N. 16 - 2018

Sources et régime du droit international des droits de l’homme – Réflexions en marge des Mélanges Emmanuel Decaux

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In Mélanges en l’honneur du professeur Emmanuel Decaux, A. Pedone, Paris 2017, 1373 p.

Emmanuel Decaux incarne l’expert idéal de la protection internationale des droits de l`homme.  Son érudition se manifeste dans la recherche, l’enseignement et la pratique du droit international général et du droit international des droits de l’homme en particulier. Dans les amphithéâtres universitaires il a communiqué sa réflexion doctrinale et sa longue expérience du fonctionnement des organisations internationales. Dans les organes internationaux il a apporté sagesse et imagination dans l’élaboration et la vérification de l’application des normes internationales. De plus, ce qui rend admirable sa contribution au droit des droits de l’homme, est sa profonde connaissance des systèmes du droit interne. Car, faut-il le répéter, l’avenir de nombreux chapitres du droit international se trouve dans leur absorption par les droits nationaux.

Le volume en son honneur porte le titre appelant ‘réciprocité et universalité’, deux concepts non dépourvus de controverse, mais pour l’affermissement desquels Emmanuel a consacré sa carrière. L’ouvrage contient quatre-vingt-cinq (85) contributions de haute qualité qui s’ouvrent à presque tous les chapitres du droit international des droits de l’homme et mettent en exergue le rôle joué par le dédicataire à la protection internationale de ces droits. Comme il est impossible de les présenter toutes, je me contente d’un échantillonnage.

En ce qui concerne la réciprocité, depuis les œuvres classiques de Emmanuel Decaux, de Bruno Simma et de Michel Virally[1], la littérature du droit international n’est pas abondante. Vincent Coussirat-Coustère poursuit le débat et présente d’abord les règles qui ont pour objet d’écarter la réciprocité de la sphère des droits de l`homme. Il indique ensuite les domaines où la non-réciprocité pénètre le droit international sous l’influence du droit des droits de l`homme, mais détecte également des traces de réciprocité visibles dans le droit international conventionnel des droits de l’homme. En fait, ce dernier ne peut pas ne pas subir les effets de la réciprocité qui marquent le droit de traités en général. Enfin, la non-réciprocité continue de se manifester dans la différence de traitement licite et non interdit par le jeu de la nationalité.

Allain Pellet rappelle que les deux Cours régionales des droits de l’homme reconnaissent le caractère particulier des traités des droits de l`homme par rapport aux traités de type classique. Il examine, toutefois, avec rigueur et ponctualité, la banalité de la conclusion des traités des droits de l’homme qui ne sont pas soumis à des règles particulières et détermine le droit applicable aux réserves qui sont très souvent formulées à l’égard de ces traités. Pellet indique que l’interprétation fonctionnelle de l’article 60 de la Convention de Vienne de 1969 ne devrait pas se limiter aux ‘traités de caractère humanitaire’. Il fait état de la jurisprudence internationale relative à la non-réciprocité de certains traités des droits de l’homme et précise que le fait pour un traité de régler des questions des droits de l’homme ne suffit pas pour lui attribuer le caractère non-réciproque. La souplesse est requise pour répondre aux particularités objectives et à la mise en œuvre de certaines catégories spécifiques d’accords. Pellet ne manque pas d’évoquer, à juste titre, les aspects stériles du ‘droit de l’hommisme’.

Au sujet de l’universalité, nous sommes aujourd’hui en présence d’au moins deux discours. L’un porte sur l’unité et l’universalité du droit international général et l’autre sur l’universalité du droit international des droits de l’homme. L’un ne saurait exister sans l’autre, mais la distinction est parfois inévitable.[2]

Pour Serge Sur, bien que les droits de l’homme constituent le socle positif universel et substantiel du droit international, la triste vérité est que l’ordre juridique international se caractérise par une tension permanente entre unité et fragmentation. L’auteur précise les éléments d`association et de dissociation de cette tension dans le rapport entre droits de l’homme et droit international. La conquête normative de part et d’autre est certaine, mais les vicissitudes pratiques dérivent du fait que la société internationale est à la fois une société polémique et politique et que ses aspects contentieux demeurent modestes.

