argentine de 1994, du Nicaragua de 1987 et la loi du Guatemala sur la commission des droits de l’Homme ont incorporé la DUDH dans les ordres internes, permettant ainsi aux juges nationaux de se référer à la DUDH[57]. Cette incorporation a résulté, comme l’a souligné Marcelo Kohen lors d’un entretien, de la « sensibilité particulière » due aux régimes militaires qu’ont connus plusieurs pays, en particulier l’Argentine[58].

C. L’incorporation dans les ordres juridiques africains

Au sein des ordres juridiques africains, la dynamique d’incorporation repose, selon René Denis-Segui, principalement sur la légitimité acquise dans le cadre du processus d’indépendance, ce qui a conduit à ce que la quasi-totalité des Constitutions y fasse référence[59]. Certaines Constitutions lui ont consacré une valeur contraignante, c’est le cas des Constitutions du Sénégal de 2001, où le conseil constitutionnel l’a intégrée au « bloc de constitutionnalité » [60], et des Constitutions du Cameroun de 1972, de Djibouti de 1992 et de la République du Congo de 2015.

D. L’incorporation dans l’espace européen

Au sein de l’espace européen, son incorporation a résulté principalement des références dans la Convention européenne et de la dynamique portée par la Cour européenne, notamment à travers l’arrêt Behrami et Behrami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège du 2 mai 2007[61].

En France, le Conseil constitutionnel ne s’est jamais appuyé sur la DUDH et le Conseil d’Etat a maintenu sa jurisprudence[62], selon laquelle la DUDH n’est pas un traité applicable au titre de l’article 55 de la Constitution, dans plusieurs décisions rendues très récemment[63], la dernière étant une décision du 23 mai 2023 concernant des mesures s’appliquant aux personnes non vaccinées[64].

Pour autant, sous l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne, il apparaît aujourd’hui que les jurisprudences évoluent. La Cour de cassation considère désormais que « les principes énoncés par la Déclaration universelle s’imposent dès lors qu’ils sont repris par la Convention européenne des droits de l’homme qui, elle, s’inscrit dans l’ordre juridique interne »[65]. Ainsi, associée à la Convention européenne, la Cour de cassation s’est fondée sur la Déclaration universelle dans des arrêts du 26 mai 1998 de la chambre commerciale[66], du 25 mars 2021 de la Deuxième Chambre Civile pour rappeler les principes d’accessibilité du juge et de procès équitable[67] et dans un arrêt du 5 juillet 2023 de la Première Chambre Civile pour définir la prescription dans le crime d’esclavage[68].

E. Les objecteurs persistants

Le caractère contraignant des droits énoncés par la DUDH demeure rejeté totalement ou partiellement dans certains ordres juridiques internes, qui peuvent être qualifiés d’objecteurs persistants. C’est le cas lorsque le droit international n’est pas reconnu, comme dans les ordres juridiques dualistes, où le droit international et le droit interne sont séparés, comme historiquement dans les États de l’Union soviétique, ou dialectiques, où ces ordres sont en compétition, comme en Chine[69]. C’est également le cas lorsque les droits énoncés par la DUDH sont mis en concurrence avec d’autres sources de droit, comme le droit islamique[70]. Enfin, c’est le cas lorsque le caractère obligatoire de la DUDH a été explicitement écarté, comme au Japon[71] ou en Allemagne[72].

Suivant la théorie développée par Jack Donnelly, de l’« universalité relative des droits de l’Homme », ces objecteurs persistants, ne constituent néanmoins qu’une « déviation » marginale du droit international[73].

*

Dès son adoption, la nature juridique de la DUDH a suscité des espoirs, exprimés par René Cassin, qui y voyait l’interprétation autorisée de la Charte des Nations Unies, et des craintes exprimées par les représentants des États qui se sont abstenus. Il apparaît, 75 ans après son adoption, que ces espoirs et ces craintes ont été visionnaires.

La Déclaration universelle est désormais perçue, pour reprendre la doctrine de Roberto Ago – qui a imaginé l’idée de « normes initiales et fondamentales du système »[74] –, comme la norme initiale et fondamentale du système établi à partir de 1948 qui a mis en place le droit international des droits de l’Homme.

