N. 21 - 2023

Propos introductifs

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Monsieur le président de l’Association française des Nations unies, cher Jean-Maurice Ripert,
Monsieur le président de la Fondation René Cassin, Cher Emmanuel Decaux,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

La ministre de l’Europe et des Affaires étrangères n’a pas pu être parmi vous ce matin car elle a dû partir pour l’Australie en lien avec les discussions actuelles sur le Proche-Orient. Elle le regrette beaucoup et m’a demandé de délivrer en son nom ce message.

*

Le 10 décembre 1948, l’Assemblée Générale des Nations unies adoptait la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Ce texte fondateur continue d’être le socle essentiel d’un monde plus juste, plus libre, plus prospère et plus pacifique. Il énonce des principes, des droits et des libertés indispensables à l’Etat de droit et à la démocratie.

La France se devait de célébrer ce 75eme anniversaire de cette Déclaration Universelle, la « DUDH » comme on l’appelle. Elle le devait à plusieurs titres : parce qu’elle fut le pays hôte de la signature de la Déclaration Universelle au Palais de Chaillot en décembre 1948 ; parce qu’elle fut un pays précurseur avec la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, texte au sens propre révolutionnaire, qui expose « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme » ; par l’apport personnel de René Cassin dans sa conception et sa rédaction, et enfin par la place que tiennent les droits de l’Homme dans notre Constitution, dans notre système juridique ainsi que dans notre diplomatie et notre action extérieure.

Je suis donc particulièrement heureuse que vous ayez choisi d’organiser cette Conférence sur l’apport de la DUDH au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et regrette de ne pas être parmi vous ce matin.

La Déclaration Universelle des droits de l’Homme a été et continue d’être une source d’inspiration fondamentale pour les efforts entrepris aux niveaux national et international pour promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales.

Elle a directement inspiré le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques et sociaux – qui forment avec la DUDH la « Charte des droits de l’Homme » des Nations Unies-. On peut se réjouir de voir progresser la ratification de ces textes internationaux majeurs, pour atteindre aujourd’hui, respectivement 173 et 171 États membres. Ce n’est pas encore l’ensemble des pays du monde, mais cela s’améliore. Et la diplomatie française y travaille.

Les principes posés par la DUDH trouvent également une portée juridique au niveau régional, dans des textes contraignants au fondement de systèmes juridiques puissants. Ainsi, en Europe, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales adoptée en 1950 s’inscrit directement dans son préambule, dans le prolongement de la DUDH.

Parallèlement, la justice internationale s’est renforcée. Ainsi avec la création de la Cour Pénale Internationale en 1998 s’est construit un nouvel ordre juridique mondial, où personne, pas même les chefs d’Etat, ne sera à l’abri de poursuites en cas de crime contre l’humanité.

La réalisation concrète 

Bien sûr, ce qui reste à accomplir est immense. Qu’est-ce qu’un droit qu’une partie seulement des États applique ? Qu’est-ce qu’un droit dont la violation n’est pas sanctionnée ?

L’objectif de la France de ce point de vue est clair : c’est la ratification universelle et l’application réelle des traités et conventions existants.

Notre priorité, c’est aussi la réalisation concrète de tous les droits. La période de 1948 aux années 2000 a montré de multiples progrès : mouvements de décolonisation, diffusion de la démocratie et de l’Etat de droit, instauration de justices internationales et régionales, recul de la peine de mort, développement des programmes d’éducation et de santé, progression de l’égalité entre les femmes et les hommes, recul du travail des enfants.

Cette dynamique de progrès a subi hélas un arrêt depuis le début des années 2000. Le constat aujourd’hui est amer.

Les principes proclamés par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme sont encore trop souvent bafoués, comme le révèlent de nombreux rapports internationaux et nous le rapportent nos diplomates sur le terrain. Des actes de torture ou de mauvais traitements sont encore exercés dans 3 pays sur 4 selon Amnesty international. Trop souvent, des opposants politiques sont réduits au silence. La liberté d’expression est violée. L’administration de la justice reste arbitraire. Des minorités sont persécutées. Des guerres et des conflits armés font rage. Le terrorisme montre son visage monstrueux au mépris de toute dignité humaine. Les populations civiles paient le prix des conflits non résolus ou des prédations de territoires. Dans certains pays, l’égalité entre hommes et femmes ou les droits des personnes LGBT recule, et les droits des femmes sont annihilés.

Face à ce constat, notre rôle est de dénoncer mais surtout d’agir.