Pierre-Marie Dupuy se demande si l’ensemble normatif de la Charte des Nations Unies pouvait prétendre à une portée universelle des droits de la personne humaine. Dans la Charte il y a un déterminisme pour la paix, la sécurité et les droits de l`homme, déterminisme fondé sur l’idéologie du progrès et la dimension universelle de la personne humaine. Plusieurs défis ont été adressés à cet édifice normatif où l’on constate une tension et une contradiction temporelle entre la loi et la promesse. À l’heure actuelle les grandes puissances agissent en rupture des principes les plus fondamentaux du concept de sécurité. Elles ne cherchent plus la justification de leurs agissements ni dans le vocabulaire ni dans les normes du droit international. Dans un pareil contexte l’avenir des droits de la personne conduit à une perte de sens ou à l’oubli de l’essentiel. Dupuy trouve toutefois encourageant que l’universalité des droits de la personne humaine s’affirme dans le discours scientifique et technique. Il s’agit d’une redécouverte de ces valeurs à travers la globalisation mercantile et la solidarité cosmopolitique.

Pour Olivier de Frouville, les incertitudes politiques, sociales et économiques que nous vivons nous obligent, non seulement d’expliquer le droit international, mais surtout de le justifier et le défendre. L’expérience historique montre que le nationalisme et le protectionnisme n’ont pas été facteurs de paix. En revanche, le cosmopolitisme peut être considéré comme un élément pour le devenir du droit international. Frouville réfute trois critiques adressées à la dimension cosmopolitique du droit international : celle de la complicité entre cosmopolitanisme et libéralisme économique où les droits de l’homme travailleraient pour l’expansion du capitalisme; celle d’après laquelle les droits de l`homme, considérés sous l`angle de l’appartenance à l’identité nationale s’opposent au droit universel; enfin, celle prétendant que le droit international dans sa dimension cosmopolitique ne peut pas s’exprimer par l’exercice du pouvoir à l’échelle mondiale. De Frouville se demande si nous assistons à la réapparition d’une ‘tradition de clerc’ par l’adhésion des intellectuels au nationalisme et fait appel au ‘courage de vérité’ des intellectuels préconisé par Foucaux.

Le grand juriste Roland Dworkin, peu avant son décès, publiait un article fort intéressant intitulé ‘A New Philosophy for International Law’ dans lequel il confiait sa vision sur la normativité internationale. Charles Leben nous offre une analyse détaillée et pénétrante de cet article de Dworkin. J’ajoute qu’il remarquable que ces derniers temps certains maîtres de la théorie générale du droit (Herbert Hart, Roland Dworkin, William Twining, Joseph Raz) et de la théorie générale de la science politique (John Rawls, Amartya Sen, Jürgen Habermas) s’occupent de plus en plus de la place du droit international et des droits de l’homme dans le système politique et juridique mondial. Ces approches démontrent la volonté de contribuer à la détection des complexités de la normativité internationale. [3]

Rainer Huhle nous rappelle ‘la triade perdue’ pour les droits de l`homme à l’aube de la création des Nations Unis. À l’époque il s’agissait de créer un système complet de protection internationale obligatoire, consolidée par un réseau des traités et applicable par des mesures appropriées. Les efforts qui se poursuivent ne se dirigent plus dans le sens préconisé aux origines des Nations Unies. Et Marc Gambaraza, invoque les propositions pour une Cour universelle des droits de l’homme. Tout en reconnaissant que nous vivons la fragmentation du droit international des droits de l’homme, il entrevoit cependant l’espoir de création d’une cour internationale.