Elle constitue ainsi une matrice ou un socle juridique obligatoire permettant l’interprétation du droit international des droits l’Homme codifié à travers les pactes et les conventions ou issu du droit coutumier. Ce statut entrevu dans la thèse publiée il y a dix ans apparaît avec davantage de clarté aujourd’hui, à travers les décisions rendues tout récemment par les juridictions internationales, la CIJ et la CPI notamment, mais aussi les juridictions nationales, à l’instar de la Cour de cassation en France.

En considérant que la Déclaration de 1948 n’a pas constitué une fin en soi autorisant une interprétation restrictive des droits énoncés dans les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, mais qu’elle est devenue la norme initiale et fondamentale du système établi à partir de 1948 du droit international des droits de l’Homme, il apparaît que la Déclaration universelle justifie une interprétation ouverte au développement ultérieur des droits de l’Homme, permettant ainsi de protéger un nombre toujours plus grand de droits de l’Homme.

[1] René Cassin, « La Déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l’homme », R.C.A.D.I., vol. 79, 1951, pp. 237-367, spéc. p. 291.

[2] Discours d’Eleanor Roosevelt à l’Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1948, cité in Département d’État des États-Unis, Bulletin, vol. 19, 19 décembre 1948, p. 751 (traduction personnelle). Le rapport de séance de l’Assemblée générale de l’ONU reproduit également une version synthétique de son discours : AGNU, « Projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », 180ème séance plénière, 9 décembre 1948, U.N doc. A/PV.180, p. 862.

[3] AGNU, « Suite de la discussion sur le projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », 182ème séance plénière, 10 décembre 1948, U.N. doc. A/PV.182, pp. 898-899, cité par William Schabas, « Le Canada et l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme », Revue québécoise de droit international, vol. 11, n° 2, 1998, Actes du Congrès mondial sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, pp. 67-102, spéc. p. 98.

[4] AGNU, « Projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », précité, p. 854.

[5] AGNU, « Projet de convention sur le génocide : rapports du Conseil économique et social et de la Sixième Commission (A/760 et 1/760/Corr.1) », 178ème séance plénière, 9 décembre 1948, U.N. doc. A/PV.178 ; Mary Ann Glendon, A World Made New. Eleanor Roosevelt and the Universal Declaration of Human Rights, Random House Trade Paperbacks, 2002, p. 162.

[6] AGNU, Charte internationale des droits de l’Homme, résolution 217 (III), 10 décembre 1948.

[7] Antonio Cassesse, « The Geneva Protocols of 1977 on the Humanitarian Law of Armed Conflict and Customary International Law », UCLA Pacific Basin Law Journal, vol. 3, 1984, p. 113, cité par Theodor Meron, Human Rights and Humanitarian Norms as Customary Law, Oxford, Clarendon Press, 1989, pp. 85-86.

[8] « The convention[’s] signature by a large number of states confirms that the provisions […] have been generally accepted […] and constitutes […] an opinio juris that these provisions are generally acceptable […] ; [declaratory resolutions] which, if accepted by an overwhelming majority of the General Assembly, usually by consensus or by an almost unanimous vote, can also constitute “generally accepted” principles of international law » : Louis B. Sohn, « “Generally Accepted” International Rules », Washington Law Review, 1986, vol. 61, p. 1077-1078, cité par Theodor Meron, Human Rights and Humanitarian Norms as Customary Law, op. cit., p. 86.

[9] Lettre de René Cassin du 25 avril 1948 ou du 25 août 1948, secrétariat des Conférences, carton NUOI 382, archives du ministère des affaires étrangères, citée par Éric Pateyron, La Contribution française à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Paris, La Documentation française, 1998, p. 164.

[10] AGNU, « Suite de la discussion sur le projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », 181ème séance plénière, 10 décembre 1948, U.N. doc. A/PV.181, p. 875.

[11] AGNU, « Projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », précité, p. 860.

