Je suis particulièrement heureuse de représenter l’UNESCO à cette occasion. L’UNESCO, comme vous le savez, a pris une part active à l’élaboration et à la promotion de la Déclaration universelle des droits de l’homme (ci-après, « DUDH »). Grâce à une étude sur leurs fondements philosophiques dans toutes les cultures, nous avons commencé à jeter les bases de l’universalité des droits de l’homme.
En outre, l’UNESCO a été la première entité des Nations Unies à reconnaître l’importance de la DUDH. Par une résolution dès le lendemain de son adoption, nos États membres en ont fait une référence pour tous les domaines d’action de l’UNESCO.
Les anniversaires appellent à une réflexion sur les réussites et les échecs. Même si nous pouvons apprendre des réussites, ce sont les échecs qui nous rendent plus sages et résilients. Ce sont les échecs qui révèlent nos points faibles et indiquent les améliorations nécessaires.
Alors, où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à l’étape précédente, le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle ?
Sans l’ombre d’un doute, les défis sont plus grands. Et la réalisation d’objectifs cruciaux tels que les ODD semble plus difficile à atteindre qu’il y a cinq ans.
Permettez-moi de commencer par la promotion de la paix – la raison d’être même de l’ONU. Le monde est confronté au plus grand nombre de conflits violents depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 2 milliards de personnes, soit un quart de l’humanité, vivent dans des zones touchées par de tels conflits. Il n’est pas surprenant que le sentiment de sûreté et de sécurité des citoyens soit au plus bas dans presque tous les pays. Six personnes sur sept dans le monde souffrent d’un sentiment d’insécurité et vivent dans l’insécurité ce qui constitue per se un obstacle et une atteinte aux droit à la sécurité, à la liberté, l’intégrité physique, la santé physique et mentale et à la vie.
La pauvreté persiste et revêt de nouvelles caractéristiques. La pauvreté d’aujourd’hui et de demain se retrouve en grande partie en Afrique subsaharienne et dans les États fragiles et touchés par des conflits. D’ici 2030, les pays d’Afrique subsaharienne représenteront 9 des 10 pays les plus pauvres en termes de taux de pauvreté, également en raison d’une augmentation de 11% de la pauvreté provoquée par la pandémie de COVID-19. 60% des pauvres du monde vivront dans des États fragiles et touchés par des conflits. Nous nous attendons également à davantage de foyers de pauvreté dans les pays à revenu intermédiaire. La pauvreté cause un immense stress, souffrance portant attente à la dignité humaine.
Le contexte mondial actuel de populisme croissant et de conflits armés constitue un terrain fertile pour la division, l’intolérance, la haine, la xénophobie et un tournant inquiétant contre l’acceptation de la diversité et des actes nuisibles.
Il est compréhensible qu’à l’échelle mondiale, environ une personne sur cinq déclare être victime de discrimination pour des motifs interdits par le droit international des droits de l’homme.
Face à cette prise de conscience, nous devons faire de cet anniversaire une opportunité de changement.
Tout d’abord, il faut se recentrer sur la défense de la dignité humaine. La lutte contre la discrimination et contre les inégalités structurelles doit être au centre de cet effort. Nous savons que la discrimination n’est pas innée. Grâce à des actions et des politiques publiques et des stratégies appropriées, elle peut être désapprise.
L’élimination de violence à l’égard des femmes, doit être un combat sans relâche des leaders politiques à tous les niveaux, de concert avec toute la société civile y compris les hommes et les garçons. Et pour cela, nous devons rassembler l’ensemble de la société, mettre au point à des gouvernances inclusives et participatives – c’est un message fort qui est ressorti du 3ème Forum mondial contre le racisme de l’UNSCO qui s’est tenu à Sao Paolo, au Brésil, la semaine dernière. Les jeunes acteurs de la transformation digitale peuvent, à travers les plateformes numériques, mener un combat systématique contre les discours de haine. Il faut aussi que les décideurs politiques les impliquent dans le processus de la prise de décisions et dans les instances décisionnelles.
L’UNESCO a adopté la Recommendation sur l’éthique de l’Intelligence artificielle (IA) laquelle prône un cadre universel des valeurs, principes, et actions pour la formulation des politiques publiques conformément au droit international. Elle fournit des principes et des normes pour guider les actions menées par les individus, les communautés, et le secteur privé dans le but de garantir la prise en compte de l’éthique fondée sur les droits humains. Elle insiste sur la promotion de la participation des femmes et des filles dans l’économie numérique reposant sur l’IA.
Deuxièmement, une transformation du strict respect du principe de l’indivisibilité des droits de l’homme. Soixante-quinze ans plus tard, certains droits contenus dans la Déclaration universelle restent en marge des débats et des efforts de mise en œuvre. Cela s’applique notamment aux droits culturels et au droit de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. Nous devons tirer les leçons des défis récents, notamment de la pandémie de COVID-19, pour donner de l’importance à ces normes. La récente action normative de l’UNESCO, avec une série de recommandations adoptées depuis 2017, ouvre la voie à un investissement accru dans une science axée sur les droits de l’homme ou la coopération internationale joue un rôle majeur pour la réalisation de ces droits.
Troisièmement, nous devons permettre aux voix critiques de se faire entendre. Nos sociétés ont besoin d’espaces ouverts permettant aux journalistes, aux éducateurs, aux artistes et aux scientifiques d’exprimer leurs opinions sans crainte et sans ingérence. Les données sur le statut de ces groupes professionnels sont stupéfiantes. Cela doit changer. Conscients de cela, les États membres de l’UNESCO ont reconnu, il y a quelques semaines à peine, lors de sa 42 -ème session de sa Conférence générale la nécessité d’un programme sur la liberté et la sécurité des scientifiques.
Quatrième et dernier point, nous devons anticiper les défis du futur, en établissant des normes appropriées et en investissant dans leur mise en œuvre. Un exemple en est le travail de l’UNESCO sur l’éthique de l’IA, intelligence artificielle axée sur les droits humains y compris la discrimination faites aux femmes par les algorithmes, étendu à la discrimination à l’égard des femmes dans la programmation de l’IA. Les travaux naissants sur l’éthique des neurotechnologies vont dans la même direction. Notre recommandation sur l’IA fournit un cadre largement accepté pour prévenir les biais des algorithmes et les abus associés tout en nous permettant d’exploiter pleinement leur potentiel – par exemple, on estime l’IA avancée engendrera au cours de ce siècle une croissance annuelle explosive du PIB à la hauteur de 30%.
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Mesdames et Messieurs,
Si la réponse aux défis actuels n’est que consternation, alors cet anniversaire sera une nouvelle occasion ratée. Cet anniversaire ne marquera le début d’une nouvelle ère que si chacun d’entre nous, individuellement et collectivement, cesse d’être spectateur et devient agent du changement.