Madjid Benchikh fait le tour d’horizon de la doctrine et la jurisprudence internationale qui trouve dans les droits de l’homme des limitations à la souveraineté de l’État. Il repousse l’accusation d’après laquelle ceux qui luttent pour les droits de l’homme au sein de leur nation se dressent contre la souveraineté de l’État. La souveraineté devra être compatible avec le développement de la protection des droits de l’homme, car l’État n’est pas un sujet de droit détaché du peuple et ne peut faire ce qu’il veut.

Yozo Yokota étudie la contribution du droit international au développement des droits de l’homme et vice versa. Il souligne l’aspect institutionnel de cet échange et dresse l’image de l’évolution du droit international par l’intermédiaire des organisations internationales et notamment de l’OIT vers l’institutionnalisation du droit international des droits de l`homme.

Monica Pinto évoque le fondement de la prééminence normative des droits humains dans la jurisprudence des tribunaux internationaux. Elle procède à une lecture morale de l’action des institutions internationales dans ce domaine, lecture qui apparaît dans l’invocation plus fréquente du jus cogens et des obligations erga omnes par ces institutions.

Maurice Kamto, protagoniste dans la lutte pour les libertés fondamentales, analyse l’évolution théorique et jurisprudentielle de quelques concepts abstraits, tels que le jus cogens et les obligations erga omnes. Ces concepts   acquièrent leur valeur en présence de situations concrètes. En définitive, c’est l`importance de la valeur protégée qui détermine le statut de la norme de protection. Cette dernière est parfois élevée au niveau du droit naturel.

Laurent Trigeaud fait état de l’antagonisme entre droits et devoirs de l’homme dans la doctrine et surtout au sein des institutions internationales de protection. Nous savons tous que l’environnement juridique donne l’impression que les obligations sont placées en sourdine dans les instruments internationaux de protection La tendance majoritaire se penche   vers l’exclusion des devoirs au bénéfice des seuls droits. Pour réhabiliter les devoirs il importe de procéder à leur identification, et expliquer leur fonction propre et leur juridicité. Trigeaud signale également la nature morale de l’équilibre qui devra exister entre droits et devoirs.

Laurence Burgorgue-Larsen procède à un examen comparatif des systèmes américain et européen et détecte un certain nombre de ‘plus-values’ du système américain dans le domaine des droits et des obligations.

La contribution de Pavel Šturma porte sur la question de savoir si le développement du droit international est susceptible de mener vers la pénalisation du droit international des droits de l’homme. Il étudie la relation entre crime d’État et crime de droit international d’après les conventions multilatérales et procède à l’analyse de la jurisprudence internationale des droits de l’homme en présence de la persistante hésitation des gouvernements de reconnaître des normes de responsabilité aggravée pour crimes d’État en droit international. Pour Sturma, il déprendra des juges internationaux de déterminer si et comment un concept théorique (celui du crime d’État en droit international) se transformera en crime sanctionné par la justice internationale.

Adama Dieng fait état de son expérience des institutions internationales de protection dans le cadre des Nations Unies et explique les difficultés et les possibilités d’action dans la lutte internationale contre le génocide et les autres crimes contre l’humanité. Dans ce domaine, la prévention est d’une importance capitale. Au-delà de l’alerte précoce (early warning) il faut insister sur l’action précoce (early action).

Jorge Cardona, étudie l’action des organisations internationales visant la prohibition des recruter ou d’utiliser des enfants pendant les hostilités. La répression de ce crime international requiert l’application du principe de la juridiction universelle.

Julian Fernandez présente l’état actuel du mouvement en faveur de la régulation, sinon de l’interdiction des armes létaux autonomes dits ‘robots tueurs’. Il propose l`élaboration d’un code de bonne conduite réglementant cette catégorie d’armes intelligents.

Mamadou Badio Camara estime que pour réagir efficacement aux guerres asymétriques, à la cyber-guerre, le cyber-terrorisme, à l’agression et au terrorisme des conflits armés, il importe de réaffirmer la force des normes de répression des crimes de guerre par les juges internationaux et en particulier par une juridiction pénale internationale effective. Il faut aussi renforcer la compétence universelle des juges nationaux et leur collaboration avec la Cour pénale internationale.