[12] George T. Washington, Assistant to the General Attorney, to Herzel H.E. Plaine, Department of State, 2 juillet 1948, RG – 59, General Records of the Department of State / Decimal File, 1945-1949, 501.BD Human Rights / 6-148 to 501.BD Human Rights / 5-3149, Box 2189 cité par Olivier Barsalou, La Guerre froide, les États et la genèse de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 68 (traduction personnelle). Texte original : « we cannot overlook the possibility, that while the declaration is not proposed as a legally binding instrument, arguably it can have legal effect or significance ».

[13] AGNU, « Suite de la discussion sur le projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission », précité, pp. 910-911.

[14] Nihal Jayawickrama, The judicial application of human rights law: national, regional and international jurisprudence, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 30.

[15] René Cassin, « La Déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l’homme », précité, p. 293.

[16] Roberto Garreton, « La valeur juridique de la Déclaration universelle dans le système des Nations Unies », in CNCDH, La Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948-98. Avenir d’un idéal commun. Actes du colloque des 14, 15 et 16 septembre 1998 à la Sorbonne, Paris, La Documentation française, 1999, pp. 271-282 ; Mary Ann Glendon, « The Forgotten Crucible: The Latin American Influence on the Universal Human Rights Idea », Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp. 15-39 ; Johannes Morsink, The Universal Declaration of Human Rights. Origins, Drafting & Intent, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1999, p. 2.

[17] Emmanuel Decaux, « L’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme », in CNCDH, De la France libre aux droits de l’homme. L’héritage de René Cassin, Paris, La Documentation française, 2009, pp. 123-154 ; Georges-Henri Soutou, La France et la Déclaration des droits de l’homme. France and the Declaration of Human Rights, Paris, Les Editions du Diplomate, 2008, pp. 41-44.

[18] Conseil économique et social, Commission des droits de l’homme, « Projet de résolution présenté par le délégué de l’Australie en vue de la création d’un tribunal international des droits de l’homme », 5 février 1947, U.N. doc. E/CN.4/15, 5 février 1947.

[19] Julia Kozma, Manfred Nowak et Martin Scheinin, A World Court of Human Rights – Consolidated Statute and Commentary, Vienne/Graz, Verlag, 2010.

[20] « [M]e parace preferible y más correcto considerar el valor jurídico de la Declaración Universal de Derechos Humanos como expresiòn de principios generales de Derechos sobre los que existe acepción general » :  Juan Antonio Carrillo-Salcedo, « Algunas reflexiones sobre el valor jurídico de la Declaración Universal de Derechos Humanos », in Manuel Pérez Gonzalez (éd.), Hacia un nuevo orden internacional y europeo : estudios en homenaje al profesor don Manuel Díez de Velasco, Madrid, Tecnos, 1993, pp. 167-178, spéc. p. 177. Il écrit également qu’en tant qu’« interprétation authentique des dispositions de la charte des Nations Unies relatives aux droits de l’homme et au principe constitutionnel de la dignité de la personne humaine qu’elle introduit dans le droit international contemporain », la Déclaration universelle exprime des principes généraux du droit : « la valeur juridique de la Déclaration universelle des droits de l’homme me semble donc indéniable en droit international contemporain, soit parce que les deux éléments de la coutume s’y trouvent réunis, ou, ce qu’à mon avis serait plus exact, parce qu’elle exprime des principes généraux du droit international » : Juan-Antonio Carrillo-Salcedo, « Les valeurs juridiques de la Déclaration dans l’ordre national », in CNCDH, La Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948-98. Avenir d’un idéal commun. Actes du colloque des 14, 15 et 16 septembre 1998 à la Sorbonne, précité, pp. 293-294.

[21] Antoine Favre, « Les principes généraux du droit, fonds commun du droit des gens », in Recueil d’études de droit international en hommage à Paul Guggenheim, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1968, pp. 366-390, spéc. p. 377.

[22] « [I]t is arguable that many of the rights enunciated in the Charter are now so widely accepted that they form part of the general principles of law » : Rhona K.M. Smith, Textbook on International Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 5ème éd., 2012, p. 38.