Action de la France

Fidèle à son esprit et à son histoire pionnière, la France a ratifié les principaux instruments internationaux en matière de protection des droits de l’Homme. Elle est membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, où elle vient d’être réélue pour un nouveau mandat. Elle travaille avec ses partenaires, l’Union Européenne, les organisations internationales, ainsi qu’avec la société civile, pour défendre l’universalité des droits de l’Homme, le respect des libertés et droit fondamentaux et le renforcement de la coopération internationale.

Quelques mots sur nos priorités actuelles.

La France continue de travailler sans relâche en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort « en tous lieux et toutes circonstances » et se réjouit de voir, chaque année ou presque, des pays rejoindre le camp abolitionniste. 4 nouveaux pays ont aboli la peine de mort en 2022. Cette année, c’est le Ghana qui a supprimé cette peine cruelle, injuste et inefficace de son arsenal pénal.

La France poursuit sa lutte contre toutes les haines et toutes les discriminations. Elle poursuit son engagement en faveur des droits des femmes et de leurs droits et santé sexuels et reproductifs. Elle défend les droits des enfants et des personnes LGBT+.

Elle soutient l’accès de tous aux droits économiques, sociaux et culturels : santé, éducation, sécurité alimentaire, lutte contre le changement climatique et droit à un environnement sain. Elle le fait sur le terrain, par l’intermédiaire de son aide publique au développement, qui est la 4ème au monde. Parce qu’il existe un lien indissociable entre la réalisation des droits humains et l’atteinte des Objectifs de développement durable, nous intégrons une « approche fondée sur les droits humains » à l’ensemble de nos actions de coopération au développement.

Elle défend la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que la liberté de la presse, si essentielles au bon fonctionnement des démocraties.

Oui, le combat pour les droits de l’être humain est toujours d’actualité, autant pour ses droits civils et politiques que sociaux, économiques, culturels, qui forment un tout indivisible et interdépendant.

Alors même que nous fêtons le 25ème anniversaire de la déclaration de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, je veux souligner notre action aux côtés et en faveur de ceux qui s’engagent pour défendre les droits et les libertés, parfois au péril de leur sécurité, voire de leur vie. Notre pays dispose de multiples programmes de soutien à ces défenseurs, envers les artistes, les chercheurs, les avocats ou encore les journalistes. A l’initiative du Président de la République, nous avons développé depuis 2021 l’initiative « Marianne pour les défenseurs des droits de l’Homme », qui finance des projets sur le terrain et accueille, chaque année, en France, une 15aine de défenseurs des droits sélectionnés pour suivre durant 6 mois un programme personnalisé de renforcement de capacités. Nous collaborons également avec nos partenaires européens à ce sujet pour renforcer nos capacités d’action.

Remerciements à AFNU – Fondation René Cassin

Je tiens pour conclure à saluer l’action de l’Association française des Nations unies pour faire connaître l’action des organisations onusiennes et celle de la France dans ce domaine.

Notre pays a joué un rôle moteur à la création et pour renforcer le poids des Nations Unies.

Et vous, Jean Maurice Ripert, qui avez été représentant permanent de la France auprès de l’ONU, le savez mieux que quiconque.

Renforcer le multilatéralisme et la coopération internationale pour vaincre les défis de la paix, de la sécurité et du développement sont plus que jamais nécessaire, à l’heure où le monde est plus que jamais frappé par la fragmentation des sociétés et la remise en cause des droits et libertés.

Merci aussi à la Fondation René Cassin, et au professeur Decaux, pour l’action de recherche, de formation et d’enseignement que vous menez.

Cette conférence que vous avez organisée conjointement sera une pierre marquante dans cette « semaine des droits de l’Homme » durant laquelle sont organisées de multiples manifestations, avec notamment un évènement au Palais de Chaillot le 10 décembre – qui sera clôturé par une intervention du Président de la République.

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Mesdames et messieurs,

Les signataires de la DUDH savaient que l’intolérance, le racisme, la pauvreté ou les conflits ne s’arrêteraient pas devant la seule force des mots. Mais ils voulaient, par un engagement solennel, en appeler à la conscience universelle et au respect de la dignité de chacun des membres de la famille humaine. Que cela nous inspire aujourd’hui et demain, nous-mêmes et les générations à venir.

Tous mes vœux pour votre conférence avec la certitude que vos analyses permettront d’éclairer encore davantage notre compréhension et renforceront notre capacité d’atteindre cet « idéal commun au bénéfice de tous les peuples et de toutes les nations » auquel nous appelle la Déclaration universelle.