Pour Marina Eudes le principe de légalité couvre aussi bien la création que le respect de la légalité des délits et des peines par la juridiction pénale internationale. L’auteur fait état des inquiétudes ponctuelles qui se manifestent concernant le respect de cette légalité par le juge pénal international depuis le procès de Nuremberg jusqu’à l’actuelle Cour pénale internationale. Eudes développe une réflexion sur le principe de la légalité en matière de la procédure pénale internationale.

Hélène Tigroudja poursuit l’étude du principe de légalité des délits et des peines tel qu’il est appliqué dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH offre une protection des particuliers contre les condamnations arbitraires et non prévues par le droit, mais ne saurait entraver la réalisation du droit d’accès à la justice. C’est la raison pour laquelle la Cour de Strasbourg a adapté sa jurisprudence aux exigences de la légalité pénale.

Jean-Louis Atangana Amougou signale des contradictions dans l’action de la Cour pénale internationale qui permettent l’exploitation et provoquent des réactions négatives de la part de certains États. Amougou étudie la perspective extrême, mais juridiquement possible, du retrait des États africains du traité de Rome. Pareil retrait constituerait une négation de la lutte contre l`impunité.

Le droit du justiciable a un juge indépendant, établi dans l’article 6 de la Convention européenne, a été mis en exergue par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Baka c. Hongrie. En revanche, la Convention européenne des droits de l`homme et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, le Pacte international pour les droits civiles et politiques, la Convention Américaine et le Comité des droits de l’homme, semblent envisager de façon seulement indirecte la question d’un droit subjectif du juge lui-même à l’indépendance. Dans un texte élaboré, Linos-Alexandre Sicilianos va plus loin. Il présente et soutien les arguments en faveur de l’autonomie d’un droit subjectif du juge lui-même à l`indépendance. Cette idée suggérée par Sicilianos a été récemment consacrée par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire des juges polonais (2019).

Stéphane Doumbé-Billé examine l’effectivité du mécanisme de saisine de la Cour africaine des droits de l’homme. L’auteur trouve une articulation peu visible de base juridique de la saisine, et analyse son impact sur la construction régionale africaine.

Depuis quelque temps la théorie se penche sur les références qu’un tribunal international fait à la jurisprudence d’un autre tribunal international. Peter Kovács analyse les références faites par la Cour pénale internationale à la jurisprudence des Cours européenne et interaméricaine. Il explique les raisons pratiques pour et contre ces références externes et évoque la riche pratique de la Cour pénale relativement aux styles et aux formules utilisés. L’harmonisation est requise pour le prestige de la jurisprudence internationale.

Sébastien Touzé procède à une appréciation de la pratique d’exécution conditionnelle des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et trouve dans ce procédé la négation du principe de la subsidiarité au profit de la primauté normative et d’une règle de conflit inapplicable. Pour l’auteur, la conditionnalité constitue une réappropriation systémique interne de la subsidiarité aux dépens des droits de l’homme.

La question des juridictions militaires attire l’attention des organes des Nations Unies et des institutions régionales de protection des droits de l’homme. Federico Andreu-Guzman rappelle les précédents normatifs portant réglementation de la composition et de la procédure de ces tribunaux. Il présente le développement jurisprudentiel, la pratique des organes spéciaux des Nations Unies et celui des tribunaux nationaux et analyse en détail les ‘principes’ que la Sous-commission de protection des droits de l’homme a adopté sur la base des propositions de Emmanuel Decaux.

Sharon Weill et Mitch Robinson critiquent les pratiques d’administration de la justice par les tribunaux militaires dans les procès de Guantanamo. Les auteurs comparent ces pratiques avec ‘les principes Decaux’ et trouvent dans les procès sous-mentionnés de ‘monstruosités’ de type Frankenstein.

La Cour africaine des droits de l’homme compte déjà plus de dix ans d’activité. Fatsah Ouguergouz offre un compte-rendu détaillé et réfléchi de cette activité. Il trouve une grande ouverture de la Cour à la jurisprudence des organes judiciaires et quasi-judiciaires des Nations Unies. Il considère aussi que cette jurisprudence pourra servir un jour de source d’inspiration aux organes onusiens.