[23] « There is some support for the view that the Universal Declaration, drafted with frequent reference to national constitutional provisions and then used as a basis for new texts of this nature, is a part of international law as a statement of « general principles » » : William Schabas, « Introductory essay: the drafting and significance of the Universal Declaration of Human Rights », in William Schabas (éd.), The Universal Declaration of Human Rights. The Travaux Préparatoires, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, 3 vol., p. cxx.

[24] « [The UDHR is] part of the customary law of nations, and therefore is binding on all states » : John P. Humphrey, « The International Bill of Rights : Scope and Implementation », William and Mary Law Review, vol. 17, 1976, p. 529, cité par Nihal Jayawickrama, The judicial application of human rights law: national, regional and international jurisprudence, précité, p. 42.

[25] Alexandre Kiss, « The Role of the Universal Declaration of Human Rights in the Development of International Law », Centre pour les droits de l’Homme des Nations Unies, Bulletin of Human Rights: Special Issue: Fortieth Anniversary of the Universal Declaration of Human Rights, 1988, p. 47, cité par ibid.

[26] « The Declaration, as an authoritative listing of human rights, has become a basic component of international customary law, binding all states, not only on members of the United Nations » : Louis B. Sohn, « The New International Law: Protection of the Rights of Individuals Rather than States », American University Law Review, vol. 32, 1982,  pp. 1-16 ; Louis B. Sohn, « John A. Sibley Lecture: The Shaping of International Law », Georgia Journal of International and Comparative Law, vol. 8, 1978, pp. 18-22, cité par Theodor Meron, Human Rights and Humanitarian Norms as Customary Law, op. cit., p. 82.

[27] Emmanuel Decaux, « La Charte internationale des droits de l’homme, cohérence et complémentarité ? », in CNCDH, La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme 1948-2008. Réalité d’un idéal commun ? Les droits économiques, sociaux et culturels en question, colloque de Strasbourg, Paris, La Documentation française, 2009, p. 43.

[28] Comité des droits de l’homme, « Observation générale sur les questions touchant la continuité des obligations souscrites en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », Observation générale n° 26, 71ème session, 1997, U.N. doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.8/Rev.1.

[29] Opinion dissidente du juge Guggenheim (juge « ad hoc »), sous CIJ, arrêt du 6 avril 1955, Affaire Nottebohm (Lichtenstein c. Guatemala), deuxième phase, C.I.J. Recueil 1955, p. 63.

[30] Opinion dissidente du juge Tanaka sous CIJ, arrêt du 18 juillet 1966, Affaire du Sud-Ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), deuxième phase, C.I.J. Recueil 1966, pp. 289-293.

[31] Opinion individuelle du vice-président Ammoun sous CIJ, avis consultatif du 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, p. 76 ; voir Emmanuel Decaux, « De la promotion à la protection des droits de l’Homme. Droit déclaratoire et droit programmatoire », in SFDI (éd.), La protection des droits de l’homme et l’évolution du droit international, Actes du colloque de Strasbourg, Paris, Éditions Pedone, 1998, pp. 81-119, spéc. p. 108.

[32] CIJ, arrêt du 24 mai 1980, Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d’Amérique c. Iran), C.I.J. Recueil 1980, p. 42 ; voir Emmanuel Decaux, « De la promotion à la protection des droits de l’Homme. Droit déclaratoire et droit programmatoire », précité, p. 108 ; Juan-Antonio Carrillo-Salcedo, « Les valeurs juridiques de la Déclaration dans l’ordre national », précité, p. 290 ; Menno T. Kamminga, « Impact on State Succession is Respect of Treaties », in Menno T. Kamminga et Martin Scheinin (dir.), The Impact of Human Rights Law on General International Law, Oxford, Oxford University Press, 2009, pp. 99-109.

[33] CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), C.I.J. Recueil 2012, p. 33, § 99.

[34] CIJ, arrêt du 4 février 2021, Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Émirats arabes unis), exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2021, p. 38, § 104.