L’adoption du Statut de la Cour arabe des droits de l’homme est examinée par Paul Tavernier sous l’angle de l’universalité des droits de l’homme. A commencer par la Déclaration 1948, l’universalité est une nécessité toujours actuelle. Tavernier rappelle les très nombreux organes internationaux et régionaux (y compris la Charte africaine) qui se réfèrent à l’universalité. Or le Statut de la Cour arabe ne contient pas de référence expresse sur cette notion. Tavernier détecte dans l’article 16 du Statut de la Cour arabe des restrictions par rapport à l’universalité et considère que la Cour se trouvera dans une situation difficile lorsqu’il s’agira de concilier des textes contradictoires. Les critiques formulées à propos de ce Statut amènent au constat d’un relativisme qui porte attente à l’universalité.

Dans la partie relative aux expériences nationales, Ahmed Mahiou combattant et expert des institutions démocratiques, analyse le contenu des six (6) Constitutions algériennes depuis l’indépendance de ce pays. Ces textes contiennent plusieurs dispositions relatives aux droits de l`homme. Dans certains cas, les listes détaillées de ces droits auraient dû être de ressort de la loi ordinaire. Mahiou examine les aspects d’application pratique de ces droits constitutionnels et souligne qu’il est nécessaire pour les citoyens eux-mêmes d`adhérer à l’avènement des droits de l`homme dans leurs pays. L’étude démontre une fois de plus comment les droits de l`homme, internationalement protégés, sont reçus par les systèmes du droit interne.

Régis de Gouttes apporte sa longue expérience des efforts déployés pour la mise en œuvre des droits de l’homme par les institutions internationales et nationales. Il jette un regard comparatif à l’action de deux organes chargés de la lutte contre le racisme aux Nations Unies et au Conseil de l’Europe. Il note cinq points de différenciation entre le CERD et l’ECRI. L’on sait que la coopération entre organes internationaux n’est pas chose facile, elle est cependant nécessaire. De Gouttes offre des propositions pratiques à cet égard.

Dans la partie consacrée aux disparations forcées, le volume contient d’abord quelques appréciations personnelles de l’œuvre accomplie par Decaux lors de son mandat de membre et de président du Comité des disparitions forcées (par Mohammed Alobeidy et par Maria Giovanna Bianchi). Vient ensuite une série d’études originales sur la mise en œuvre de la Convention pour la protection de toutes personnes contre les disparitions forcées et des contributions sur des questions ponctuelles. (Par Juan José Lopez Ortega, Gabriella Citroni, Kimio Yakushiji, Suela Janina, Santiago Corcuera Cabezut, Xavier Aurey, Spyridon Aktypis, Ariel Dulitzki).

Dans cette partie, William Schabas définit la disparition forcée en tant que crime contre l’humanité. Il relate l’évolution de la jurisprudence internationale depuis le procès de Nuremberg et rappelle que la CDI avait inclus la disparition forcée, en raison de son extrême cruauté et gravité, dans le ‘Code des crimes contre la paix et la sécurité’. Chabas détecte les éléments constitutifs de ce crime.

Andrew Clapham a été l’un des premiers à s’occuper de la situation des acteurs non-étatiques participant aux conflits armés par rapport aux obligations de droit international humanitaire et aux droits de l’homme. Clapham poursuit ici son enquête sur la question de la commission du crime de détention forcée par des acteurs non-étatiques participant à des conflits non-internationaux et internationaux en application de la Convention sur les disparitions forcées (2006). Il explique et répond aux réticences exprimées à cet égard.

El Hadji Malick Sow étudie le mécanisme de contrôle par les Nations Unies des privations de liberté par les détentions arbitraires. Il examine en détail les communications individuelles, les appels urgents et les visites sur place.