[35] CPI, 5 août 2011, Version expurgée de la Décision relative à la requête de DRCD01WWWW0019 aux fins de mesures de protection spéciales dans le cadre de sa demande d’asile, Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur C. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, p. 11, § 25 ; CPI, 9 juin 2011, Décision sur une requête en amicus curiae et sur la « requête tendant à obtenir présentations des témoins DRC-D02-P-0350, DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 aux autorités néerlandaises aux fins d’asile » (articles 68 et 93-7 du Statut). Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07, p. 33, § 67.

[36] CPI, 7 août 2012, Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de réparations. Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, p. 75, § 185.

[37] CPI, 14 août 2009, Décision relative à la mise en liberté provisoire de JeanPierre Bemba Gombo  et invitant les autorités du Royaume de Belgique, de la République portugaise,  de la République française, de la République fédérale d’Allemagne,  de la République italienne et de la République sudafricaine à participer à des audiences. Situation en République centrafricaine. Affaire le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08, p. 115, § 35.

[38] CPI, 31 mars 2006, Situation en République démocratique du Congo. Décision relative à la requête du procureur sollicitant l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la chambre du 17 janvier 2006 sur les demandes de participation à la procédure de vprs 1, vprs 2, vprs 3, vprs 4, vprs 5 et vprs 6, ICC-01/04, p. 13, § 34 ; CPI, 12 septembre 2006, Décision relative à la demande d’autorisation du Procureur de répondre aux conclusions de la Défense en réponse au mémoire d’appel du Procureur. Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, pp. 6-7, § 3 ; CPI, 18 janvier 2007, Décision relative à la participation des victimes. Situation en République Démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, p. 58, § 9 ; CPI, 11 juin 2008, Décision relative à la requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la décision sur le système de divulgation des éléments de preuve, rendue par la Chambre préliminaire III. Situation en République centrafricaine le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08, pp. 8-9, § 13 ; CPI, 18 septembre 2009, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, Situation en République centrafricaine. Affaire le procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08, pp. 9-10, §18 ; CPI, 7 avril 2015, Arrêt relatif à l’appel interjeté par le Procureur contre la décision de la Chambre de première instance II intitulée « Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut ». Situation en République démocratique du Congo. Affaire le procreur c. Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-02/12 A, p. 108, § 255.

[39] CPI, 21 octobre 2008, Décision relative aux conséquences de la noncommunication de pièces à décharge couvertes par les accords prévus à l’article 543e du Statut, à la demande de suspension des poursuites engagées contre l’accusé et à certaines autres questions soulevées lors de la conférence de mise en état du 10 juin 2008, Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, p. 27, § 58 ; CPI, 31 janvier 2011, Décision relative à la requête de la Défense sollicitant une ordonnance aux fins de préserver  ’impartialité de la procédure. Situation en République démocratique du Congo. Affaire le Procureur c. Allixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10, pp. 6-7, § 9.

[40] CPI, 25 octobre 2017, Version publique expurgée de la Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation au Burundi rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome le 25 octobre 2017 (ICC-01/17-X-9-US-Exp). Situation en République du Burundi, ICC-01/17-X, p. 68, § 132.

[41] CPI, 30 septembre 2019, Version publique expurgée Rectificatif à la Décision relative à la confirmation des charges portées contre Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud. Situation en République du Mali, ICC-01/12-01/18, pp. 305-306, § 664.

[42] CPI, 25 octobre 2017, Version publique expurgée de la Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation au Burundi rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome le 25 octobre 2017, précitée, pp. 37-37, § 68.

[43] CPI, 23 mars 2016, Version publique expurgée. Avec annexe publique : liste des victimes participantes. Décision relative à la confirmation des charges contre Dominic Ongwen. Situation en Ouganda. Affaire le Procureur c. Dominic Ongwen, ICC-02/04-01/15, p. 46, § 94.

[44] CPI, 30 septembre 2019, Version publique expurgée Rectificatif à la Décision relative à la confirmation des charges portées contre Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud. Situation en République du Mali, précitée, pp. 262-263, § 554.

[45] René David distingue les familles de common law, de droit romano-germanique, socialiste et de systèmes philosophiques et religieux : René David et Camille Jauffrey-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2002.

[46] UKHC, Alexander v. Halifax Plc (Statement of Claim), 1999 cité par Vinodh Jaichand et Markku Suksi (dir.), 60 Years of the Universal Declaration of Human Rights in Europe, Antwertp/Oxford/ Portland, Intersentia, 2009, p. 34. D’autres décisions ont consacré cette jurisprudence au Royame-Uni : Vat and Duties Tribunal, (Amexa De Carril) v. The Commissioners for Her Majesty’s Revenue, UKVAT(Excise) E01087, 2008 ; HoL, Januzi v. Secretary of State for the Home Department, UKHL 5, 2006 ; HoL, Regina (On the Application of European Roma Rights Centre) v. Immigration Officer at Prague Airport and Another (United Nations High Commissioner for Refugees intervening), UKHL 55, 2005 ; Privy Council, Boyce and Another v. The Queen, UKPC 32, 2004.

[47] « [T]he United Nations Universal Declaration of Human Rights is not part of the domestic law of Ireland » : Irlande, High Court, Croke v Smith, O’Connor, The Eastern Health Board, Ireland and the Attorney General, 31 juillet 1995.

[48] « The Declaration does not of its own force impose obligations as a matter of international law » : États-Unis, Cour Suprême, Sosa v. Alvarez-Machain, 542 US 692, 2004.

[49] « The declaration is not part of the law of Australia » : Australie, Higj Court, R. v. Wallis, 4 août 1949.

[50] « The Declaration may not be a legally binding instrument but it shows how India understood the nature of Human Rights » : Inde, Cour suprême, Kesavananda Bharati Sripadagalvaru and Ors Vs. State of Kerala and Anr, 1973 AIR 1461, 1973 Suppl. SCR 1, 1973 (4) SCC 225, 1973, § 156.

[51] « Sri Lanka has signed the Declaration and the two Covenants but not the Protocol. The Court will respect the Declaration and the Covenants but their legal relevance here is only in the field of interpretation. So far as our municipal law goes, they have not the force of law » : Sri Lanka, Cour suprême, Visuvalingam and Others v. Liyanage and Others, No 47/83, 53/83, 61/83, 1982, § 349.

[52] René David et Camille Jauffrey-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, op. cit., pp. 296-299.

[53] Ronald St. J. MacDonald¸ Canadian Perspectives on International Law and Organization, Toronto, University of Toronto Press, 1974, pp. 88 et s., cité par Francis Rigaldies et José Woehrling, « Le juge interne canadien et le droit international », Les Cahiers de Droit, 1980, vol. 21, n° 2, pp. 293-328, spéc. p. 304.

[54] Voir sur le Royaume-Uni pp. 143-154, sur l’Irlande pp. 154-162, sur le Canada pp. 162-166, sur l’Inde pp. 167-170, et sur le Sri Lanka pp. 170-171 in Marc Gambaraza, Le statut de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une Aventure juridique, Paris, Éditions Pedone, 2016.

[55] Canada, Cour suprême, Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., 5 novembre 2020, § 110.

[56] Marc Gambaraza, Le statut de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une Aventure juridique, op. cit., pp. 201-203 ; Marie Rota, « La Déclaration universelle des Droits de l’homme : source des droits garantis par la Convention américaine relative aux Droits de l’homme », CRDF, n° 7, 2009, pp. 63-72.

[57] Voir sur le Pérou pp. 205-207, sur l’Argentine pp. 207-212, sur le Nicaragua pp. 211-212 et sur le Guatemala p. 212, in Marc Gambaraza, Le statut de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une Aventure juridique, op. cit.

[58] Entretien avec M. le Professeur Marcelo Kohen, Genève, 13 novembre 2012, cité par ibid., pp. 207-208.

[59] René Denis-Segui, « La Déclaration Universelle et la décolonisation », in CNCDH, La Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948-98. Avenir d’un idéal commun, Actes du colloque des 14, 15 et 16 septembre 1998 à la Sorbonne, Paris, La Documentation française, 1999, pp. 297-320, spéc. p. 310.

[60] Décisions des 23 juin et 16 décembre 1993 ; Voir Mouhamadou Mounirou Sy, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique. L’exemple du Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 28.