Laurence Boisson de Chazournes fait état de l’intérêt porté par les Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes attentes d’albinisme. Les initiatives visent à la réflexion sur la protection de ces personnes en particulier en cas de violence dont elles peuvent être l’objet. Boisson de Chazournes fait état de la mobilisation du Comité consultatif des droits de l’homme et la nomination d’un expert indépendant dans ce domaine. L’essentiel est de sensibiliser les acteurs concernés et les efforts doivent être menés aux échelons nationaux, régionaux et universel. Les graves violations des droits de l’homme contre les personnes attentes d’albinisme n’avaient pas suffisamment préoccupé les gouvernements. Les Nations Unies œuvrent pour améliorer cette situation.

Despina Sinou insiste sur la pertinence d’une vision engagée chez les théoriciens des droits de l’homme. Elle parle de cohérence et d’un caractère pionnier ou emblématique dans la littérature juridique à ce sujet. Nombreux auteurs démontrent non seulement leur engagement académique, mais aussi une participation active et déterminante dans les organes internationaux de promotion et de protection. Cette richesse doctrinale inspire et stimule l’évolution normative du droit international des droits de l’homme.

Nabil Hajjami rappelle les efforts déployés depuis 2001 pour définir et amplifier la responsabilité de protéger (R2P). Il constate un ‘consensus de façade’ au Conseil de sécurité et à l’Assemblé générale des Nations Unies. En fait le blocage est illustré par les échecs sur le terrain (Syrie) qui sont imputables aux faiblesses structurales et aux agendas politiques des États.

Sir Nigel Rodley, l’un des ‘founding fathers’ de la lutte contre la torture et les peines ou traitements inhumains et dégradants, nous a laissé ses réflexions sur le fonctionnement du Comité des droits de l’homme pendant les quarante dernières années. Il présente la procédure d’examen des Rapports nationaux, les sources d’information du Comité dans ce domaine, le dialogue avec les gouvernements et les Observations générales. Les questions de communications individuelles et des Commentaires par article du Pacte des droits civiles et politiques complètent ce texte important de l’expert regretté.

Catherine Kessedjian s’occupe de la question controversée de l’application compétitive ou complémentaire entre droit dur et droit tendre (soft law) aux questions de la responsabilité, tout-de-même soft, des entreprises dans le domaine des droits de l’homme et en relation avec le concept d’autonomie et de prévention. Elle trouve des difficultés dans le foisonnement des instruments parcellaires internationaux, nationaux et a-nationaux et aux autres problèmes méthodologiques et substantiels.

Je répète qu’il est impossible de traiter de tous les importants articles contenus dans l’ouvrage. J’espère, toutefois, que la présentation de ces quelques titres peut donner une idée du vaste éventail des sujets traités et de la richesse des contributions dédiées à Emmanuel Decaux.

E.R.

[1] E. Decaux, La réciprocité en droit international (préface de Paul Reuter), LGDJ, 1980. B. Simma, Das Reziprozitätselement im Zustandekommen völkerrechtlicher Verträge: Gedanken zu einem Bauprinzip der internationalen Rechtsbeziehungen, Dunker & Humblot, 1972. A. Paulus, ‘Reciprocity Revisited’, in U. Fastenrath, R. Geiger, et al.(dir.), From Bilateralism to Community Interest: Essays in Honour of Judge Bruno Simma, Oxford, 2011, pp. 113-137. M. Virally, ‘Le principe de réciprocité dans le droit international contemporain’, 122 RCADI (1967).

[2] Cf. E. Decaux, ‘L’universalité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme’, A. Marangopoulos (dir.), L’état actuel des droits de l’homme dans le monde, Pedone, 2006. Idem, ‘Les enjeux d’une application universelle des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme’, Annuaire international des droits de l’homme, Colloque : Diversité culturelle et droits de l’homme, 2008. Voir aussi E. Roucounas, A Landscape of Contemporary Theoriesof International Law, Brill, 2019, pp. 312-322.

[3] Voir details in E. Roucounas, A Landscape of Contemporary Theories of International Law, op.cit., pp. 665-681.