[61] CEDH, G.C., décisions du  2 mai 2007, Behrami and Behrami c. France, req. n° 71412/01 et Saramati c. France, Allemagne et Norvège, req. n° 78166/01, § 147 ; voir Antti Korkeakivi, « The Council of Europe : First steps and then some collective enforcement of the Universal Declaration », in Vinodh Jaichand et Markku Suksi (dir.), 60 Years of the Universal Declaration of Human Rights in Europe, op. cit., pp. 399-414, spéc. pp. 410-411.

[62] France, Conseil d’État, 18 avril 1951, Elections de Nolay, Rec. 189 ; Conseil d’État, 11 mai 1960, Car, n° 46480.

[63] Dans la décision n° 444972 du 11 février 2021, concernant un arrêté du Premier Ministre relatif à une extradition aux autorités de la République de Corée., le Conseil d’Etat a rappelé que « [le requérant] ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l’article 9 et 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme, qui n’est pas entrée en vigueur en France » ; dans la décision n° 457445 du 5 novembre 2021 concernant l’obligation vaccinale des soignants, le Conseil d’Etat a relevé que « la Déclaration universelle des droits de l’homme n’est pas au nombre des textes diplomatiques qui, ayant été ratifiés et publiés en vertu d’une loi, ont, aux termes de l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, une autorité supérieure à celle de la loi » ; dans la décision du n° 456153 du 21 décembre 2021 concernant la promulgation d’un acte dit loi du pays en Nouvelle-Calédonie le Conseil d’Etat a indiqué que le requérant « ne peut utilement invoquer à l’encontre de la « loi du pays » litigieuse la méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations-Unies, lequel est dépourvu d’effet direct en droit interne » ; dans la décision n° 443289 du 17 octobre 2022 il a été mentionné que « le moyen tiré de la violation de l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme ne peut qu’être écarté comme inopérant dès lors que ce texte ne figure pas au nombre des traités et accords qui ont été régulièrement ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l’article 55 de la Constitution ».

[64] Dans la décision n° 471563 du 23 mai 2023, le Conseil d’État a rappelé que « [l]a requérante, qui ne peut en tout état de cause pas utilement invoquer la déclaration universelle des droits de l’homme, dès lors que ce texte ne figure pas au nombre des traités et accords qui ont été régulièrement ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l’article 55 de la Constitution ».

[65] Cour de cassation, « Les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme », extrait du discours de Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation : https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2018/04/13/les-70-ans-de-la-declaration-universelle-des-droits-de-lhomme (accès au site Internet le 12 novembre 2023).

[66] Cass. Com., 26 mai 1998, n° 96-10.582, publié au bulletin.

[67] Cass. 2ème civ., 25 mars 2021, n° 20-10.654, publié au bulletin.

[68] Cass. 2ème civ., 5 juillet 2023, n° 22-13.457, publié au bulletin.

[69] Zou Keyuan, « International Law in the Chinese Domestic Context », Valparaiso University Law Review, vol. 44, n° 3, 2010, pp. 935-956, spéc. p. 939

[70] Marc Gambaraza, Le statut de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une Aventure juridique, op. cit., pp. 395-405

[71] Japon, Cour suprême, 尊属傷害致死 [Judgment upon case of bodily injury resulting in death to lineal ascendant under Article 205-2 of the PENAL CODE], jugement, 11 octobre 1950 (année 25 de l’ère Hirohito), 1950(A)No.292.

[72] Allemagne, Bundesverwaltungsgericht, 5, 153, 29 juin 1957 ; ALLEMAGNE, BUNDESVERFASSUNGGERICHT, 2 BvR 955/00, 26 octobre 2004, Absatz-Nr. (1 – 160), § 119.

[73] Jack Donnelly, « The Relative Universality of Human Rights », Human Rights Quarterly, n° 29, 2007, pp. 281-306, spéc. p. 300-301.

[74] Roberto Ago, « Science juridique et droit international », R.C.A.D.I., vol. 90, 1956, pp. 857-956, spéc. p. 946.